(Ottawa) Les Québécois montrent peu d’appétit pour la tenue d’élections fédérales hâtives. Mais si le premier ministre Justin Trudeau décide de jouer le tout pour le tout au printemps, il devra d’abord avoir donné aux électeurs l’assurance que les ratés de la campagne de vaccination contre la COVID-19 des dernières semaines sont résolument chose du passé.

Une forte majorité de Québécois — 70 % au total — sont en effet peu ou pas satisfaits de la gestion de la campagne de vaccination menée jusqu’ici par le gouvernement Trudeau, démontre un sondage CROP.

Alors que la pandémie continue de sévir, seulement 43 % des répondants à ce coup de sonde se disent très favorables ou plutôt favorables à l’idée que Justin Trudeau convoque les électeurs aux urnes au printemps. La résistance à un scrutin fédéral s’élève donc à 57 % (35 % plutôt défavorables et 22 % très défavorables), toujours selon ce sondage mené auprès de 1000 répondants.

« Concentrez-vous sur ce qui doit être fait dans l’immédiat, c’est-à-dire les vaccins. La vaccination inquiète le plus les gens en ce moment. C’est le message qui ressort dans ce sondage », analyse Dominic Bourdages, vice-président chez CROP.

Fait à noter, les répondants qui expriment leur intention de voter pour le NPD et le Parti conservateur sont plus nombreux à souhaiter des élections, dans une proportion de 53 % et de 52 % respectivement. Les partisans du Bloc sont les moins enclins (38 %) à reprendre le chemin d’une campagne électorale, tandis que 41 % des électeurs favorables aux libéraux voient d’un bon œil un scrutin printanier.

Le présage d’une campagne

Le quotidien The Toronto Star a rapporté récemment que les stratèges libéraux se préparaient activement pour une campagne électorale qui serait déclenchée à la fin d’avril ou au début de mai en prévision d’un scrutin qui aurait lieu vers la mi-juin. La campagne serait déclenchée une fois que la ministre des Finances Chrystia Freeland aurait déposé le budget fédéral. Ce budget — le premier en deux ans — contiendra des mesures de relance économique qui pourraient atteindre les 100 milliards de dollars sur trois ans, entre autres choses.

En privé, des stratèges libéraux ont aussi confié à La Presse qu’ils avaient tout intérêt à inviter les Canadiens à rendre leur jugement sur le bilan du gouvernement minoritaire dans un avenir pas trop éloigné. Le principal intéressé, Justin Trudeau, a fait savoir que sa priorité était la lutte contre la COVID-19 et qu’il ne souhaitait pas d’élections dans la mesure où les partis de l’opposition ne mettraient pas des bâtons dans les roues de son gouvernement au Parlement.

Malgré plusieurs témoins rouges allumés sur leur tableau de bord, les troupes libérales partiraient en position de tête, si des élections étaient déclenchées maintenant.

Le sondage CROP accorde 33 % des appuis au Parti libéral, loin devant le Bloc québécois, bon deuxième avec 20 % des intentions de vote seulement. Le Parti conservateur arrive troisième avec 13 %, tandis que le NPD se voit créditer de 10 %. Le Parti vert est dernier avec 5 %.

Portrait inquiétant pour le Bloc

Dans le cas du Bloc québécois, qui réclame des élections fédérales depuis l’automne dernier, les données sont inquiétantes. Avec 20 % d’appuis, le Bloc québécois est loin de son score électoral du dernier scrutin, où il avait récolté 32 % des suffrages et mis la main sur 32 des 78 circonscriptions du Québec.

Selon Dominic Bourdages, tout indique que bon nombre des électeurs qui ont appuyé les troupes d’Yves-François Blanchet durant la dernière campagne se retrouvent aujourd’hui dans la tranche des électeurs indécis ou qui comptent annuler leur bulletin de vote (19 %).

Les appuis du Bloc ne sont pas aussi solides aujourd’hui qu’ils l’étaient en octobre 2019.

Dominic Bourdages, vice-président chez CROP

« Depuis le départ de Lucien Bouchard, on s’est longtemps questionné sur la légitimité et la pérennité du Bloc au fédéral. Ce questionnement se poursuit sur une base régulière », a souligné le vice-président de CROP.

Résultat : les électeurs du Québec feront l’objet d’une campagne de séduction empressée de la part de toutes les formations politiques, qui voudront convaincre les nombreux indécis de se rallier à leur cause.

La vaccination, pierre angulaire

Le jugement sévère que portent les Québécois sur la gestion de la campagne de vaccination du gouvernement Trudeau jusqu’ici trouve son origine dans les retards qu’a encaissés le Canada en février dans la livraison des vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna. Ces retards ont été fortement médiatisés, a rappelé M. Bourdages, écorchant au passage l’image du gouvernement Trudeau. D’autant que les provinces, qui ont dû ralentir considérablement leurs efforts de vaccination, n’ont pas hésité à tenir Ottawa responsable de ces retards en approvisionnement.

Il y a eu beaucoup de reportages qui ont été faits sur les difficultés d’approvisionnement et sur la lenteur au chapitre de la vaccination. Ça laisse des traces et ça s’accumule, avec tous les cafouillages que l’on peut reprocher à Justin Trudeau.

Dominic Bourdages, vice-président chez CROP

Mais les libéraux de Justin Trudeau pourraient s’attirer un peu plus de sympathie de la part des Québécois s’ils respectent leur promesse maintes fois répétée selon laquelle le Canada va recevoir, d’ici la fin de mars, 6 millions de doses des vaccins Pfizer-BioNTech (4 millions) et Moderna (2 millions), selon le vice-président de CROP.

Dans ce coup de sonde, CROP constate qu’un nombre croissant de Québécois comptent se faire vacciner. Si, en octobre, la firme rapportait que 70 % des Québécois avaient l’intention de se faire administrer le vaccin, cette proportion grimpe aujourd’hui à 81 %. « C’est une très bonne nouvelle, d’autant que ce pourcentage a encore augmenté par rapport à octobre. Mais c’est un peu normal. Plus on avance dans le temps, plus les vaccins sont produits et disponibles et plus la décision logique de se faire vacciner se cristallise », a dit M. Bourdages.

À quel moment tous les Canadiens qui le souhaitent seront-ils vaccinés ? Les avis sont partagés. Seulement 26 % croient que ce sera en septembre, comme l’affirme Justin Trudeau, tandis que 32 % estiment que ce sera d’ici Noël. Un répondant sur cinq prédit que cela va prendre un an, soit février 2021. Les plus pessimistes croient que cela va prendre plus d’un an.

Méthodologie : Ce sondage a été mené en ligne entre le 17 et le 22 février. Compte tenu du caractère non probabiliste de l’échantillon, le calcul de la marge d’erreur ne s’applique pas.