Chaque semaine, des journalistes de La Presse répondent directement à vos interrogations.

Ça y est ? Les grands-parents sont vaccinés ? Parfait. Dans combien de temps, alors, pourront-ils serrer leurs enfants et petits-enfants dans leurs bras sans avoir à enfiler un scaphandre ?

« Trois semaines après notre vaccination, pourrons-nous fréquenter sans danger notre fils ? », demande Francine La Haye. Un autre lecteur, Michel a une question semblable. « Mes parents, tous deux âgés de plus de 80 ans, ont reçu leur première dose du vaccin au début mars. Quand sera-t-il possible de leur rendre visite sans danger pour leur santé ou la mienne ? »

D’abord, une mise au point : le vaccin réduit significativement le risque de tomber malade de la COVID-19. Mais ce risque n’est pas nul, et une petite proportion de personnes vaccinées vont, tout de même, souffrir de symptômes si elles sont exposées au virus (heureusement, ces symptômes seront plus souvent légers que si elles n’étaient pas vaccinées). Et une personne vaccinée peut vraisemblablement attraper le virus sans s’en rendre compte (puisqu’elle est protégée) et le transmettre à d’autres, même si elle sera moins contagieuse qu’une personne qui crache son mucus à tout vent…

Maintenant, combien de temps faut-il attendre avant que la première dose du vaccin atteigne son plein potentiel ? En général, les immunologues parlent d’un minimum de deux semaines. En conférence de presse, le 16 mars, le premier ministre François Legault a voulu tempérer l’enthousiasme des personnes âgées de plus de 65 ans : « J’aimerais rappeler aux gens que la période d’immunisation […], surtout si on est un petit peu plus âgé, ça peut être trois semaines, des fois ça peut être quatre semaines. »

Le temps de fabriquer des défenses

Alors, qui croire ? Deux, trois ou quatre semaines ?

Le DNicholas Brousseau, qui préside le Comité sur l’immunisation du Québec, y va de prudence : mieux vaut attendre trois semaines, soit 21 jours. « C’est un peu plus rapide pour les jeunes, et ça prend un peu plus de temps pour les aînés », dit le DBrousseau.

« Il faut d’abord savoir qu’on n’est pas protégé de façon instantanée lorsqu’on est vacciné. Il faut que le corps prenne le temps de fabriquer ses défenses immunitaires », indique le Dr Brousseau.

C’est pourquoi, dans les deux semaines qui suivent le vaccin, on ne voit pas vraiment de protection. Le risque de tomber malade ressemble beaucoup à celui des non-vaccinés.

Le DNicholas Brousseau, président du Comité sur l’immunisation du Québec

Dans son avis publié le 18 février, l’Institut national de santé publique (INSPQ) dit avoir remarqué que « l’efficacité vaccinale pour prévenir la maladie semble apparaître avec un délai de 14 jours chez les personnes plus jeunes et de 21 jours chez les personnes plus âgées ». Si elle « apparaît » après deux semaines, les données préliminaires colligées par l’INSPQ indiquent que l’efficacité « maximale » pourrait ainsi être atteinte après 21 jours chez les plus jeunes et 28 jours chez les plus âgés.

Cela dit, la majorité des vaccinés auront bâti leur défense immunitaire après 14 jours. « Si une personne n’a pas développé d’anticorps deux semaines après avoir reçu le vaccin, il est peu probable qu’elle en développe plus tard », dit Tatiana Scorza, professeure au département de sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Mais à moins de passer un test sérologique qui mesure la quantité d’anticorps (des tests par ailleurs jugés « peu fiables » à cette fin par le DBrousseau), il n’est pas possible de savoir si notre organisme a bien répondu au vaccin.

Comprendre les pourcentages

Les études cliniques des vaccins Pfizer et Moderna ont indiqué que la protection atteignait 92 % après deux semaines. Les études sont cependant menées sur des groupes dont l’âge est représentatif de la population en général. Or, le vaccin a été administré, jusqu’ici, chez des gens plus âgés. C’est pourquoi l’efficacité vaccinale mesurée par l’INSPQ en février est plutôt autour de 80 %.

Que signifie cette proportion ? Il ne faut pas la considérer d’un point de vue individuel, par exemple, en disant : « Je suis protégé à 80 %. » L’efficacité est obtenue en comparant deux groupes de personnes, soit un dont les membres ont été vaccinés et un groupe témoin qui n’a pas été vacciné. Au terme de l’étude, les chercheurs comparent le nombre de personnes, dans chacun des groupes, qui ont attrapé la maladie.

Si 100 personnes non vaccinées sont tombées malades, alors que seulement 20 l’ont été chez les vaccinés, on conclut alors que le vaccin a donc protégé 80 personnes (dans la mesure où les deux groupes sont de la même taille). L’efficacité vaccinale est donc de 80 % ou, autrement dit, une personne vaccinée court cinq fois moins de risques de souffrir de la maladie qu’une personne non vaccinée.

De plus, parmi les 20 personnes qui sont tombées malades malgré le vaccin, l’expérience a montré que les symptômes de la maladie étaient souvent plus légers. « Pour ce qui est de prévenir les hospitalisations et les décès, l’efficacité pourrait être encore plus grande, dit le DBrousseau. Mais on n’a pas encore ces données-là pour le Québec. »

Devrait-on se faire vacciner même si on a eu la COVID-19 ?

Maintenant que la vaccination de masse est en cours, de nombreux lecteurs nous (re)demandent s’ils doivent se faire vacciner même s’ils ont déjà eu la COVID-19. « Une personne qui a eu la COVID-19 et en est guérie est-elle immunisée ? », demande Jean Desjardins. « Le virus lui-même est probablement plus efficace que le vaccin », observe Robert Letellier. S’il est vrai qu’une infection au SARS-CoV-2 procure une immunité naturelle, l’efficacité et la durée de celle-ci sont encore mal connues. Comme il est impossible de savoir si la protection naturelle acquise après l’infection sera suffisante, la recommandation de la Santé publique est de se faire vacciner même si on a guéri de la COVID-19.

> (Re)lisez notre article « Les “guéris” du virus devraient-ils se faire vacciner ? »