La Dre Jessie Nault trouvait déjà nécessaire d’offrir aux communautés autochtones une clinique mobile qui leur offrirait des soins chez eux. Mais depuis la mort de Joyce Echaquan, elle est convaincue de l’urgence d’agir.

La médecin d’origine anichinabée se souvient comme si c’était hier de cette membre des Premières Nations qui avait conduit des heures pour se faire soigner à la clinique où elle faisait son stage, alors qu’elle était dans un état critique.

« Quand cette femme d’un certain âge est arrivée, je lui ai dit que c’était aux urgences qu’elle devait aller, pas dans une clinique », raconte la résidente en obstétrique-gynécologie. Ce à quoi la femme lui a vite rétorqué : « Je ne vais pas à l’hôpital. Je n’ai pas confiance. J’ai peur à l’hôpital… »

D’après cette médecin de 31 ans dont l’ambition est d’aider les communautés autochtones, les gens craignent encore plus les établissements de santé depuis la mort de Joyce Echaquan, une femme atikamekw de 37 ans morte au Centre hospitalier régional de Lanaudière, à la fin du mois dernier. « Parce qu’ils voient que ce ne sont pas des cas isolés. Ça ne se passe pas juste dans notre coin, ça se passe aussi ailleurs au Québec. »

Dans ma communauté, on en entend beaucoup, des patients qui ne veulent pas se déplacer dans les hôpitaux où il y a surtout des médecins blancs. C’est clair qu’il y a une peur de racisme et d’ostracisation. Il y a eu une perte de confiance.

La Dre Jessie Nault, née à Maniwaki

Résultat : trop de gens ne vont pas chercher les soins dont ils ont besoin, avec toutes les conséquences qui en découlent.

Il faut trouver un moyen de renverser le service de soins pour les communautés autochtones, à son avis. Il faut trouver un moyen que ce ne soit plus les patients qui aient à se rendre dans les hôpitaux, mais que ce soit les médecins qui se rendent à eux, se disait-elle avec sa « mentore », la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Dre Diane Francœur.

« Ce serait une bonne façon de permettre aux autochtones de moins s’éloigner de leur famille, leur communauté et leur culture. » Et aussi de les inciter à consulter beaucoup plus les professionnels de la santé.

Jessie Nault a ainsi eu l’idée de créer la clinique mobile (qu’elle veut baptiser Bimaadiziwin), un bus qui se déplacerait dans les communautés autochtones avec des spécialistes comme des pédiatres, des obstétriciens-gynécologues, des chirurgiens généraux et des psychiatres. En fonction de la demande, ils seraient appelés à monter à bord durant une semaine par mois, ou tous les deux mois.

« Il faut que ce soit des médecins qui ont un désir de travailler auprès des peuples autochtones, dans leur communauté », prévient-elle, en ajoutant avec enthousiasme que des collègues lui ont déjà manifesté leur intérêt.

Diane Francœur « impressionnée »

La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Dre Diane Francœur, a affirmé que lorsque la Dre Nault lui a parlé de son projet, elle a été impressionnée par sa détermination et son engagement envers sa communauté anichinabée.

« Nous avons longuement parlé des croyances, traditions et barrières qui font en sorte que ces femmes se retrouvent avec des complications obstétricales qu’on aurait pu prévenir avec des interventions précoces », a donné comme exemple Mme Francœur.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Diane Francœur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Même les problèmes les plus complexes trouvent des solutions lorsqu’on se donne la peine de sortir du cadre habituel.

Diane Francœur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Dans les prochaines semaines, Jessie Nault discutera de son projet avec des chefs de la Première Nation anichinabée. « Je veux que ce soit un projet par les autochtones et pour les autochtones. Je ne veux pas que l’attitude patriarcale blanche vienne dire quels sont leurs besoins et ce qu’on va leur donner. Non, je veux vraiment que ce soit l’inverse. »

Quête de financement

L’initiative, lorsqu’elle sera approuvée par tous ces chefs, sera ensuite présentée aux gouvernements, en décembre ou janvier, dans l’espoir qu’il soit financé.

Pour Charlotte Commonda, directrice générale du Centre d’amitié autochtone de Maniwaki, l’idée de la Dre Nault est « très bonne ». Elle ne veut pas parler pour les chefs, mais personnellement, elle a l’impression que les membres des communautés autochtones se sentiront « beaucoup plus en sécurité » avec cette approche.

« Les femmes enceintes de Maniwaki doivent se rendre à l’hôpital de Mont-Laurier ou à Gatineau pour faire les suivis de grossesse et accoucher. C’est loin. La Dre Nault pourrait les suivre, dans leur communauté », donne comme exemple Mme Commonda.

En conclusion, Jessie Nault confie que son premier bus est comme « un projet pilote qui éventuellement pourra se propager à travers toutes les communautés du Québec ».