Quelques dizaines de manifestants ont fait entendre leur opposition à la Loi sur la laïcité de l’État, mardi après-midi devant les bureaux montréalais du premier ministre François Legault, quelques heures après que la Cour supérieure ait maintenu son application.

« Nous avons tous et toutes l’impression que cette loi-là est vraiment une grosse cicatrice sur le visage du Québec, et surtout, qu’elle ouvre la porte à de dangereux excès pour la suite », a martelé le porte-parole de la coalition « Non à la loi 21 », Ehab Lotayef, en marge du rassemblement.

Pour l’homme, qui est aussi fondateur de la Semaine de la sensibilisation musulmane, la loi du gouvernement est tout simplement « discriminatoire » et fragilise les droits humains « de tous les Canadiens ». Il accuse Québec d’avoir refusé de débattre en amont, avant d’user de la clause dérogatoire.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

« On ira jusqu’en Cour suprême s’il le faut », fustige pour sa part la présidente et fondatrice de l’organisme Communication pour l’ouverture et le rapprochement interculturel (COR), Samira Laouni. Elle affirme que le caractère discriminatoire de la loi touche tout particulièrement les femmes. « Une femme portant le foulard comme moi ne pourra postuler comme enseignante, alors que son mari, lui, pourra le faire. C’est discriminatoire en termes de genre, aussi », dit-elle.

C’est une question de droit et d’équité. On ira jusqu’au bout de l’exercice, on ne lâchera rien, que ce soit nous ou nos enfants.

Samira Laouni, présidente du COR

L’ancien député du Parti libéral du Canada (PLC), Frank Baylis, était aussi de la manifestation. Connu pour son opposition à la Loi sur la laïcité de l’État, il déplore notamment que la loi dans son état actuel « puisse discriminer une femme musulmane dans un milieu francophone, mais pas anglophone ». « C’est complètement ridicule, et on ne s’arrêtera pas là », avance-t-il.

M. Baylis faisait notamment référence au fait que dans son jugement, rendu plus tôt mardi, la Cour supérieure a maintenu mardi la Loi sur la laïcité de l’État, sauf pour les commissions scolaires anglophones et les élus de l’Assemblée nationale.

Un jugement attendu

Dans son jugement, qui était attendu de pied ferme, le juge Marc-André Blanchard a dit constater qu’il y a bel et bien une violation des droits fondamentaux dans la loi, mais puisque le législateur québécois a utilisé des clauses de dérogation, il conclut que la loi demeure valide.

Le magistrat a toutefois critiqué l’utilisation de ces clauses qui, dit-il, « apparaît excessive, parce que trop large, bien que juridiquement inattaquable dans l’état actuel du droit ».

Puis, dans les heures qui ont suivi, le gouvernement caquiste a fait part de son intention de porter le jugement en appel. « Je suis déçu du jugement. Je le trouve illogique. Actuellement, c’est comme si la laïcité et les valeurs, ça s’appliquait de façon différente aux anglophones qu’aux francophones », a déploré le premier ministre François Legault. Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a aussi martelé que « les lois du Québec doivent s’appliquer pour tous et sur l’ensemble du territoire québécois » et qu’il « il n’y a pas deux Québec, il n’y en a qu’un seul ».

La Loi sur la laïcité de l’État, connue aussi comme la Loi 21, interdit le port de signes religieux aux procureurs de la Couronne, policiers, enseignants des écoles publiques du primaire et du secondaire, directeurs d’école et d’autres fonctionnaires. Elle a été adoptée par l’Assemblée nationale en juin 2019.