Quand le couvre-feu a été imposé, Québec solidaire pressait le gouvernement Legault d’en prouver l’efficacité.

Question fort légitime. Les conseillers du premier ministre étaient malgré tout irrités, car leur réponse était gênante : on n’a pas de preuves. Du moins, pas de très solides.

Et pourtant, le pari semble avoir fonctionné.

Tout le monde veut que le gouvernement écoute la science. Mais que fait-on quand elle n’a pas de réponse claire ?

C’est la question que la cellule de crise s’est posée le 4 janvier en début de soirée quand le DÉric Litvak a recommandé un couvre-feu.

La Santé publique a fait le contraire de ce qu’on lui reproche depuis mars. Au début de la crise, elle avait tardé à reconnaître l’efficacité du port du masque. Puis le rôle de la contamination par aérosols. L’importance de ventiler les locaux et de recourir aux tests de dépistage rapide dans certaines situations. Et enfin, jusqu’à cette semaine, la pertinence du masque N95 dans les éclosions non contrôlées.

Chaque fois, des scientifiques travaillant à l’université ou à l’hôpital ont déploré cette lenteur. Mais avec le couvre-feu, ç'a été le contraire. La Santé publique a osé, et le gouvernement l’a suivie.

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Le nombre de cas détectés et d’hospitalisations diminue depuis.

Vrai, la baisse avait commencé quelques jours avant le couvre-feu. Elle s’explique donc au moins en partie par le confinement durant le congé des Fêtes, mais le couvre-feu y a probablement contribué.

Même s’il est impossible d’établir un lien causal, plusieurs indices y font croire.

Les policiers ont reçu moins d’appels pour les méfaits habituels. Ils avaient donc plus de temps pour surveiller les rassemblements privés le soir. Et plus d’outils aussi pour les prévenir, grâce à l’interdiction de circuler.

Et il y a l’effet psychologique. Le couvre-feu donnait le signal que l’heure était grave. Qu’il fallait absolument respecter les autres consignes.

D’ailleurs, Québec a conclu un peu vite à l’absence de preuves en défendant son couvre-feu. J’en ai parlé à Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Selon une étude menée l’automne dernier en France, le couvre-feu y aurait ralenti la propagation de la maladie chez les adultes.

Lisez l’étude (non révisée par les pairs, en anglais)

La publication Nature conclut aussi qu’un couvre-feu peut aider.

Lisez l’étude (en anglais)

Trois Québécois sur quatre appuient cet électrochoc, selon un sondage Léger. Le gouvernement caquiste s’en réjouit, car ç’aurait pu être différent…

Par exemple, aux Pays-Bas, des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes dimanche et lundi après l’imposition d’un couvre-feu.

Chez nous, puisque la population obéit au couvre-feu, elle risque de le subir encore.

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François Legault a télégraphié sa décision, qui tombera dans moins d’une semaine. Le Québec devrait bientôt revenir à une approche adaptée pour chaque région. La Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent et la Côte-Nord, entre autres, devraient voir la fin du couvre-feu le 8 février.

Ailleurs, ce pourrait être plus long. Et ce sera compliqué…

Un confinement se fait dans l’urgence. Dans le doute, mieux vaut frapper trop vite et trop fort, car chaque jour perdu affaiblit l’impact des mesures.

C’est le contraire avec le déconfinement. Au lieu d’une logique uniforme, on tombe dans le cas par cas. Quoi permettre en premier : le magasinage ou la liberté de circuler ?

Rien ne presse. Quand on déconfine, mieux vaut se tromper en attendant un peu trop. À l’heure actuelle, il y a encore trop d’incertitudes.

La première concerne l’impact du retour en classe. On commence à peine à en mesurer l’effet.

La seconde, c’est la présence des variants comme celui du Royaume-Uni. Il n’y aurait que six cas, concentrés dans le Grand Montréal, a dit le DHoracio Arruda, mais il ne s’agit que des cas détectés.

Si le variant est si menaçant, pourquoi les autorités examinent-elles à peine 3 % des cas positifs pour le détecter ? Et pourquoi ne pas demander aux policiers québécois de surveiller la quarantaine des voyageurs ?

M. Legault dit craindre les poursuites. Pourtant, cela ne l’a pas empêché dans le passé d’adopter des lois controversées.

Je reviens aux suggestions de chercheurs indépendants au sujet, entre autres, de l’équipement de protection, de la ventilation et des tests de dépistage rapide. Québec prétend que les purificateurs d’air mal installés ou les tests rapides administrés aux mauvais patients pourraient être nuisibles. Mais pour le reste, tout ce qui ne nuirait pas mérite d’être essayé.

Le raisonnement du couvre-feu est aussi valide pour les autres suggestions : le plus gros risque est parfois de ne pas en prendre.