Je fais partie d’un groupe d’amis qui a une tradition : en janvier, après la frénésie des Fêtes, on se réunit dans un chalet et on fait un échange de cadeaux.

Un échange de cadeaux… niaiseux.

Il faut que les cadeaux soumis à l’échange – cadeaux qui peuvent être volés pendant l’échange – soient le plus loufoques, le plus inutiles, le plus laids, le plus ridicules possible…

Bibelots, livres de croissance personnelle, vêtements démodés : tout y est passé au fil des années.

L’an dernier, c’est un bonhomme articulé qui gigote en faisant un bruit d’écureuil égorgé qui a été la star de la soirée, l’objet de toutes les convoitises.

Dans le délire de rires qui ponctue cette soirée, il y a des dérapages. Par exemple, un ou deux cadeaux ont fini dans le foyer. Dont un livre, peut-être même deux. Des autodafés spontanés, si on veut. Mais des autodafés, quand même, ce qui est un crime contre la pensée, même s’il s’agit d’un livre sur Céline Dion…

C’est sans doute le soir où je ris le plus, dans une année.

La tradition a été mise sur la glace, cette année. Ce qui est bien dommage, car j’avais acheté dès le mois de juillet l’objet qui allait, j’en étais sûr, gagner l’échange de cadeaux cette année. Juste y penser, ça me fait rire. Je vais gagner l’échange de cadeaux en 2022, c’est sûr…

Rire…

Je m’ennuie de rire. Ça fait du bien de rire. C’est sérieux, l’humour. Ça soulage l’hypothalamus, au cœur de notre cerveau.

Notre réponse au stress émane de l’hypothalamus et c’est de cette petite zone qui trône au sommet du tronc cérébral qu’émane aussi le rire. Je cite la Dre Sonia Lupien, l’essentielle spécialiste du stress humain : « Quand on rit, on produit des hormones qui arrêtent la réponse de stress. »

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C’est un des effets indésirables de l’époque : elle nous stresse sans bon sens, mais les occasions de rire, à cause du foutu virus, se sont taries.

Car le rire est éminemment social. En limitant les contacts sociaux, on limite aussi les occasions de rire. Le stresseur étouffe ce déstresseur qu’est le rire. Je parle du rire aléatoire, qui naît de nos contacts entre amis, même entre étrangers. Le rire est grégaire, social. Je ris, tu ris, nous rions. Et je suis salement moins avec les autres, ces jours-ci, il y a peu d’occasions de jeter des objets dans le feu…

Ce qui m’amène aux Beaux malaises, version 2.0, qui (re)commencent ce soir à TVA. J’ai déjà dit mon affection pour cette série de Martin Matte, sur laquelle l’humoriste a tiré la plogue il y a quatre ans.

Et là, en pleine grisaille, en pleine morosité masquée, au cœur de notre plus long hiver, Les beaux malaises reviennent pour une version 2.0.

Lundi après-midi, j’en ai regardé les deux premiers épisodes, parmi les trois mis à la disposition des journalistes…

Et je n’avais pas ri comme ça depuis longtemps.

Dans le premier épisode, j’ai ri à en avoir mal au ventre, à en avoir les larmes aux yeux. Ça finit dans un crescendo scatologique imparable…

Je ne veux pas vendre de punch, ce serait cruel.

Mais sachez que la bande de Martin Matte n’a rien perdu de sa grâce. Grâce ? Tout le monde peut faire des jokes de pet, il m’arrive d’en faire et plus la soirée avance, plus mes amis les trouvent drôles, mes jokes de pet…

Mais le talent, le vrai talent comique, c’est de transformer des blagues scato en moments de grâce.

Dans le deuxième épisode, vous aurez les yeux humides, mais pour autre chose, parce que Matte s’aventure à chatouiller nos cicatrices liées à la perte, aux séparations, aux ruptures…

Et il réussit à nous faire rire, même en touchant ces cicatrices universelles.

Je n’en dis pas plus.

Mais je dirai ceci : le talent d’écriture, de réalisation et de jeu des Matte, Aubert, Avard, Cloutier, Le Breton, Robitaille, Perizzolo et compagnie est un véritable cadeau du ciel en cet hiver 2021, un cadeau qui ne pouvait pas mieux tomber. C’est un merveilleux déstresseur en ces jours sombres où tout le monde est à cran, prêt à exploser, où les plus zen d’entre nous sont à un irritant d’être arrêtés pour rage au volant…

On s’ennuie de nos vies d’avant, on peste contre les sacrifices imposés par le virus. On rit moins. Je pense que rire est une forme de vaccin contre la morosité.

Et lundi, devant l’œuvre de Matte, j’ai ri comme je n’avais pas ri depuis longtemps. Ces rires m’ont fait penser à ceux que je n’ai plus, avec mes amis, parce qu’on ne peut plus se réunir. Ça ne m’a pas tant attristé que ragaillardi : oui, ça reviendra, on n’en est pas si loin, on rira encore ensemble, il faut tenir le coup. Nos agapes reprendront, l’échange de cadeaux de janvier reviendra…

D’ailleurs, j’avais acheté dès juillet le cadeau pour l’échange qui n’a pas eu lieu en janvier 2021. Pas grave, il servira pour l’échange de 2022 et, j’en suis sûr, il le dominera…

C’est quoi ?

C’est une paire de sandales.

Mais des sandales… spéciales.

Je n’en dis pas plus, je ne veux pas brûler le punch pour mes amis.