(Québec) Alors que le Québec est secoué par un nombre élevé de féminicides survenus depuis le début de l’année sur le territoire (sept en sept semaines), les maisons d’hébergement pour femmes rappellent que ces meurtres sont « la pointe de l’iceberg ». Entre 2015 et 2020, le nombre de signalements en matière de violence conjugale auprès des policiers a connu une hausse de 12 %.

Cette statistique a été citée mercredi par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, à partir des données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité. À cela s’ajoute le fait qu’il y a 45 % plus d’accusations qui sont portées devant les tribunaux en matière de violence conjugale, a-t-elle affirmé en point de presse.

La directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, Manon Monastesse, ajoute à ce sombre portrait une donnée supplémentaire. Au cours de la dernière année, les 36 maisons membres de son organisation ont « hébergé et soutenu près de 300 femmes qui […] ont dit qu’elles avaient été victimes d’une tentative de meurtre ».

« Pendant [le confinement], les conjoints violents avaient la situation idéale. Ils pouvaient exercer une emprise totale. Ils avaient sous la main, dans un carcan, leur conjointe et les enfants. Maintenant qu’on est en train de déconfiner et que les femmes voudront s’émanciper, les conjoints, ça ne fera pas leur affaire », a-t-elle illustré.

Les ressources seront au rendez-vous

À Québec, le gouvernement Legault est talonné sur l’enjeu des violences faites aux femmes, alors que le Québec a connu cette semaine son septième féminicide à survenir cette année. Mardi, une femme de 29 ans de l’arrondissement de LaSalle à Montréal, Rebekah Harry, a succombé aux blessures que lui avait infligées son conjoint.

Les partis de l’opposition accusent le gouvernement de prononcer de « belles paroles » dans la lutte contre les violences faites aux femmes, mais de tarder à mettre en place les mesures pour combattre ce fléau. En décembre dernier, un comité transpartisan sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale a remis un rapport qui contient 190 recommandations. Le premier ministre François Legault a affirmé mardi qu’il faisait « personnellement une priorité » de l’application de ces recommandations.

En point de presse, mercredi, la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, a affirmé : « Si ça prend plus de moyens, on va mettre plus de moyens. »

« Cette violence-là n’est pas impunie au Québec et ne peut pas se faire impunément, que ce soit physiquement [ou] psychologiquement », a poursuivi Mme Guilbault.

De l’action dans le budget

La députée péquiste Méganne Perry Mélançon a réitéré mercredi qu’elle demande au gouvernement d’ajouter 70 millions dans la mission des centres d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Cette bonification doit être inscrite dans le budget qui sera déposé jeudi, a-t-elle demandé.

« C’est une demande du milieu pour simplement assurer une place à toutes les femmes qui cognent à la porte et, évidemment, il faudra aussi ajouter une création de places additionnelles », a affirmé Mme Perry Mélançon.

La cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade, a pour sa part indiqué qu’il y avait « urgence d’agir » pour combattre le nombre élevé de féminicides survenus cette année dans la province. Elle demande au gouvernement de rapidement créer un Secrétariat à la coordination et à l’intégration des actions en matière de violences sexuelles et conjugales, rattaché au Conseil exécutif, comme le recommande le rapport du comité transpartisan.

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a déploré à son tour que le premier ministre nomme à son cabinet des responsables pour s’assurer que les foyers québécois soient branchés à l’internet, mais que le dossier de la violence faite aux femmes n’ait pas droit, selon elle, au même traitement.

« Les femmes ont le droit que leur gouvernement s’occupe d’elles avec autant d’importance qu’il le faut pour l’internet haute vitesse », a-t-elle affirmé.

Dans le doute, il faut agir

Simon Lapierre, professeur à la faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa et spécialiste des enjeux liés aux violences conjugales, affirme que les citoyens peuvent aussi contribuer à la lutte contre les violences faites aux femmes.

« On a la responsabilité d’être attentif à ce qui se passe autour de nous. On ne doit pas fermer les yeux et ne pas banaliser les situations de violence ou de contrôle qu’on peut voir dans notre entourage », affirme-t-il.

La violence conjugale, rappelle le professeur, n’est pas que physique. Elle peut aussi se manifester par des violences psychologiques, par un contrôle des déplacements exercé sur une personne, ou par la multiplication des messages envoyés au cours d’une journée, que ce soit en l’appelant ou en lui envoyant des textos, entre autres.

« Il faut être attentif à toutes les stratégies de contrôle qui peuvent être utilisées par un conjoint pour priver sa conjointe ou ex-conjointe de sa liberté », explique M. Lapierre.

La première étape, dit-il, est de parler à la personne que l’on croit victime de violence conjugale afin de lui assurer un filet de sécurité.

QUELQUES RESSOURCES POUR LES VICTIMES DE VIOLENCE CONJUGALE ET LEURS PROCHES

SOS violence conjugale : 1 800 363-9010 (ligne sans frais) ou 438 601-1211 (par texto)

Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (Montréal) : 514 878-9757

QUELQUES RESSOURCES POUR LES PERSONNES VIOLENTES ET LEURS PROCHES

Groupe d’aide aux personnes impulsives, ayant des comportements violents (Québec) : 418 529-3446

Action sur la violence et intervention familiale (Montréal) : 450 692-7313