Des maires, des organismes et des spécialistes s’inquiètent de l’aggravation de la crise du logement social en banlieue de Montréal, en pleine pandémie. Non seulement celle-ci fragilise les plus vulnérables, mais elle envoie aussi de plus en plus de gens dans la rue, alors que le prix des loyers continue d’augmenter dans la métropole.

« En ce moment, les gens sont obligés de quitter le Grand Montréal pour se loger. Et ça concerne aussi des clientèles qui ont des emplois raisonnables. On a des infirmières et des préposés de l’hôpital Pierre-Le Gardeur qui ont maintenant de la difficulté à se loger. Ce n’est pas normal », affirme le maire de Terrebonne, Marc-André Plante, en entrevue avec La Presse.

Pour lui, le regard des gouvernements a été porté « depuis trop longtemps » sur les grandes villes du Québec en matière de logement social. « Pendant ce temps, [l’]été [dernier], on a dû mettre en place pour la première fois une ressource de soutien à des gens sans logement le 1er juillet. Ça presse d’agir », implore le maire.

Il affirme que la ressource en itinérance à Terrebonne, l’organisme La Hutte, atteint aujourd’hui des taux d’occupation frisant les 160 %. « On est en train de doubler sa capacité pour répondre aux besoins sur une base permanente. Ce qui se passe est quand même assez exceptionnel », rajoute M. Plante, qui dit disposer de terrains pour mettre en chantier jusqu’à 300 logements sociaux « dès demain matin ».

On est encore en rattrapage pour des projets datant de 2014. Ce qu’on demande au gouvernement, c’est de nous allouer les ressources et les unités nécessaires, et on va s’organiser pour livrer.

Marc-André Plante, maire de Terrebonne

Des taux d’inoccupation encore « très bas »

Si le taux d’inoccupation a augmenté en 2020 pour s’établir à 2,7 % dans le Grand Montréal, ce chiffre est toutefois demeuré « très bas en banlieue », 1,2 % en moyenne, selon des données de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). À Terrebonne, il est toutefois de 0,4 %, alors qu’à Beauharnois, il atteint 0,2 %, et à Sainte-Thérèse, 0,7 %.

Ce décalage s’explique par le fait qu’à l’extérieur de l’île, le marché locatif est beaucoup moins « influencé par la demande de logements de la part d’immigrants temporaires ou d’étudiants ». « Partout au Québec, les besoins sont grands. Le programme Accès-Logis a besoin d’une révision majeure », dit la chef d’équipe au développement social de la CMM, Nathalie Chicoine.

Son groupe déplore que les mécanismes d’attribution des fonds soient « trop lourds » et impliquent « beaucoup de délais administratifs ». « On demande aux villes de se mobiliser, sauf que les étapes sont longues à franchir et il y a beaucoup d’exigences. Les projets sont là, mais trop souvent, les gens se découragent », explique Mme Chicoine.

Des projets dans les cartons, il y en a beaucoup. Mais ils ne lèvent pas. On doit pouvoir s’organiser pour que l’appareil gouvernemental soit capable d’y répondre.

Nathalie Chicoine, chef d’équipe à la CMM

La CMM réclame à Québec 300 millions par année pendant au moins cinq ans en vue de la réalisation annuelle d’environ 2700 nouveaux logements sociaux dans le Grand Montréal. Elle demande aussi 200 millions pour rénover et moderniser le parc de HLM montréalais, et ce, sur les trois prochaines années.

Prix en forte hausse

Pour la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, Véronique Laflamme, la « cherté des logements neufs qui se sont construits » en banlieue dans les dernières années a fortement contribué à « tirer à la hausse le coût des loyers ». « Ces tours qu’on voit pousser dans les villes de banlieue ne répondent pas aux besoins d’une partie des locataires à faible revenu qui sont bel et bien présents aussi en banlieue, et qui ont besoin de logements sociaux », explique-t-elle à La Presse. Selon des chiffres avancés par l’organisme, les loyers moyens ont augmenté de 7,1 % dans la couronne nord de Montréal l’an dernier, et de 7,9 % sur la Rive-Sud. Pendant ce temps, le loyer moyen québécois, lui, a augmenté de 5,5 %. « Dans des villes comme Longueuil ou Sainte-Thérèse, des stratagèmes visant à faire partir les locataires moins payants, comme les “rénovictions”, sont de plus en plus observés », conclut Mme Laflamme.