Un projet prometteur à l’hôpital Notre-Dame permet à des autistes de haut niveau de pratiquer plusieurs métiers, d’accroître leurs habiletés sociales et d’atteindre leur plein potentiel. L’objectif ? Les rendre aptes à trouver un emploi dans le domaine de leur choix.

« Bonjour ! Avez-vous été en contact avec une personne infectée par la COVID ? », demande Geneviève* à l’une des réceptions de l’hôpital Notre-Dame. Depuis l’été dernier, cette bénévole est dans les équipes qui accueillent et appellent les prochains patients pour remplir le formulaire d’évaluation des symptômes de la COVID-19.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Une employée autiste informe des patients au téléphone des mesures en place pour limiter la propagation de la COVID-19.

Depuis deux ans, un « plateau de travail » pour les autistes de haut niveau a été créé à l’hôpital Notre-Dame. Il permet à de jeunes adultes, après avoir terminé leur parcours scolaire, de participer à ce programme qui leur apprend à mieux s’intégrer dans les milieux professionnels, grâce notamment au soutien d’éducateurs spécialisés. « Ce sont des personnes qui ont des difficultés au niveau des relations interpersonnelles, des habiletés sociales et de la communication », explique Brigitte Boudreau, chef de service en réadaptation en contexte d’intégration travail et communautaire au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Brigitte Boudreau, chef de service en réadaptation en contexte d’intégration travail et communautaire au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

« Ici, ils ont l’occasion de développer leurs habiletés sociales et leurs intérêts, parce que souvent, ils ne savent même pas ce qu’ils veulent faire dans la vie », ajoute sa collègue Viviane Dubé, éducatrice spécialisée.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Viviane Dubé, éducatrice spécialisée

On a monté tout un programme sur mesure pour eux. Ils essaient plusieurs tâches de travail, et le but final est de leur trouver un emploi.

Viviane Dubé, éducatrice spécialisée

Les deux femmes comparent l’hôpital à une ville où une panoplie de corps de métier se côtoient. « Je le trouve bien, ce plateau de travail, parce que tu peux apprendre plein de métiers dans l’hôpital », lance Geneviève, qui a fait plusieurs stages depuis deux ans. « Je suis meilleure pour le parler, je m’exprime mieux », ajoute celle qui espère se trouver un emploi en 2021 dans le service à la clientèle.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

L’éducatrice spécialisée Viviane Dubé discute avec des employés autistes fabriquant des contenants de lingettes désinfectantes humides.

Si elle avait fait le saut de l’école à l’emploi sans passer par ce programme, elle aurait peut-être essuyé des échecs, explique Mme Boudreau. « Quand ils passent par ici, ils apprennent à être autonomes. »

Des emplois décrochés

Sur les 12 jeunes adultes qui font partie de ce programme de formation, quatre ont décroché un emploi à temps plein, à l’hôpital, depuis le début de la crise sanitaire, justement parce que la pandémie a obligé l’hôpital à ajouter de nouvelles tâches de travail. Il y a les formulaires COVID-19 à remplir pour les patients, ce que fait Geneviève, mais aussi la production d’équipements de protection individuelle, notamment fabriquer des contenants de lingettes désinfectantes humides pour 700 organismes communautaires.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Un employé autiste s’affaire à la fabrication de contenants de lingettes désinfectantes humides.

Un de ces employés est Jeff*, qui fait partie du programme depuis pratiquement son ouverture. « En deux ans, j’ai beaucoup changé. Travailler en équipe, c’était un des défis. Aussi, de diriger les personnes et savoir comment intervenir », dit celui qui a été désigné chef de son équipe.

Des gens comme moi, des fois, c’est une épreuve de montrer ce dont nous sommes capables. Nous ne sommes pas toujours acceptés et nous sommes souvent étiquetés. Là, on nous donne la chance de prouver que nous sommes capables et on nous aide à être meilleurs.

Jeff

« Nous sommes une belle équipe »

Isabelle Drouin, technicienne en approvisionnement et logistique à l’hôpital, travaille avec Jeff et deux autres des jeunes du programme qui ont été embauchés. « Ce n’est pas tout le monde qui est au courant qu’ils sont autistes. Des fois, lorsqu’on leur dit qu’ils le sont, les gens n’en reviennent pas ! Ils ne nous croient pas ! On n’a pas cette image-là d’un autiste. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Isabelle Drouin, technicienne en approvisionnement et logistique, supervise des employés autistes chargés de préparer des livraisons de matériel de protection individuelle.

Tout en s’occupant de préparer des livraisons avec eux, elle ajoute : « C’est le fun de travailler avec eux. Nous sommes une belle équipe. Ils sont motivés, il n’y a pas de rebut pour eux. Toutes les tâches, ils se lancent et ils ont envie de performer. Même que des fois, il faut leur dire qu’ils peuvent ralentir. »

« Les chefs de direction de l’hôpital s’arrachent nos employés », dit avec fierté Viviane Dubé.

« J’ai toujours essayé de développer des plateaux selon les intérêts et les forces des personnes », explique Brigitte Boudreau, qui travaille avec la clientèle présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme depuis 36 ans. « Alors d’avoir développé celui-ci pour les autistes de haut niveau et de voir la réussite après seulement deux ans, et de voir des usagers, en temps de pandémie, qui sont rendus à l’emploi, c’est sûr que c’est un gros cadeau. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Andrée Vaillancourt, infirmière-chef adjointe, offre un cadeau à une employée autiste.

En parlant de cadeau, Geneviève en a reçu un d’Andrée Vaillancourt, infirmière-chef adjointe, lors du passage de La Presse. « Parce que tu nous aides beaucoup et que tu le fais avec brio. On aimerait ça t’avoir encore plus avec nous », a-t-elle dit. Geneviève, tout sourire, avait du mal à cacher sa joie.

* Prénoms fictifs, à leur demande, puisque ces personnes ne souhaitent pas être stigmatisées en raison de leur autisme de haut niveau.