La Chambre des communes du Canada a adopté une résolution condamnant le génocide perpétré par la Chine contre la minorité ouïghoure. En utilisant ce mot-là : « génocide ». Il paraît que la dictature chinoise n’a pas tellement apprécié…

Cette résolution n’engage en rien le gouvernement du Canada. Elle est purement symbolique, même dans son appel à déplacer les Jeux olympiques de Pékin de 2022 à Vancouver.

Mais c’est un signe, un autre, que les démocraties du monde commencent à trouver que ça commence à faire, l’intimidation grossière de la dictature à l’ego de porcelaine.

Les ministres du Cabinet de Justin Trudeau se sont abstenus de participer au vote à la Chambre des communes. Des députés du Parti libéral ont voté pour la résolution, mais ils ne font pas partie du Cabinet.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que c’est là une forme d’abdication face à la Chine. La vie n’est pas un film et le gouvernement canadien n’a rien à gagner à participer à un geste symbolique. Je vois le verre à moitié plein : c’est quand même le signe que le Canada commence à en avoir ras le bol.

La Chine utilise son immense poids économique pour punir les pays, les individus et les entreprises qui ne lui baisent pas les pieds. On dira que tous les pays utilisent leur force économique pour atteindre des buts politiques et c’est vrai. Les États-Unis ne se sont jamais gênés pour le faire.

Mais la Chine réagit comme un enfant gâté qui ne s’est jamais fait dire non par sa maman, un enfant dont la carapace a l’épaisseur d’une feuille de papier alu. Les États-Unis n’ont jamais eu cette hypersensibilité, cet ego de porcelaine. En cela, la Chine fait figure d’exception.

Le directeur général d’une équipe de la NBA critique la répression chinoise à Hong Kong ? Son équipe se retrouve effacée de la vie publique en Chine. Un joueur de soccer allemand d’origine turque critique les camps de concentration où les Ouïghours sont « rééduqués » ? Il subit le même effacement et sa ligue verra ses intérêts financiers menacés en Chine. Des employés d’une compagnie aérienne critiquent la Chine ? La compagnie verra ses privilèges d’aéroports chinois menacés.

Bref, après avoir lavé le cerveau de ses propres citoyens, après les avoir surveillés à outrance pour maintenir la suprématie de l’idée communiste dans leurs têtes, après avoir enfermé tous les dissidents, réels ou imaginaires, la Chine s’intéresse désormais aux crimes de pensée commis en dehors de ses frontières. Ce serait risible si la Chine n’était pas la Chine, une superpuissance en devenir.

PHOTO TINGSHU WANG, ARCHIVES REUTERS

Image du président Xi Jinping au Centre international de congrès et d’expositions de Wuhan, en Chine

La Chine pratique aussi la diplomatie des otages. Comme Saddam naguère et des groupuscules djihadistes, la Chine kidnappe des ressortissants étrangers pour punir les États qu’elle perçoit comme insuffisamment polis avec elle. Ainsi, deux Canadiens croupissent dans des prisons chinoises sous des prétextes inventés qui n’ont rien à voir avec la règle de droit. L’Australie a vécu le même problème.

La démocratie a bien des défauts, mais elle accouche encore de sociétés où les citoyens sont plus libres, plus épanouis que dans les dictatures. On pensait l’affaire réglée depuis le début des années 1990. Trois décennies plus tard, la vieille rivalité entre la dictature communiste et les démocraties libérales revient en force.

On ne changera pas le cours de l’Histoire : la Chine va être une superpuissance dans ce siècle. Mais les démocraties sont en train de jauger, elles aussi, leur pouvoir relatif. Le pouvoir est toujours relatif.

Et là, un peu partout dans le monde, les démocraties commencent à se réveiller. Trump, à la manière d’une horloge brisée, pouvait avoir raison à l’occasion. À propos de la Chine, il avait raison de se méfier. Mais ce président brouillon, incompétent, qui ne croyait pas au pouvoir du multilatéralisme, n’a jamais pu fédérer ce qu’on appelait jadis « le monde libre » face au bullying de la dictature chinoise. Ça va peut-être changer.

Des voix commencent à s’élever dans les pays libres pour réclamer qu’on cesse de faire des ronds de jambe devant le géant chinois. Des voix commencent par exemple à se demander pourquoi le Canada devrait envoyer sa jeunesse sportive en Chine quand la minorité ouïghoure est en train d’être battue, violée et effacée par la « rééducation »…

C’est une excellente question.

On assiste peut-être au début d’un éveil, dans le monde libre : la Chine ne va pas s’adoucir au contact du grand jeu du commerce dans lequel elle a été admise au début des années 2000, dans l’espoir bien naïf qu’elle se libéraliserait en fabriquant nos bébelles…

Le Canada l’a compris depuis quelques années : l’apaisement ne fonctionne pas avec la dictature chinoise. Quand on laisse trop d’espace aux bullies, ils ne nous respectent pas davantage.

Le reste du monde commence à le comprendre aussi.

Il était temps.