(Ottawa) L’ambassadeur de la Chine au Canada demande aux parlementaires canadiens de ne pas se mêler des affaires intérieures de son pays alors que le Parlement doit se prononcer sur une déclaration qui reconnait qu’un génocide contre les Ouïghours musulmans est en cours dans la province du Xinjiang.

Cong Peiwu, l’ambassadeur de Chine au Canada, a réitéré le point de vue de son gouvernement selon lequel les Ouïghours ne sont pas mal traités en Chine.

La semaine dernière, les conservateurs ont déposé une motion au Parlement demandant au Canada de déclarer officiellement que les crimes contre les musulmans ouïghours en Chine constituent un génocide. Cette motion pourrait faire l’objet d’un vote non contraignant dès lundi.

« Nous nous opposons fermement à cela parce que cela va à l’encontre des faits. Et c’est comme, vous savez, de s’immiscer dans nos affaires intérieures », a déclaré Cong Peiwu à La Presse Canadienne lors d’une interview samedi. « Il n’y a rien du tout comme un génocide au Xinjiang. »

L’ambassade de Chine à Ottawa a proposé de manière proactive l’entrevue samedi avant le vote prévu lundi.

Le chef conservateur Erin O’Toole a déclaré que la motion et le vote ultérieur sont nécessaires pour envoyer un « signal clair et sans équivoque que nous défendrons les droits humains et la dignité des humains, même si cela signifie qu’il faut sacrifier une opportunité économique ».

Contrairement à des responsables américains et des défenseurs des droits de la personne, le premier ministre Justin Trudeau s’est abstenu d’utiliser le mot « génocide » pour qualifier les violations de la Chine, précisant que ce mot devait être utilisé avec prudence.

« Il ne fait aucun doute qu’il y a eu d’énormes violations des droits humains dans le Xinjiang », a déclaré Justin Trudeau plus tôt cette semaine.

Cong Peiwu a également qualifié de « fiction » les accusations des Nations unies que des millions de personnes dans des camps de détention sont soumises au travail forcé et à la stérilisation dans son pays.

L’ambassadeur a déclaré que la population de la région du Xinjiang avait augmenté de 25 % entre 2010 et 2018, un chiffre qui, selon lui, contredit les accusations de stérilisation forcée et de génocide. Il a affirmé que les Ouïghours recevaient une formation professionnelle et linguistique afin de pouvoir prospérer dans la société chinoise.

Il a également contesté les allégations de persécution religieuse, affirmant que les Ouïghours sont libres de pratiquer leur religion dans les mosquées.

« Je pense que nous respectons vos valeurs. Mais je pense que nos valeurs fondamentales devraient être : respecter les faits. Et arrêter de répandre de la désinformation ou même des rumeurs », a déclaré Cong Peiwu.

Le ministre d’État britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a déclaré lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU le mois dernier que les « mesures sévères et disproportionnées » de la Chine contre les Ouïghours sont un exemple de mesures antiterroristes utilisées « pour justifier des violations flagrantes des droits humains et de l’oppression ».

James Cleverly a affirmé que la Chine avait détenu 1,8 million de personnes au Xinjiang sans procès et qu’elle ne respecte pas ses obligations en vertu du droit international des droits humains ou l’exigence du Conseil de sécurité selon laquelle les mesures antiterroristes respectent ces obligations.

Bob Rae, l’ambassadeur du Canada aux Nations Unies, a appelé l’ONU en novembre à enquêter pour déterminer si la persécution des Ouïghours par la Chine constitue un génocide.

Un sous-comité parlementaire canadien a conclu dans un rapport en octobre que le traitement des Ouïghours par la Chine constituait un génocide, une conclusion que la Chine a rejetée précisant qu’elle était sans fondement.

Justin Trudeau et ses collègues dirigeants du G7 ont discuté des accusations portées contre la Chine sur le traitement de sa minorité ouïghoure lors de leur sommet virtuel de vendredi.

Le premier ministre Trudeau a déclaré qu’ils avaient « pris soigneusement note des conclusions tirées par des experts du monde entier, y compris des conclusions de crimes contre l’humanité et de génocide ».

Cong Peiwu dénonce également le Canada pour avoir initié une déclaration signée par 58 pays contre les détentions arbitraires.

L’initiative canadienne intervient alors que les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor sont été incarcérés en Chine depuis plus de 800 jours.

Les responsables canadiens ont pris soin de ne pas désigner la Chine comme la cible de la déclaration, affirmant qu’elle tentait de lancer un mouvement mondial contre une pratique coercitive que plusieurs pays utilisent maintenant et qui doit cesser.

Cong Peiwu a déclaré à la Presse Canadienne que si le Canada voulait vraiment être à la hauteur de l’esprit de cette déclaration, il devrait libérer la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, que la GRC a arrêtée en vertu d’un mandat d’extradition américain et qui, selon les autorités chinoises, est également détenue arbitrairement.

Le Canada et ses alliés affirment que Michael Kovrig et Michael Spavor sont détenus en représailles à l’arrestation de Meng Wanzhou et que les accusations d’atteinte à la sécurité nationale portées par la Chine contre eux sont fausses.

« Nous devons souligner que Meng Wanzhou a été arbitrairement détenue pendant plus de deux ans, malgré le fait qu’elle n’a violé aucune loi canadienne. C’est l’illustration la plus précise de l’arrestation ou de la détention arbitraire de ressortissants étrangers », a déclaré Cong Peiwu.

« Donc, la déclaration ressemble plutôt à une confession du Canada dans l’affaire Meng Wanzhou », a ajouté l’ambassadeur de la Chine.