(Washington) Choisi par Joe Biden pour devenir le prochain procureur général des États-Unis, Merrick Garland est un magistrat expérimenté et un progressiste modéré, qui aura pour difficile mission de restaurer la réputation d’indépendance de la justice américaine, écornée sous le mandat de Donald Trump.  

L’arrivée au gouvernement de cet homme de 68 ans marque une revanche pour les démocrates, qui avaient très mal vécu le blocage, par les sénateurs républicains, de sa nomination à la Cour suprême par Barack Obama début 2016.

Président de la cour d’appel de la capitale fédérale, une instance réputée pour l’importance des dossiers qui y passent, Merrick Garland « a travaillé sous des administrations démocrates et républicaines », a souligné l’équipe du futur président.

Ses défenseurs le présentent invariablement comme un grand serviteur du droit, que son expérience et la mesure qu’il a su garder au cours de sa carrière destinaient aux plus hautes fonctions. Des élus républicains en disent d’ailleurs publiquement du bien.

Ses détracteurs, quant à eux, lui reprochent d’être opposé au droit à porter à porter une arme à feu, une accusation difficile à confirmer si l’on s’en tient à ses décisions de justice souvent prises hors des terrains les plus sensibles.

Ému, la voix brisée

Le magistrat était brutalement sorti de l’anonymat il y a cinq ans en étant choisi par Barack Obama pour le neuvième siège de la Cour suprême.

Il avait alors conforté sa réputation d’intégrité et de modestie, en apparaissant profondément ému lors d’une cérémonie de présentation dans les jardins de la Maison-Blanche.

La voix brisée, M. Garland avait rendu hommage à sa famille, de ses grands-parents ayant fui l’antisémitisme aux confins de la Russie et de l’Europe au début du XXe siècle, à son père, petit commerçant de Chicago et sa mère, dévouée à la vie scolaire et associative de leur quartier.  

Mais, dans un climat politique déjà très tendu, Merrick Garland n’avait pas été confirmé au Sénat, les élus républicains majoritaires refusant même de le rencontrer.  

Le juge aux lunettes cerclées et chevelure poivre et sel était donc reparti siéger à la cour d’appel de Washington, un tribunal ayant prouvé son rôle de tremplin vers les plus hauts postes de l’appareil judiciaire américain.  

Esprit juridique « affûté »

Son rôle au sein du pouvoir fédéral sera crucial. En plus des tribunaux, le ministère de la Justice supervise le FBI, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF), l’administration pénitentiaire, le United States Marshals Service (USMS), agence fédérale spécialisée dans la recherche des fugitifs ou encore celle de la lutte antidrogue (DEA).  

Merrick Garland devra rassurer une partie des quelque 110 000 employés du « Department of Justice » après quatre ans mouvementés sous Donald Trump, et engager de profondes réformes promises, notamment pour lutter contre les violences et le racisme gangrénant certains services policiers.

« Les décisions d’un juge sont déterminées par la loi et rien que la loi », aime affirmer celui qui jouit d’un CV solide, à la fois dans la magistrature assise et debout.  

M. Obama l’avait qualifié de « l’un des esprits juridiques les plus affûtés » du pays.  

Diplômé en droit de la prestigieuse université de Harvard, M. Garland a été l’assistant de William Brennan, un juge progressiste aujourd’hui décédé qui a marqué de son empreinte la Cour suprême.  

Il a ensuite travaillé comme avocat privé, étant promu associé de son cabinet au bout de seulement quatre ans.  

Merrick Garland décide alors d’intégrer l’administration publique de la justice, comme procureur fédéral à Washington. « Il a quitté son élégant bureau d’avocat associé pour un réduit sans fenêtre empestant le tabac froid », avait salué Barack Obama.  

L’attentat d’Oklahoma City

Il se voit ensuite confier des dossiers d’importance nationale, comme les poursuites visant Timothy McVeigh, l’auteur de l’attentat d’Oklahoma City, qui a tué 168 personnes en 1995.

Il coordonne également l’accusation contre Ted Kaczynski, un militant écologiste surnommé « Unabomber », dont les attentats ont traumatisé l’Amérique.  

Puis il passe de l’autre côté de la barre, devenant juge à la cour d’appel de la capitale fédérale.  En 2013, M. Garland est promu juge en chef de cette cour d’appel.