Nous faisons face à la pandémie du siècle et vous nous dites… d’ouvrir la fenêtre ?

« Oui. Je vous dis d’ouvrir la fenêtre. »

C’est le DAnthony Fauci, visage américain de la lutte contre la COVID-19, qui a tenu ces propos, en août, dans le cadre d’un forum universitaire sur les mesures à mettre en place dans les écoles en prévision de la rentrée.

Même l’hiver, il faudra ouvrir les fenêtres, trois minutes tous les quarts d’heure, suggère de son côté la chancelière allemande, Angela Merkel. Ça peut sembler primitif, comme méthode, mais c’est « l’une des façons les moins chères et les plus efficaces » de freiner la propagation du virus.

Ouvrir les fenêtres. C’est simple, en effet.

Sauf pour les écoles vétustes où elles ne s’ouvrent pas.

Et sauf pour l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau. « On n’en a même pas à ouvrir ! », laisse tomber Jacques Langlois, le président du conseil d’établissement.

Il est monté au front pour réclamer que l’on perce des fenêtres au « bunker », comme on surnomme cette école de béton construite dans les années 1970 au cœur du quartier Saint-Michel.

C’était en février. Autant dire dans une autre vie.

Heureusement, me dit-on au centre de services scolaire de Montréal, le bunker bénéficie d’une ventilation mécanique. Pas aussi efficace que l’ouverture des fenêtres, si l’on en croit les études, mais mieux, beaucoup mieux que rien.

Et puis, les grands froids venus, les élèves du bunker ne seront pas transis derrière leur pupitre…

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Tout le monde court, tout le monde éteint des feux, tout le monde fait ce qu’il peut face à ce coronavirus encore mystérieux pour les scientifiques.

N’empêche. En préparant la rentrée scolaire, l’été dernier, il me semble qu’on aurait pu faire mieux.

On voulait à tout prix que les enfants retournent en classe.

On savait qu’ils se retrouveraient enfermés par dizaines dans la même pièce pendant tout l’hiver. On savait (trop bien) nos écoles décrépites et souvent mal aérées.

Et oui, on savait — depuis des mois — que le virus se transmettait par voie aérienne dans des endroits clos, bondés et mal ventilés. Une description qui correspond en tous points, justement, à de très nombreuses salles de classe du Québec.

Les aérosols sont reconnus comme étant une voie significative de transmission. Dans un lieu où il n’y a pas de changement d’air, le virus peut vraiment circuler.

Caroline Duchaine, directrice de la recherche au laboratoire sur les bioaérosols de l’Université Laval

Jusqu’ici, pourtant, aucune mesure spécifique n’a été prise pour assurer une meilleure ventilation dans les écoles. Aucune. Pas la moindre. Le gouvernement a mandaté un « comité d’experts », qui lui fera des recommandations… d’ici la fin novembre.

« On ne pensait pas que c’était si urgent », a plaidé le ministre de la Santé, Christian Dubé, sur les ondes du 98,5 FM. La Santé publique du Québec, voyez-vous, ne lui avait donné aucune consigne par rapport à la ventilation des écoles.

Ça fait pourtant plus de six mois qu’un nombre croissant de scientifiques tirent la sonnette d’alarme.

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Le 6 mai, déjà, l’Institut national de santé publique du Québec soulignait que « de plus en plus d’auteurs sont d’avis que la propagation par des aérosols infectieux est plausible et devrait être prise en considération ».

En juin, l’Université Harvard publiait ses « Stratégies de réduction du risque pour rouvrir les écoles ». Le rapport recommandait d’augmenter la ventilation en provenance de l’extérieur (bref, d’ouvrir les fenêtres) et d’installer de purificateurs d’air en classe.

Le 6 juillet, 239 scientifiques de 32 pays exhortaient l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à admettre que le coronavirus ne voyageait pas seulement sous forme de gouttelettes, mais aussi d’aérosols.

Une semaine plus tard, l’OMS reconnaissait effectivement le risque de transmission aérienne dans des endroits clos et amendait ses lignes directrices en conséquence.

Le 28 septembre, une équipe d’experts de la conseillère scientifique en chef du Canada, Mona Nemer, soulignait dans un rapport que la ventilation et la filtration de l’air « pourraient être des mesures importantes pour atténuer la transmission intérieure du SRAS-CoV-2 ».

Le 30 septembre, 28 experts québécois suppliaient le gouvernement « de faire tout ce qui est en son pouvoir pour réduire les risques de contagion dans les quelque 3000 écoles primaires et secondaires de la province — et cela passe par l’adoption urgente de mesures relatives à l’aération et à la ventilation ».

« L’adoption urgente de mesures », écrivaient ces éminents scientifiques.

Il y a de cela un mois et demi…

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L’hiver est à nos portes. Même si l’ampleur du risque de transmission par voie aérienne reste à démontrer, le principe de précaution commande d’agir. Maintenant.

Sans plus attendre, le gouvernement doit imposer des consignes d’aération et de ventilation claires aux écoles. Il doit financer l’achat de purificateurs d’air pour les classes qui en auront besoin.

En somme, il doit tout faire pour s’assurer que nos enfants ne tombent pas malades à l’école.

On n’a plus le temps pour des comités d’experts.