Pour comprendre ce que fait le gouvernement caquiste, il faut se décoller le nez du Québec.

Le premier ministre Legault n’est pas le seul à vouloir permettre de petits rassemblements à Noël, même si cela augmente le risque de contamination et exige de prolonger le congé scolaire. La Colombie-Britannique, le Manitoba et l’Ontario, entre autres, y songent aussi.

Il y a deux raisons.

La première, c’est le besoin d’espoir.

Au nom du réalisme, les gouvernements pourraient demander aux gens de respecter les mesures jusqu’à l’arrivée du vaccin. Mais la réalité a rarement été aussi déprimante… Ça affaiblit le moral. Ça use la solidarité. Ça nuit au respect des consignes.

Le tunnel s’étire si loin devant nous qu’on peine à y voir de la lumière.

Nous sommes comme des marathoniens à bout de souffle après le 20e kilomètre. Pour maintenir la motivation, le gouvernement ajoute des objectifs en milieu de parcours.

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) mène des sondages bimensuels depuis le début de la pandémie. L’adhésion aux contraintes diminue depuis l’été dernier.

Et plus on rappelle que ces restrictions dureront longtemps, moins les sondés sont susceptibles de vouloir les suivre. Sans oublier tous ceux qui n’osent pas avouer leur désobéissance.

La seconde raison pour vouloir « sauver Noël », c’est le réalisme. Si les petites fêtes de famille sont interdites, plusieurs risquent de se réunir quand même. Mieux vaut le permettre avec des consignes strictes et claires, qui ont plus de chances d’être respectées.

À cela s’ajoutent les craintes pour la santé mentale. Je croyais que le projet de permettre de petits rassemblements visait d’abord les familles. Mais le gouvernement aurait des analyses montrant que les adolescents et les jeunes adultes sont parmi ceux qui souhaitent le plus pouvoir se réunir.

Au fond, cela ne devrait pas trop nous étonner. C’est chez les 18-24 ans que la détresse psychologique a le plus augmenté depuis le début de la crise sanitaire, selon les données de la Santé publique.

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Léger détail toutefois : pour permettre de petits rassemblements, il faut que les cas cessent d’augmenter.

La pression est grande, autant à Québec qu’à Queen’s Park. Le Directeur de la santé publique de l’Ontario est sévèrement critiqué depuis quelques jours. Afin de justifier de possibles partys de Noël, il a prétendu que sa province pourrait être revenue en zone verte d’ici un mois. Biostatisticiens et épidémiologistes l’ont accusé d’inventer une fausse tendance à la baisse.

Après avoir fait monter les attentes, le premier ministre Doug Ford a dû les dégonfler mardi. Il cherche à propager un niveau crédible d’espoir.

Comme dans les autres provinces canadiennes, le Québec n’a pas le choix. S’il prend le risque — car c’est bien un risque — de permettre à un nombre limité de gens de fêter Noël ensemble, il doit resserrer le contrôle ailleurs. En fermant les écoles.

M. Legault veut faire l’annonce le plus vite possible pour permettre aux écoles et aux familles de se préparer. Mais en même temps, plus il attend, mieux il pourra prévoir où en sera l’épidémie en décembre. Un autre beau casse-tête…

Mardi soir, trois scénarios étaient encore envisagés : fermer l’école avant Noël, après Noël, ou avant et après. Le Manitoba penche pour cette dernière option.

Cela laisse songeur. L’année scolaire des enfants n’a-t-elle pas déjà été assez chamboulée ? Ne risque-t-on pas d’aggraver les retards d’apprentissage ?

Le gouvernement Legault est sensible à cet écueil. Mais il ne faut pas oublier que Noël ou pas, la hausse des cas le forçait déjà à examiner la fermeture des écoles.

Reste maintenant à rallier les enseignants, pour qu’ils décalent leurs prochaines vacances d’été, et le personnel des services de garde, pour qu’il continue de tenir le coup malgré l’épuisement.

La FAE, le syndicat le plus contestataire des profs, s’y est opposée avant même d’avoir consulté ses membres. Elle invoque entre autres le respect de son contrat de travail. Elle omet toutefois de dire que l’ajout de trois congés pédagogiques, cet automne, n’était pas prévu dans la convention et que des profs ont profité d’un congé payé en mars dernier.

Et léger détail, il y a aussi l’intérêt des enfants, qui devrait trouver sa place quelque part dans toutes ces considérations.

Un compromis doit être trouvé. Car au Québec comme ailleurs au Canada, il serait exceptionnellement triste de devoir faire un choix entre l’éducation des jeunes et la santé mentale des plus vieux.