(Montréal) Deux infirmières du CLSC de Joliette ont été suspendues sans solde, lundi, à la suite d’une nouvelle affaire de racisme à l’endroit d’une femme autochtone survenue vendredi, vers 13 h.

L’affaire, qui survient à peine six mois après la mort de Joyce Echaquan dans des circonstances dégradantes à l’Hôpital de Joliette, a été rendue publique par Ghislain Picard, le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL). Celui-ci, sur sa page Facebook et celle de l’Assemblée, a dénoncé « un autre incident » au CLSC de Joliette, faisant état d’un personnel « irrespectueux », de « commentaires tendancieux, se moquant des personnes et de Joyce (Echaquan) ».

C’est triste, mais Joliette est en train de devenir le Hérouxville en matière de santé parce qu’il y a septembre dernier, la mort de Joyce Echaquan, et il y a cet autre élément-là qui est un rappel brutal à mon avis. Qu’est-ce que ça va prendre au juste pour que les choses changent ?

Ghislan Picard à La Presse Canadienne

« J’ai échangé avec le chef (de Manawan, Paul-Émile) Ottawa qui est aussi déconcerté que tout le monde parce qu’il venait d’annoncer il y a quelques semaines une série de mesures avec le gouvernement du Québec. Ça allait jusqu’à revoir un peu la gouvernance de l’Hôpital de Joliette pour assurer une représentation du côté atikamekw et voilà qu’arrive une situation comme ça qui encore une fois nous jette à terre », a ajouté le chef de l’APNQL.

Ébranlée et profondément choquée

« Ça m’ébranle et je dois vous avouer que ça me choque profondément, surtout avec l’emphase des messages qu’on a transmis dans l’organisation. Un changement culturel, c’est sûr que ça prend du temps, mais je trouve ça tellement déplorable, je n’ai pas de mots », a pour sa part déclaré la présidente-directrice générale par intérim du CISSS de Lanaudière, Caroline Barbir, en entrevue avec La Presse Canadienne.

La PDG a demandé à l’agente de liaison en sécurisation culturelle, Sophie Ottawa, de communiquer avec la victime pour l’identifier et relever les faits afin de mener une enquête en profondeur sur l’évènement. Les deux infirmières en question s’exposent à un congédiement.

« On va devoir aller au fond des choses et systématiquement prendre des mesures », a-t-elle ajouté après avoir précisé qu’en apprenant la nouvelle lundi matin, elle avait demandé à ce que les deux employées soient rapidement identifiées et suspendues sans solde.

Mme Barbir souligne que plus de 4200 employés du CISSS ont assisté à une conférence en sensibilisation sur la sécurisation culturelle, une démarche mise en place en novembre. Et c’est là où le bât blesse : les deux infirmières, qui cumulent toutes deux plus de dix ans d’expérience, avaient assisté à cette conférence.

Une formation plus élaborée a été développée en collaboration avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Cette formation est prête, mais en attente d’approbation par la communauté atikamekw de Manawan.

Aucune plainte officielle

La victime de ces propos racistes n’a pas porté plainte officiellement dans le réseau. Mme Barbir dit comprendre que les membres de la communauté atikamekw de Manawan n’aient pas confiance dans le système, mais dit espérer que les gestes passés et à venir depuis le décès de Joyce Echequan à l’Hôpital de Joliette en septembre dernier aideront à bâtir cette confiance.

Ghislain Picard, de son côté, explique le refus de porter plainte ainsi : « Il y a certainement une peur de représailles, une certaine crainte de porter plainte, parce que qu’est-ce qui va arriver si le service empire par la suite ? Il y a peut-être aussi en partie une question de normalisation. J’ai déjà entendu des gens dire : qu’est-ce que tu veux faire, ils sont comme ça. »

Lui aussi dit espérer que la réaction des autorités ait une influence positive.

« C’est ce qui est souhaitable dans des cas comme ça, qu’il puisse y avoir des actions rapides et je pense que ça vient installer une certaine confiance au niveau de la population qui se sent écoutée. »

À Québec, le bureau du ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a indiqué par communication électronique avoir été mis au courant de cette affaire ce week-end et être « en vérification avec les partenaires ». On ajoute que « les propos allégués sont inacceptables ».