Appelons-la Lou. Elle a 11 ans, c’est une élève douée. Onze ans, c’est l’âge qu’on a en 6e année. C’est à 11 ans qu’on fait des tests d’admission pour le secondaire. Lou a fait plein de tests d’admission l’automne dernier.

Elle a été admise dans certaines écoles, placée sur la liste d’attente dans d’autres écoles. Au public et au privé. Comme je le disais, Lou est une élève douée.

Mais c’est à l’école secondaire Robert-Gravel du Mile End que Lou souhaitait être admise. Il y a des programmes de sport-études, Robert-Gravel offre du théâtre-études. C’est une école contingentée : pour entrer à Robert-Gravel, il faut faire deux vidéos d’audition, créer un costume et écrire une lettre de motivation.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

L'école secondaire Robert-Gravel

Le 19 novembre, la réponse du directeur de l’école Robert-Gravel, Mathieu Lachance, est arrivée : « Il me fait plaisir de vous annoncer que votre enfant est accepté à l’école Robert-Gravel pour l’année 2021-2022. Félicitations ! Une grande aventure commence… »

* * *


Dans l’attente de la réponse de Robert-Gravel, les parents de Lou avaient néanmoins payé les frais liés à l’admission de Lou dans deux écoles privées, en croisant les doigts pour que ce soit Robert-Gravel.


Et après que Lou eut été admise à Robert-Gravel, ils ont bien évidemment annulé l’admission de leur fille à l’école Jeanne-Mance, puisque Lou était acceptée à Robert-Gravel. Ils ont aussi annulé la place de Lou au Collège Ville-Marie et au Collège Notre-Dame.

Les parents vont comprendre : ceux de Lou étaient soulagés que leur fille soit admise dans un programme qui la passionne au secondaire. Lou était aux anges.

Puis, lundi dernier, 15 février : pouf, un courriel a tout gâché.


Courriel de l’école Robert-Gravel, ce jour-là : « La situation sanitaire exceptionnelle que nous vivons présentement nous amène à revoir notre organisation scolaire pour l’an prochain… Ainsi, suite à une pige, ce message a pour but de vous informer avec grands regrets que nous ne pourrons accepter votre enfant lors de la rentrée 2021… »


L’école a fait un tirage au sort pour éjecter 16 enfants préalablement admis, comme s’il s’agissait de numéros.


Lou se retrouvait donc exclue de l’école où elle se voyait déjà… Après s’être auto-exclue des autres écoles où elle avait été admise, justement parce que Robert-Gravel l’avait acceptée.


Mais par quelle mécanique tordue admet-on des enfants dans une école en novembre pour les rejeter en février ?


Si on avait annoncé en avril dernier – deux mois après le début de cette pandémie qui nous a tous pris les culottes baissées – que, désolé, votre enfant ne pourra pas être admis en septembre 2020 à l’école Robert-Gravel pour cause de pandémie mondiale, je ne serais pas en train d’écrire cette chronique. J’aurais compris : nous étions tous dans la surprise.

Mais qu’est-ce que le CSSDM et l’école Robert-Gravel ont découvert en février 2021 qu’ils ignoraient en novembre 2020 ?


Pour moi, c’est la seule question qui soit d’intérêt.


J’ai posé cette question à Alain Perron, porte-parole du CSSDM. C’était la seule question dans mon courriel. M. Perron m’a envoyé une « réponse » ; les guillemets indiquent que je ne traite pas cela comme une réponse, je veux dire qu’il y avait des mots, il y avait des phrases et il y avait des paragraphes cohérents dans le courriel de M. Perron…


Mais ça ne répondait pas à ma seule et unique question.


J’ai écrit directement à l’école, espérant une réponse à cette question, puisque M. Perron répondait à côté de ma question.

En fin d’après-midi, mercredi, le directeur, M. Lachance, m’a répondu. Je le cite : « Au mois d’octobre dernier, lorsque nous avons accepté les élèves, nous avons anticipé que la prochaine rentrée scolaire se ferait de façon régulière, sans les contraintes reliées à la COVID-19… »

D’abord, je dois dire que j’ai été content de recevoir de M. Lachance une réponse à ma question qui soit autre chose que de la bullshit, comme celle que m’a envoyée M. Perron, le porte-parole.

Mais je dois quand même dire que je suis tombé des nues en lisant l’explication du directeur. Une rentrée « régulière » et « sans contrainte » en 2021 ?

Je… Comment dire ?

Que c’était là un formidable excès d’enthousiasme, qui n’était pas justifié par la science, qui aurait dû être étouffé par la prudence ?

En octobre, nous n’avions que de vagues espoirs quant aux vaccins. Rien ne justifiait de croire à une rentrée régulière en 2021.


Rien.

C’est le genre d’improvisation qui aurait valu des « claques » à Robert Gravel, l’inventeur de l’impro comme sport-spectacle…

* * *


Donc, 16 préados ont été traités comme des numéros dont le début du secondaire a été réglé par un tirage au sort. C’est une belle leçon, les enfants : aussi bien vous habituer à l’incompétence de la machine, ça va vous immuniser contre son inhumanité…


On dira que ce n’est toujours bien que 16 préados qui ont été éjectés de « leur » école. Mais ce manque de planification relève de la même inhumanité teintée de pensée magique qui cause de plus grandes injustices ; c’est la même inhumanité qui finit par laisser des vieux dans leur merde pendant des jours, dans une RPA de Lévis.


Au fait, je sais que je m’éloigne du sujet de cette chronique, mais disons que ça demeure une question connexe : quelqu’un peut me dire à quoi a servi la grande transformation des commissions scolaires en centres de services scolaires ?

Ces cas de bêtise bureaucratique surviennent dans le CSSDM comme ils se produisaient dans son ancêtre la CSDM, bêtises défendues avec le même genre de bullshit communicationnelle qui ne veut rien dire…


La bullshit du CSSDM est, en plus, signée aujourd’hui par le même porte-parole que celui de la CSDM, à l’époque.

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