Une drôle de rentrée se prépare à Québec.

La COVID-19 continue de bousculer les plans du gouvernement Legault. Tous les efforts sont concentrés sur la pandémie, la vaccination et la relance économique qui s’ensuivra.

On fait le tri pour savoir ce qui peut être reporté, comme la réforme de la gestion des CPE, qui ne se fera pas avant l’automne. Mais il y a un dossier qui n’attendra plus longtemps : le français.

La première mouture de la réforme de la loi 101 est prête.

« Les gens inquiets pour l’avenir du français devraient être satisfaits », avance une source au gouvernement.

Simon Jolin-Barrette n’est pas un tenant de la théorie des petits pas. Son approche, c’est plutôt celle du bélier.

L’automne dernier, son équipe avait été agréablement surprise de l’intérêt de la population pour les études sur le recul du français comme langue de travail. Il ne cesse depuis de faire monter les attentes.

Vu de l’extérieur, cela semble risqué. Mais je pense qu’il se construit un rapport de force pour convaincre ses collègues frileux. Sa réforme doit d’abord être validée par le caucus – ce ne sera toutefois pas ce jeudi à la rencontre pour préparer la rentrée. Puis elle devra passer par le Conseil des ministres.

François Legault a déjà tempéré les ardeurs de son ministre en fermant la porte à l’application de la loi 101 aux cégeps. M. Jolin-Barrette cherche maintenant une autre façon de freiner l’afflux de francophones et d’allophones vers le réseau anglais. Il a lancé un nouveau concept, celui de la « langue normale des études supérieures ».

Ça signifie quoi ? On le saura bientôt.

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Le temps va finir par manquer à François Legault.

Après la fin de la vaccination, il ne lui restera que quelques mois pour boucler les dossiers et concrétiser ses engagements avant que la précampagne électorale ne commence.

La Coalition avenir Québec (CAQ) avait attendu sept ans avant de prendre le pouvoir. Assez pour avoir promis beaucoup, beaucoup de choses.

Le polimètre de l’Université Laval a recensé 251 engagements. Chaque cabinet a reçu une copie de cette liste, me dit-on. M. Legault veut avoir coché le maximum de cases avant les prochaines élections.

En éducation, les deux morceaux controversés sont réalisés ou en voie de l’être. L’abolition des commissions scolaires est chose faite, et les classes de maternelle 4 ans continuent de s’ajouter. L’opposition n’est pas davantage convaincue, ni les syndicats ou les CPE, mais leur contestation s’essouffle.

Le ministre Jean-François Roberge présentera bientôt le nouveau nom du cours Éthique et culture religieuse, ainsi qu’un projet de loi pour assurer l’indépendance du Protecteur des élèves. L’école obligatoire jusqu’à 18 ans est toutefois en réévaluation.

Pour valoriser le métier de prof – la priorité, selon de nombreux experts –, la renégociation de la convention collective sera cruciale.

Or, c’est mal parti. La Centrale des syndicats du Québec prépare des mandats de grève…

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Gouverner, c’est aussi gérer l’imprévu. En début de mandat, la CAQ ne croyait pas devoir réformer la direction de la protection de la jeunesse. Mais ce sera inévitable après le dépôt, d’ici le printemps, du rapport final de la commission Laurent.

Le ministre responsable, Lionel Carmant, devra également montrer des résultats concrets pour l’accès aux soins de santé mentale, dont la pandémie a révélé les cruelles lacunes.

En environnement, le plan vert a déçu par son manque de mesures contraignantes. Mais pour la CAQ, tout est une question d’attentes. Le parti n’a jamais pensé pouvoir contenter les écologistes. Si les critiques sur ce front sont nuancées, c’est perçu comme une victoire.

Le ministre Charette s’emploiera à finir le travail entamé avec la consigne, la collective sélective et le tri – son dossier qui a été le mieux piloté.

Pour le reste, les plus gros couacs sont souvent ceux qu’on ne voit pas venir. Avec le dépôt l’automne dernier de sa réforme de l’indemnisation des victimes d’actes criminels, M. Jolin-Barrette croyait pouvoir dire « mission accomplie ». Mais l’étude du projet de loi se transforme en affrontement. De nombreuses incohérences et injustices sont maintenant soulevées.

Québec plaide que le dossier est complexe – c’est pour cela que le régime n’a pas été modifié depuis des décennies. Peut-être. Mais cela ne consolera pas les victimes d’exploitation sexuelle qui attendent encore de l’aide.

La réforme de la Loi sur les normes du travail suit la même trajectoire pénible. Là aussi, on comprend pourquoi les gouvernements précédents ont préféré ne rien faire.

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M. Legault commence à penser à ses legs. Il veut construire un maximum d’écoles et de maisons des aînés – une signature distinctive est prévue, avec du « bleu Québec ».

M. Legault devra par contre expliquer en quoi cette formule serait viable avec le choc démographique à venir. Selon une projection de l’Université Laval, il faudrait créer l’équivalent de 3000 maisons des aînés, chaque année, et ce, jusqu’en 2050.

Rater le virage vers les soins à domicile, ça coûte cher.

Le scrutin fédéral à venir permettra à M. Legault de peser de tout son poids pour que Justin Trudeau hausse les transferts en santé et abandonne le projet de normes nationales dans les soins de longue durée.

La pression sera aussi forte sur Québec lors du dépôt des rapports sur la pandémie. Le gouvernement caquiste devra proposer quelque chose d’autre qu’un mea culpa. Le sort des CHSLD privés non conventionnés pourrait revenir sur la table, tout comme le projet de décentraliser les établissements publics.

En santé, le ministre Christian Dubé mandate une partie de son équipe pour travailler sur les dossiers non-COVID. Il cherche encore comment remplir sa promesse de changer le mode de rémunération des omnipraticiens et de réduire les listes d’attente.

Les finances publiques ne donnent pas beaucoup de marge de manœuvre. Québec persiste à promettre d’équilibrer le budget d’ici cinq ans sans hausser les taxes ou réduire les services.

Comment ? Un début de réponse viendra au dépôt du budget en mars. Pour l’instant, le plan paraît fantaisiste. Il ressemble surtout à une prière.

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Malgré le nombre de Québécois morts de la COVID-19, le gouvernement Legault domine dans les sondages. M. Legault devra néanmoins se présenter avec un projet aux prochaines élections. Il misera fort sur la relance économique.

La Caisse de dépôt et placement finit des études sur de nouveaux tronçons du Réseau express métropolitain (REM), à Longueuil et à Laval. Même si la CAQ serait heureuse de s’en faire le promoteur, il y a des limites à vendre autant de projets de papier, alors que le prolongement de la ligne bleue du métro est attendu depuis 30 ans, que celui de tramway à Québec stagne, que la station du REM à l’aéroport Trudeau est en péril et que le tronçon du REM vers l’est de Montréal inquiète les architectes et urbanistes à cause de sa structure en hauteur qui défigurerait le centre-ville.

Outre l’électrification des transports, le grand chantier économique sera d’encourager la fabrication ainsi que l’achat local – le « fait au Québec ».

De toute évidence, ce sera moins une réalisation de son premier mandat qu’une promesse pour en obtenir un second. Mais pour cela, il devra tout de même montrer qu’il a réussi à éviter le pire au Québec durant cette pandémie qui demeurera cette année, pour le meilleur et pour le pire, le centre de toutes les attentions.