Le président de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) juge « inacceptable » qu’une fonctionnaire responsable des services de santé aux voyageurs ait accepté un voyage payé par Air Canada pour faire la promotion des vacances dans le Sud cet automne, alors que le gouvernement demande aux citoyens d’éviter les voyages non essentiels.

Le Globe and Mail révélait jeudi que Dominique Baker, une gestionnaire au Bureau des services de santé des voyageurs et aux frontières de l’Agence de la santé publique, a agi comme influenceuse pour le compte de Air Canada cet automne, afin de faire la promotion des destinations soleil. Elle et une de ses amies ont reçu un voyage payé en Jamaïque et ont fait des publications commanditées à cet effet sur les réseaux sociaux.

« L’un de nos deux majordomes vient de nous apporter des pina coladas. Non, nous ne blaguons pas – nous avons deux majordomes », se réjouissait-elle dans une vidéo.

« Je n’aurais pas dû y aller »

« L’Agence a constamment répété aux Canadiens qu’ils devraient éviter les voyages pendant la pandémie. Il est donc tout à fait inacceptable que les employés ignorent ces consignes », a déploré le président de l’Agence de la santé publique du Canada, Iain Stewart, dans une réaction envoyée à La Presse.

Le président dit avoir été mis au courant du voyage commandité en novembre, lorsque les publications de la fonctionnaire sont apparues sur les réseaux sociaux. « L’ASPC a immédiatement réagi et un examen fut entamé. Nous ne formulerons pas de commentaires supplémentaires à ce sujet par respect pour la vie privée de l’employée », a-t-il ajouté.

Mme Baker travaille comme influenceuse sur les réseaux sociaux pour plusieurs compagnies privées en parallèle de son travail dans la fonction publique. Elle est suivie par 45 000 personnes sur Instagram et plus de 26 000 personnes sur YouTube. Elle a publié jeudi un message dans lequel elle admet avoir fait une erreur dans le cadre de son partenariat avec Air Canada.

« Le timing n’était pas bon et je n’aurais pas dû y aller », dit-elle, en incitant les citoyens à rester à la maison et suivre les consignes sanitaires.

Air Canada ignorait sa position dans la fonction publique

Mme Baker n’avait pas répondu à une demande d’entrevue de La Presse au moment d’écrire ces lignes.

Air Canada a embauché plusieurs influenceurs pour faire la promotion des voyages sur les réseaux sociaux malgré les demandes des autorités d’éviter les voyages non essentiels. Le transporteur aérien a aussi plusieurs lobbyistes enregistrés pour faire des représentations auprès du gouvernement fédéral, y compris Santé Canada, en lien avec la pandémie actuelle et les mesures prises pour y répondre.

Une porte-parole d’Air Canada a assuré à La Presse que Mme Baker a été recrutée comme influenceuse sans que quiconque au sein de l’entreprise ait connaissance de ses fonctions au sein du gouvernement.

« Son bagage comprend notamment des blogues sur le mode de vie et la beauté ainsi que des partenariats avec de nombreuses marques très connues. Son profil d’influenceuse ne faisait pas mention de son emploi avec le gouvernement. Dans le cadre de l’entente que nous avons conclue en octobre, elle a reçu un voyage gratuit en échange de contenu qu’elle fournirait et qui mettrait notamment l’accent sur notre programme SoinPropre+ à bord et les mesures de santé et sécurité instaurées à l’endroit qu’elle visiterait », explique Pascale Déry, directrice des relations avec les médias pour le Québec chez Air Canada.

La page personnelle de Mme Baker précise aujourd’hui d’entrée de jeu qu’elle travaille comme « fonctionnaire de jour » en plus de son rôle dans la promotion de diverses marques, mais il n’a pas été possible de vérifier si cette information apparaissait sur la page à l’automne dernier.

Les gestionnaires de l’Agence de la santé publique du Canada sont-ils autorisés à agir comme influenceurs pour des entreprises privées en parallèle de leur emploi ? À ce sujet, Iain Stewart souligne que le code d’éthique de la fonction publique oblige les employés à déclarer toute situation qui pourrait être perçue comme un conflit d’intérêts. « Si des preuves démontrent qu’il existe un conflit d’intérêts, la situation est examinée au cas par cas », a-t-il déclaré, sans s’avancer davantage sur ce cas précis.