(Québec) La pandémie, le télétravail et l’incertitude économique n’ont pas réduit l’appétit des Québécois pour les véhicules utilitaires sport et les camionnettes. Leur nombre a même fait un bond record sur les routes de la province en 2020.

Le Québec comptait en effet 140 000 nouveaux « camions légers » immatriculés au 31 décembre dernier par rapport à la même date l’année précédente. Ce bond est le plus important constaté dans cette catégorie depuis au moins 10 ans, révèlent des données toutes fraîches obtenues auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

La catégorie des camions légers comprend des véhicules souvent plus gros, énergivores et coûteux, soit les véhicules utilitaires sport (VUS), les minifourgonnettes et les camionnettes.

« Les Québécois ont un engouement pour les véhicules depuis longtemps », note Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

On a des records de véhicules sur les routes année après année. La pandémie n’a certainement pas arrêté ce phénomène, ni la préférence des Québécois pour les VUS par rapport aux voitures plus petites.

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal

Le parc automobile de promenade, soit les camions légers et les automobiles, s’est quant à lui accru de 100 000 véhicules en 2020, pour atteindre 4 906 302 bolides. Il faut remonter à 2010, au sortir de la crise financière, pour trouver une augmentation annuelle plus forte.

Les petits véhicules et les berlines n’ont plus la cote. Le nombre d’automobiles immatriculées a chuté de 40 000 sur l’année, une baisse cependant largement compensée par la hausse des camions légers.

Les experts en transports et en environnement se demandent depuis des mois comment la pandémie influera sur les habitudes de déplacement de la population. Les sociétés de transports en commun ont constaté des baisses importantes de l’achalandage et sont aux prises avec des manques à gagner.

Tendance lourde

Les chiffres de la SAAQ sur les immatriculations montrent quant à eux que les véhicules personnels ont été très populaires en 2020. Et les camions légers continuent leur inexorable progression.

« C’est une tendance lourde qui s’accélère », constate Fanny Tremblay-Racicot, professeure à l’École nationale d’administration publique (ENAP).

Mme Tremblay-Racicot s’inquiète de l’impact de ces choix sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les véhicules personnels sont responsables d’environ 22 % des émissions de GES au Québec.

« Le message, c’est qu’on s’en va dans le mur avec des choix de consommation comme ça », lance-t-elle.

La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec constate aussi cet engouement. « Est-ce que les gens veulent des véhicules avec un peu plus d’espace ? La réponse, c’est oui. Est-ce que les gens veulent des véhicules un peu plus élevés avec quatre roues motrices ? La réponse, c’est oui », constate son président-directeur général, Robert Poëti. « Il faut savoir qu’on vend ce que les consommateurs demandent. »

Mais M. Poëti se dit las d’entendre des « commentaires virulents » sur les VUS. Selon lui, les constructeurs font des efforts pour réduire leur consommation d’essence ou proposer des modèles hybrides ou électriques. Certains modèles qui entrent dans cette catégorie sont aussi à peine plus gros que des autos, ajoute-t-il.

Les chiffres de la SAAQ le laissent par ailleurs songeur. C’est que les quelque 900 concessionnaires membres de la Corporation ont déclaré en 2020 une baisse de 20 % de leurs ventes.

On a été fermés environ deux mois. Comment on arrive à 100 000 véhicules immatriculés de plus, je ne m’explique pas ça.

Robert Poëti, président-directeur général de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec

L’une des explications possibles, c’est que des automobilistes auraient choisi de garder leur véhicule un peu plus longtemps alors que d’autres qui n’en avaient pas ont choisi d’en acheter un.

Les experts s’entendent pour dire que les statistiques de l’année 2021 seront tout aussi importantes pour arriver à saisir l’impact de la pandémie sur les habitudes de déplacement des Québécois.

Va-t-on constater un retour vers les transports en commun ou une progression toujours plus importante de la voiture ?

L’impact n’est pas uniquement environnemental, précise Pierre-Olivier Pineau. « Ce qui me préoccupe beaucoup, c’est l’argent dépensé », dit-il. Selon des données de Statistique Canada, un camion léger coûte en moyenne 10 000 $ de plus qu’une auto.

Ce coût supplémentaire n’a pas paru freiner les consommateurs en 2020, malgré la pandémie et l’incertitude économique. « C’est consternant pour les changements climatiques, mais aussi pour les finances des ménages », dit-il.