Ce serait trop ludique de dire que Québec joue au yo-yo avec les mesures de confinement.

Notre approche ressemble plutôt à un diachylon qu’on retire à quelques millimètres à l’heure. Puis qu’on remet, puis qu’on recommence à enlever. La douleur se prolonge dans le déplaisir.

Les pays qui ont le mieux contrôlé leur épidémie sont ceux qui ont agi vite et fort. Qui ont compris que les demi-mesures donnent des demi-résultats. Qui ont cassé la vague avant qu’elle ne monte trop.

Bien sûr, ces comparaisons ont des limites. Par exemple, l’Australie est une île isolée, et les Taiwanais ou les Sud-Coréens ont la discipline plus facile. Ces succès ne seraient pas faciles à reproduire chez nous, mais on pourrait s’en inspirer un peu.

Collectivement, ils ont pris une grande respiration et ils ont retiré le diachylon d’un coup. Le mal a vite passé. Ce n’est pas ce qui est fait au Québec. Ici, on zigonne dans la plaie.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Nous sommes dans une nouvelle épidémie. Le virus a changé, et ses hôtes aussi. Le taux de mortalité a baissé. Par contre, celui des admissions en soins intensifs a légèrement augmenté, selon les données de l’INSPQ. Si rien ne change, plus le temps avance, moins ça ira. C’est mathématique, écrit notre chroniqueur.

Pourtant, au début de mars, le taux de reproduction des variants était supérieur à 1. En déconfinant, on allait forcément accélérer la transmission, et donc augmenter les cas.

Nous sommes dans une nouvelle épidémie. Le virus a changé, et ses hôtes aussi. Le taux de mortalité a baissé. Par contre, celui des admissions en soins intensifs a légèrement augmenté, selon les données de l’INSPQ. Si rien ne change, plus le temps avance, moins ça ira. C’est mathématique.

Bien sûr, résumé ainsi, cela semble si simple…

À la décharge du gouvernement Legault, la gestion de la crise est hyper complexe.

D’abord, les courbes du virus ne montrent pas tous les dommages collatéraux de la pandémie comme les échecs scolaires, les dépressions ou encore la violence familiale. Et il n’existe pas de formule pour trouver l’équilibre entre les ravages du virus et ceux du confinement.

Ensuite, François Legault n’est pas le seul à avoir changé de position. Parmi les commentateurs et les élus de l’opposition, plusieurs réclamaient il y a quelques semaines de rouvrir les gyms. Le risque serait presque nul, disaient-ils en se réclamant de la science — pardon, de « LA SCIENCE ! ». Finalement, ils avaient mal fait leurs recherches…

Enfin, il ne sert à rien d’imposer une mesure qui ne sera pas respectée. Le gouvernement se bat déjà contre la minorité de récalcitrants. S’il en demande trop, il craint de perdre l’adhésion de plus de gens.

Que le premier ministre s’ajuste et corrige le tir est normal et même souhaitable.

D’ailleurs, le Québec ne diffère pas de l’Ontario, de l’Allemagne ou de la France, entre autres, où la situation est encore plus grave.

Quand on choisit bien à qui on se compare, on se console. Mais on aimerait ne plus avoir autant besoin de se consoler…

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M. Legault était irascible en conférence de presse mardi. « J’aimerais ça, les voir, leurs experts ! », a-t-il tonné au sujet de la commission scolaire English-Montréal.

À un collègue qui voulait des précisions sur la vaccination, il s’est impatienté. Il croyait avoir déjà tout expliqué. « Étiez-vous là tantôt ? »

C’est cruel pour un chef de gouvernement de se savoir jugé par une population qui n’a pas toutes les informations. Lui-même doit s’en remettre à ses experts, et se montre souvent plus restrictif qu’eux.

Par contre, avec ce nouveau resserrement, les choses sont différentes. M. Legault n’est pas seulement critiqué par les gérants d’estrade.

Depuis plus d’une semaine, des médecins et chercheurs en santé publique le préviennent : ne courons pas trop vite vers la lumière qui apparaît au bout du tunnel, car si on trébuche en route, la noirceur se prolongera. L’avertissement est même venu du Collège des médecins, qui ne fait pas de telles sorties sans être convaincu de sa position et de l’urgence d’agir.

Je ne le souligne pas pour le plaisir de distribuer les blâmes à distance. Ce serait facile et peu utile. D’ailleurs, la ligne est mince entre dénoncer la confusion et l’alimenter. Entre critiquer le gouvernement et renforcer l’impression que les consignes seraient illégitimes.

Mais je sympathise avec les restaurateurs qui renvoient à nouveau leurs employés chez eux, les écoles qui réaménagent leurs horaires et le monde ordinaire qui devient anxieux.

Et je m’inquiète de voir la lourdeur du réseau de la santé face à la campagne de vaccination. Seul chez lui, le programmateur informatique Baptiste Laget a créé un portail qui répertorie les rendez-vous disponibles dans une interface simple. Pourquoi personne n’y avait pensé au ministère ?

> Consultez le portail

Espérons que c’est la dernière fois que l’on recule avant d’avancer. Et souhaitons aussi que la population s’en souvienne, car ceux qui dénoncent aujourd’hui le yo-yo sont parfois aussi ceux qui étaient pressés de goûter à un peu de liberté.

La pandémie ne cesse de nous le rappeler, les petites libertés qu’on s’offre aujourd’hui finissent souvent par coûter cher le lendemain.