La Sûreté du Québec (SQ), qui mène l’enquête sur la fuite des données personnelles de près de 3 millions de clients de Desjardins, a obtenu d’un juge une ordonnance obligeant TVA à lui remettre l’intégralité d’une entrevue réalisée avec l’un des principaux suspects, a appris La Presse.

Mais le diffuseur refuse de remettre le matériel journalistique et conteste l’ordonnance devant les tribunaux.

Selon nos informations, l’entrevue que souhaiterait obtenir la police dans son intégralité, y compris ce qui n’a pas été diffusé, a été réalisée avec Sébastien Boulanger-Dorval, cet ex-employé de Desjardins qui aurait subtilisé les données, et a été présentée en partie à l’émission J.E. en octobre 2019.

Durant cette entrevue, on pouvait également entendre la voix d’une femme qui aurait été la conjointe de M. Boulanger-Dorval.

D’après nos informations, c’est l’automne dernier que la Sûreté du Québec aurait fait parvenir à TVA l’ordonnance du juge lui enjoignant de lui fournir l’entrevue complète.

La cause a été débattue lundi devant le juge Alexandre Dalmau, de la Cour du Québec, au palais de justice de Montréal.

La poursuite a présenté sa preuve. Tout indique que la question de la protection des sources journalistiques a fait partie du débat et que des techniques d’enquête ont été évoquées.

Deux enquêteurs de la SQ, les procureures Amanda Santache et Geneviève Robitaille, du Bureau de la grande criminalité et des affaires spéciales, et MRené Verret, qui représentait TVA, ont pris part aux procédures qui se déroulées à huis clos ou en l’absence de l’une ou l’autre des parties (ex parte).

Un mandat et des pièces devant servir au débat ont été mis sous scellés. Le juge Dalmau rendra sa décision au début de l’été.

Réaction de la FPJQ

« Les journalistes ne travaillent pas pour la police et ne sont pas à son service. Ils n’ont pas à fournir leur matériel aux autorités. Cela dit, les journalistes ne sont pas au-dessus des lois et si la SQ estime qu’elle doit avoir accès à du matériel journalistique, il y a une marche à suivre qui est celle des tribunaux. Le média pourra alors faire valoir ses droits. Et si une partie s’estime lésée, elle pourra porter la cause en appel. La FPJQ suivra la situation de près », a réagi Michaël Nguyen, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

Dans le passé, des corps de police ont déjà obtenu des mandats et effectué des perquisitions dans des salles de rédaction ou des locaux de médias, pour saisir du matériel journalistique.

En septembre 2016, le président de la FPJQ lui-même, M. Nguyen, qui est journaliste au Journal de Montréal, s’était vu saisir son portable par la SQ.

Mais depuis l’adoption de la Loi sur la protection des sources journalistiques en 2017 et la décision de la Cour suprême concernant Vice Canada en 2018, les dossiers qui pourraient impliquer les autorités et les médias sont soumis à des règles plus sévères.

La Sûreté du Québec n’a pas voulu commenter nos informations. La vice-présidente aux communications du Groupe TVA, Véronique Mercier, n’a pas répondu aux questions de La Presse.

C’est en juin 2019, il y aura bientôt deux ans, que Desjardins a annoncé la fuite massive de données personnelles.

L’enquête, baptisée depuis Portier, a été menée au départ par le Service de police de Laval (SPL) avant d’être confiée à la SQ, avec la collaboration du SPL. Personne n’a encore été arrêté.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.