Le gouvernement mexicain a protesté vendredi contre la suspension des vols en provenance du Canada, implorant Ottawa de revenir sur sa décision. Dans les villes à vocation touristique du pays, l’inquiétude est très grande face à l’« effet dévastateur » de cette mesure sur une économie locale déjà mise à mal.

« Les gens ici n’ont plus d’argent. Le peu de tourisme qui avait recommencé va s’arrêter, commente Hélène Daignault, une Québécoise qui habite à Puerto Vallarta depuis plusieurs années. C’est le branle-bas de combat et la panique chez les touristes qui doivent repartir rapidement. Il n’y a déjà plus grand monde en ville, ça va avoir un effet dévastateur. »

Elle s’inquiète pour l’économie de la ville qui est largement dépendante de l’afflux de touristes étrangers, notamment des Canadiens. « L’économie ici va tomber à terre, c’est sûr. On a eu des mois très difficiles l’an passé et ça va continuer », explique-t-elle.

Depuis le début de la pandémie, l’an dernier, des organisations se sont formées sur place pour aider la population locale à traverser la crise. Avec une amie elle aussi originaire du Québec, Mme Daignault a mis sur pied un petit groupe informel pour distribuer de la nourriture à des familles durement touchées. Elle donne aussi de son temps à la banque alimentaire locale de Puerto Vallarta.

« Moi, je suis chanceuse, j’ai un revenu [de retraite] et un travail. Le peu que je peux faire pour aider, je le fais », raconte-t-elle.

Le gouvernement mexicain n’a pas mis en place l’équivalent de la PCU. Ici, si tu ne travailles pas, tu n’as pas d’argent.

Hélène Daignault, une Québécoise qui habite à Puerto Vallarta

La situation de la COVID-19 au pays l’inquiète. « Ça fait peur. Les gens ne respectent pas vraiment les consignes. Au centre-ville, tout est encore ouvert, les bars contournent les règles », déplore-t-elle.

Une industrie primordiale

La ville de Puerto Vallarta, située dans l’État du Jalisco, sur la côte ouest du Mexique, accueille environ 10 % de tous les touristes au pays.

En 2019, 2,3 millions de Canadiens ont voyagé au Mexique, ce qui représente environ 20 % de tous les touristes internationaux que reçoit le pays, selon les données du Centre de recherche et de compétitivité touristique (CICOTUR) de l’Université Anahuac de Mexico. Les Canadiens sont le deuxième groupe en importance après les Américains.

Le tourisme représente de 9 % à 17 % de l’économie mexicaine, selon des sources consultées. Il est particulièrement important dans quelques régions du Mexique qui en sont très dépendantes.

C’est le cas à Puerto Vallarta, de même que dans la région de Cancún, dans la péninsule du Yucátan, dans l’Est, qui accueille 44 % des touristes internationaux au pays.

Dans la région de Cancún, l’industrie touristique emploie 350 000 personnes. Au total, ce sont 4,1 millions de Mexicains qui travaillent dans cette industrie, toujours selon CICOTUR.

Tous ces chiffres sont potentiellement beaucoup plus élevés – l’économie mexicaine étant dans une large mesure informelle, compiler des statistiques précises est une tâche difficile. Une récente étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) estime que 56 % des emplois au pays sont des emplois informels et n’offrent donc ni avantages sociaux ni protection en cas de perte d’emploi.

Une semaine meurtrière

Le Mexique occupe depuis jeudi le troisième rang parmi les pays les plus endeuillés par la COVID-19, derrière les États-Unis et le Brésil, mais devant l’Inde. En date du 29 janvier, 156 579 personnes y ont succombé, selon le gouvernement. Ce chiffre officiel est contesté et certaines estimations avancent que quelque 195 000 personnes seraient mortes.

Le président Andrés Manuel López Obrador a annoncé la semaine dernière qu’il était atteint de la COVID-19. Il est apparu vendredi dans une vidéo pour s’adresser à ses concitoyens et faire taire des rumeurs sur son état de santé.

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Le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, s’adressant à ses concitoyens sur son état de santé, vendredi dernier

La popularité du président, que l’on surnomme AMLO, a monté depuis le début de la pandémie, malgré de nombreuses critiques qui l’accusent de prendre la situation à la légère et de ne pas avoir mis en place assez d’aide économique pour la population.

Depuis le mois de janvier, le pays recense régulièrement plus de 1000 décès par jour et vient de connaître sa semaine la plus meurtrière à ce jour. La moyenne mobile des morts de la dernière semaine est de 1281 pour une population de 126 millions d’habitants, soit 10,2 morts par million d’habitants, selon les chiffres du gouvernement, ce qui est deux fois plus élevé qu’au Québec.

La moyenne mobile du nombre de nouveaux cas de la dernière semaine est de 15 658. Ce chiffre est potentiellement très sous-évalué puisque le taux de positivité des tests présenté par le gouvernement à l’échelle nationale est de 42 %, ce qui donne à croire que beaucoup de cas ne sont pas détectés, selon des experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). À titre de comparaison, le taux de positivité au Québec oscille autour de 5 % à 10 % depuis le début de la deuxième vague, selon l’Institut national de santé publique.

Dans une présentation aux médias vendredi, le gouvernement a annoncé que la situation est particulièrement critique dans la capitale, Mexico, où les lits d’hôpital sont remplis à 89 %. À l’échelle nationale, les lits d’hôpital sont pleins à 58 % et les respirateurs sont utilisés à 52 %.