(Montréal) Le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, accueille avec stoïcisme la décision des Atikamekw de Manawan de porter plainte aux Nations unies relativement à la mort de Joyce Echaquan, décédée le 28 septembre dernier dans des conditions dégradantes à l’hôpital de Joliette.

Selon le quotidien Le Devoir, les membres de la communauté devaient déposer ce lundi des plaintes devant cinq instances de l’ONU pour une violation des droits de Mme Echaquan et réclamer à l’instance internationale qu’elle ordonne à Ottawa et Québec de prendre « des mesures immédiates pour mettre fin à la discrimination systémique envers les femmes autochtones dans tous les services gouvernementaux ». Manawan veut également que soit adopté le fameux « principe de Joyce » dont l’objectif est de garantir un accès équitable et sans discrimination aux services sociaux et de santé.

« Ce n’est pas à moi ni à quiconque au gouvernement du Canada à dicter aux peuples autochtones comment exercer leurs droits », a déclaré le ministre Miller, lundi, lors d’une conférence de presse virtuelle annonçant une aide fédérale à un organisme de soutien aux personnes autochtones en situation d’itinérance à Montréal.

« Le Canada a traîné de la patte en ce qui a trait à l’adoption de la Charte des Nations unies sur la déclaration sur les peuples autochtones, qui maintenant est devant la Chambre des communes pour être adoptée », a-t-il reconnu d’emblée.

Selon lui, « c’est un signe de maturité de reconnaître qu’il y a des choses que nous n’avons pas réparées et que cela réside dans plusieurs facettes du système de santé. Manawan est une communauté qui est toujours en deuil, mais qui démontre quand même du courage d’aller de l’avant avec la promotion de ce principe (de Joyce) qui touche fondamentalement à une question de base sur l’égalité entre Autochtones et non-Autochtones face au système de santé. »

Le racisme systémique

Le ministre Miller est revenu à la charge sur la question du racisme systémique et de la juridiction provinciale en santé, deux éléments sur lesquels le désaccord avec Québec est profond.

« La réalité est telle qu’il y a du racisme systémique à l’intérieur du système de santé. On parle de système, on parle d’effet que cela a sur les peuples autochtones qui sont parfois et presque souvent […] des citoyens de deuxième classe en ce qui a trait à un système de santé qu’on considère tous comme étant un système de première classe. »

À une question sur le sujet en anglais, il avait préalablement ajouté qu’il avait « dit à plusieurs reprises que je suis en désaccord avec l’évaluation du gouvernement du Québec relativement au racisme systémique, mais j’ai aussi vu des lueurs d’espoir et des gestes concrets du gouvernement du Québec dans sa volonté de s’attaquer au problème ».

Vendredi, le ministre québécois responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, avait réitéré la position de son gouvernement de ne pas reconnaître l’existence du racisme systémique sur son territoire, mais avait fait valoir que cette position ne l’empêchait nullement d’agir et « d’amener la sécurisation culturelle », précisant que le dialogue était bien établi avec la communauté atikamekw.

La question de juridiction

Le ministre Miller a reconnu que la santé est « une juridiction jalousement gardée par les provinces, mais il y a un rôle du gouvernement fédéral à jouer. […] On a l’intention de jouer ce rôle, mais il y a du travail à long terme à faire. C’est mal comprendre le problème si on pense qu’on peut tout régler à court terme. »

Marc Miller a ainsi rappelé que son gouvernement a appuyé le principe de Joyce et financé la communauté de Manawan « pour continuer d’être un peu à l’épicentre de toute cette discussion et de la ratification du principe à travers le Canada ». Le ministre a fait remarquer que même si le texte du principe de Joyce nomme le Québec, il n’y a aucune raison pour laquelle ça ne devrait pas s’appliquer à toutes les provinces à tous les territoires.

« Le racisme systémique touche toutes les provinces », a-t-il dit.