(Montréal) Il sera désormais possible d’enseigner au préscolaire et au primaire après avoir obtenu une maîtrise (après un baccalauréat) plutôt qu’un baccalauréat en enseignement, une des solutions de Québec pour pallier la pénurie d’enseignants. L’Université de Montréal deviendra la première à offrir une telle formation l’automne prochain.

Ce nouveau programme de maîtrise de 60 crédits conduira au brevet d’enseignement préscolaire et primaire, a appris La Presse. Les étudiants qui s’y inscriront pourront provenir de n’importe quelle discipline.

Jusqu’ici, il fallait avoir un baccalauréat de 120 crédits pour obtenir un tel brevet.

« Pour la première fois, on a une voie alternative au baccalauréat de quatre ans », se félicite en entrevue le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

« L’idée, c’est de permettre à des gens qui ont un baccalauréat disciplinaire et qui veulent devenir enseignants d’entrer rapidement sur le marché du travail, d’occuper un poste et de compléter leur formation à temps partiel », ajoute le ministre.

En 2019, face à la pénurie d’enseignants, Jean-François Roberge avait interpellé les universités pour qu’elles créent des programmes de formation différents. Maintenant que la voie est ouverte, le ministre dit s’attendre à ce que d’autres universités demandent bientôt au ministère de l’Éducation d’agréger de tels programmes de maîtrise.

Les enseignants fortement demandés

En offrant la maîtrise à temps partiel et des cours de soir et de fin de semaine, on souhaite aller chercher des étudiants qui n’auraient pas voulu s’engager dans un baccalauréat de quatre ans.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Kim Nadeau a opté pour la maîtrise à temps partiel afin de réorienter sa carrière vers l’enseignement.

C’est le cas de Kim Nadeau. La jeune femme de 28 ans travaille comme suppléante dans les écoles primaires. Le travail ne manque pas. « S’il y avait dix jours dans une semaine, je travaillerais tous les jours. Il n’est pas rare qu’on m’appelle trois fois dans une même journée », dit-elle.

Elle a quitté son travail d’archiviste il y a deux ans pour se tourner vers l’enseignement. « J’ai trouvé le métier qui m’allume, j’ai encore hâte d’aller travailler chaque matin », dit Mme Nadeau.

Elle compte au nombre des fameux enseignants non légalement qualifiés. En 2019-2020, ils étaient 2500 comme elle dans les écoles du Québec à ne pas avoir de brevet d’enseignement.

« Les écoles tentent de les former du mieux qu’elles le peuvent, mais ce n’est pas leur rôle. C’est le rôle des universités », dit Pascale Lefrançois, doyenne de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

En suivant des cours de maîtrise comme étudiante libre, Kim Nadeau a fait le pari que la maîtrise qualifiante serait bientôt avalisée par le ministère de l’Éducation. Quand elle a su que c’était chose faite, elle était « euphorique ».

De savoir que j’irais chercher le brevet, ça m’a enlevé un énorme poids.

Kim Nadeau

Le baccalauréat de quatre ans était son plan B. « J’approche la trentaine, j’ai des engagements financiers, de retourner au baccalauréat à temps plein, c’était beaucoup », explique Kim Nadeau.

Une maîtrise qui ne fait pas l’unanimité

Chaque fois qu’il a été question de délivrer le brevet d’enseignement au terme d’une maîtrise, des voix se sont élevées pour dire que la formation de quatre ans des profs s’en trouverait dévalorisée.

Ce n’est pas le cas, assure Pascale Lefrançois. Elle rappelle qu’une maîtrise qualifiante existe depuis une dizaine d’années pour enseigner au secondaire et que les études montrent que peu importe le parcours universitaire choisi, les futurs profs ont une formation équivalente.

On le sait que [la maîtrise qualifiante] ne fait pas l’unanimité. La maîtrise pour enseigner au secondaire avait elle aussi, au début, suscité des débats.

Pascale Lefrançois, doyenne de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal

Kim Nadeau a jusqu’ici suivi six cours de sa formation. Ce sont des cours exigeants, dit-elle, mais nécessaires.

« Je veux aller chercher des outils : on apprend à lire et à écrire aux enfants. Il me manquait de la formation. Me sentir adéquate : c’est extrêmement important pour moi », ajoute Mme Nadeau.

Avant même de savoir que le programme mènerait au brevet d’enseignement, ils sont plus de 250 à s’être inscrits à des cours comme étudiants libres à l’Université de Montréal. On souhaite accueillir au moins 80 étudiants dans la toute première cohorte de maîtrise qualifiante à l’automne 2021.