(Québec) Pour des milliers de travailleurs accidentés ou malades, le projet de réforme de la santé et de la sécurité du travail du gouvernement Legault demeure un « immense recul », même avec les amendements proposés la semaine dernière.

C’est ce que conclut l’Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM).

L’organisme a rencontré tout récemment le ministre du Travail, Jean Boulet, qui pilote cette réforme, le projet de loi 59, actuellement à l’étude.

Rappelons qu’il y a plus de 120 000 lésions professionnelles reconnues par année au Québec.

Cette réforme controversée a fait quasiment l’unanimité contre elle, mais le ministre a présenté une liasse d’amendements pour adoucir ses positions la semaine dernière.

Il y a quelques « signaux encourageants ». mais « plusieurs zones d’ombre », s’est inquiété le secrétaire général de l’UTTAM, Roch Lafrance, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Ainsi, le gouvernement serait prêt à reculer sur le retour forcé au travail et il ouvre la porte à réintégrer la réadaptation physique dans le texte législatif.

« Le ministre dit qu’il est sensible aux préoccupations exprimées, que sa réflexion avance. D’autres amendements sont prévus, mais ça reste des mots. »

Cela demeure un projet de loi qui vise à réduire les coûts et non à améliorer la situation des travailleurs accidentés, déplore M. Lafrance.

Surdité professionnelle

Le secrétaire général de l’UTTAM note notamment le refus du ministre de changer sa position sur la maladie professionnelle la plus fréquente au Québec : la surdité.

Des restrictions ont été ajoutées pour réduire la facture des réclamations de 21 millions. Les audiologistes et le réseau de cliniques Lobe déplorent les restrictions qui sont ajoutées et qui ne reposent pas sur des données scientifiques.

M. Lafrance fait remarquer que le Québec a déjà les règles les plus laxistes à cet égard, puisqu’on tolère qu’un travailleur soit exposé à 90 décibels, et qu’il faut une perte d’au moins 22,5 dB aux deux oreilles pour être admissible.

« C’est un peu choquant. On dit : le travail vous a rendu malade, mais on ne paie pas, parce que vous n’êtes pas encore assez malade, même si vous avez une atteinte auditive. »

Liste des maladies

M. Lafrance déplore aussi que la liste des maladies professionnelles admises soit moitié plus courte que la liste de l’Organisation internationale du travail (OIT), pourtant le consensus international, ce qui explique qu’une demande d’indemnisation sur deux est refusée au Québec.

Par exemple, le syndrome du tunnel carpien n’est pas reconnu : des graphistes et des secrétaires en souffrent, mais qui peut dépenser des milliers de dollars en honoraires d’avocat pour le faire reconnaître devant un tribunal ?

Ou encore, autre obstacle : les délais qui varient selon le type de maladie. Pour certaines maladies, un travailleur a au plus six mois pour réclamer après la « reconnaissance », pour d’autres, c’est six mois au plus tard après le diagnostic du médecin.

« Le ministre dit qu’il veut faciliter les réclamations pour maladie professionnelle, mais nous, ce qu’on comprend, c’est qu’il veut les faciliter pour la CNESST, avec des critères restrictifs, des délais différents, etc. »

Les « pires situations »

Année après année, l’UTTAM défend plus de 2300 travailleurs dont la lésion professionnelle n’est pas reconnue.

« On s’occupe des pires situations », a-t-il résumé.

« Ce sont souvent des travailleurs âgés, qui occupaient des emplois manuels, qui se retrouvent avec des séquelles qui les empêchent de faire leur travail. […] Quand ils ont une scolarité de sixième année au Guatemala, on ne les transforme pas en commis-comptable du jour au lendemain. »