Aller au restaurant, ça vous manque ? Si vous habitez en zone rouge, vous risquez d’attendre quelques semaines encore. Au pire quelques mois. Mais vous savez qu’un jour, vous y retournerez, avec parents et amis, célébrer le retour à la vie. À la vraie vie. À la belle vie.

Si vous êtes une personne handicapée, rien n’est moins sûr. D’abord, il faut que le restaurant soit accessible pour ceux et celles qui sont à mobilité réduite. Ce qui est loin d’être le cas pour de nombreux établissements. Pourtant, une pente, c’est pas la toile du Stade olympique. C’est facile à installer, une pente. Faut croire que ça jure avec le beau design autour. Nous sommes en 2021. Une loi devrait obliger tous les endroits voulant accueillir le monde à pouvoir accueillir tout le monde. La seule minorité qui n’a toujours pas accès à tous les lieux, c’est celle des gens en fauteuil roulant.

Si malgré votre état physique, vous parvenez à entrer dans le restaurant, il y aura un autre obstacle à affronter, souvent plus infranchissable que les caprices de la construction : le malaise. Le malaise que vous créez. Pas toujours. Mais souvent. Chez certains clients, qui arrêtent de manger pour vous regarder passer, avec dans les yeux de l’étonnement, de l’agacement, de la pitié ou du rejet. Et en plus, cette pensée, si répandue qu’elle s’entend : je suis donc chanceux de ne pas être comme lui, je suis donc chanceux de ne pas être comme elle.

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« Nous sommes en 2021. Une loi devrait obliger tous les endroits voulant accueillir le monde à pouvoir accueillir tout le monde », écrit Stéphane Laporte.

Il y a des personnes handicapées, tellement lumineuses, qui se faufilent là-dedans sans en être affectées, parce qu’elles sont rendues ailleurs, parce qu’elles sont rendues plus haut, plus loin. Il y en a d’autres qui ne s’habituent jamais et que ce parcours blesse, comme un chemin de croix. Parce que le jugement des autres a fini par devenir le leur.

Quand parviendrons-nous à laisser chacun avoir l’air de ce qu’il veut ou peut avoir l’air ? Quand cesserons-nous de tous vouloir avoir l’air de la même affaire ?

Ce n’est pas une leçon. Au contraire. C’est un mémo à l’âme.

Tout ça pour dire qu’il y en a pour qui c’est pas évident de sortir, avec ou sans confinement. Et on ne parle pas juste d’aller au resto. Des droits essentiels deviennent des montagnes. L’accès au travail. L’accès au logement. L’accès aux transports. L’accès à la société. L’accès à la vie.

La vie des personnes handicapées compte. Également. Tout le temps.

Dix % de la population du Québec souffre d’une incapacité. Une personne sur dix. Pourtant, il faut la chercher longtemps pour la trouver. Elle est, le plus souvent, laissée de côté.

Il y en a qui font quelque chose pour que ça change. Vraiment. Concrètement. Le mardi 23 février à 15 h aura lieu la première cérémonie virtuelle du Prix À part entière, animée par Ève-Marie Lortie. C’est la première virtuelle, mais c’est la septième édition. Les autres avaient lieu au Salon rouge de l’Assemblée nationale. Sur le web, ça ne risque pas d’attirer autant que le Super Bowl. Pourtant si vous voulez découvrir les Tom Brady de la générosité, c’est à voir.

Le Prix À part entière vise à reconnaître les personnes et les organisations qui font des gestes pour accroître la participation sociale des personnes handicapées. Il y a cinq catégories : Individus ; Organismes à but non lucratif ; Municipalités ; MRC et autres communautés ; Établissement d’enseignement ; Entreprises soutenant l’intégration et le maintien en emploi de personnes handicapées.

Laissez-moi vous décrire brièvement les choix du jury dans la catégorie Individus.

D’abord, Monique Lefebvre, qui a dirigé, durant 38 ans, AlterGo, un organisme qui soutient l’intégration des personnes handicapées, et présentant le plus grand évènement multisport annuel au Canada.

Menu Nagrani, qui avec ses Productions des pieds des mains permet à des artistes ayant une déficience intellectuelle de monter sur scène, dans le cadre de tournées internationales.

Isabelle Ducharme, blessée à la moelle épinière, consacre sa vie à faire en sorte que les personnes handicapées aient accès aux lieux touristiques et culturels du Québec, grâce à l’organisme Kéroul, dont elle est à la tête du conseil d’administration.

Monique Beaudoin, ayant une incapacité visuelle de naissance, n’a cessé de revendiquer de meilleurs services pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées en Outaouais.

Et Luca Patuelli, le fameux Lazylegs, danseur de renommée internationale faisant la promotion de l’inclusion et de la diversité au cœur de toutes ses prestations.

Si ça vous tente de découvrir des gens dans l’ombre qui ensoleillent les autres, réservez votre place sur le site de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ).

En attendant d’aller fêter avec eux au restaurant !