Guillaume Lavoie refuse de confirmer clairement s’il se présentera à la mairie de Montréal lors des élections de novembre 2021. Il hésite à dire jusqu’où il est rendu dans sa réflexion. Mais au cours de l’entretien que j’ai eu avec lui vendredi dernier, il m’a procuré une foule de raisons de croire qu’il est rendu loin. Très loin.

« Ce n’était pas sur mon radar du tout, m’a-t-il confié. On m’a approché et les choses se sont accélérées avec l’été et le mauvais automne de l’administration actuelle. J’ai été approché par des écosystèmes assez différents, à gauche, à droite, plus rouges, plus bleus, plus d’affaires ou plus communautaires. »

L’ancien conseiller municipal de Rosemont–La Petite-Patrie et critique de l’opposition en matière de finances a porté les couleurs de Projet Montréal de 2013 à 2017. En décembre 2016, il a affronté Valérie Plante lors de la course à la direction du parti.

Sa défaite a été crève-cœur. Sa rivale l’a emporté par 79 voix (998 contre 919). « J’ai adoré mon passage en politique municipale, dit-il. J’ai découvert une passion que je n’aurais pas soupçonnée. Je me suis impliqué à fond dans Projet Montréal, du début à la fin. Je serai solidaire de chacune des décisions qui ont été prises lorsque j’étais membre du caucus. Mais ma fidélité au parti de Valérie Plante a cessé le jour où mon mandat a pris fin. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Guillaume Lavoie, ancien conseiller municipal de Rosemont–La Petite-Patrie, pourrait se lancer dans la course à la mairie.

Si le nom de Guillaume Lavoie circule depuis quelques jours, c’est qu’il a été question de lui jeudi matin dernier au micro de Paul Arcand. Lors de sa chronique quotidienne, Bernard Drainville a déclaré que le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, était « au centre de discussions » pour trouver un adversaire à Valérie Plante.

« Il ne souhaite pas que ça soit Denis Coderre », a ajouté Bernard Drainville. Pressé par Arcand de fournir des noms, Drainville a mentionné celui de Guillaume Lavoie.

« La vérité pure est que je n’ai jamais eu de contacts, ni de près ni de loin, et encore moins récemment, avec M. Fitzgibbon, m’a dit Guillaume Lavoie. Ni même avec son entourage. Ce n’est absolument pas une critique à son égard, mais le choix du maire de Montréal appartient aux Montréalais. Ce n’est pas au gouvernement du Québec de choisir le maire de Montréal. »

Je lui ai alors demandé : est-ce que le fond de l’histoire serait que des gens l’ont rencontré et lui auraient dit que leur homme, c’était vous ? « Je n’en ai aucune idée », s’est-il contenté de me répondre.

Si jamais Guillaume Lavoie se présente à la mairie de Montréal, trois scénarios s’offrent à lui : soit il crée un nouveau parti, soit il se présente comme indépendant, soit il se présente à la tête d’un parti existant, c’est-à-dire Ensemble Montréal ou Vrai changement pour Montréal.

« Vous avez raison, mais il faut aussi savoir que plus il y a de joueurs sur la ligne, plus les chances de Projet Montréal de gagner les élections augmentent. » Guillaume Lavoie fait évidemment référence à Denis Coderre. Sa présence et celle d’un troisième candidat auraient pour effet de diviser le vote.

Mettons que Denis Coderre annonce en février ou en mars qu’il plonge de nouveau, vous y allez quand même ? Guillaume Lavoie prend quelques secondes. « Il va falloir que je sois sûr d’y aller. Et une fois que la décision va être prise, ça sera sans égard à ce que les autres feront. »

Accepteriez-vous de travailler aux côtés de Denis Coderre ? « Je suis institutionnaliste. M. Coderre a été maire de Montréal. Ça demande un traitement avec un certain égard. Quand je vois l’administration actuelle le traiter avec un certain mépris ou le sortir comme un boogyman chaque fois qu’il y a quelque chose qui ne marche pas dans la ville, ça me déçoit. Son passage n’a pas été parfait, mais il y a pire. »

Je lui soumets l’idée que ses idées et son profil cadreraient bien avec l’équipe de Vrai changement pour Montréal, l’ancien parti de Mélanie Joly. « Je connais bien Justine McIntyre. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup. On a certainement des vues tout à fait compatibles. »

Vous voyez comment il garde toutes les portes bien ouvertes.

Guillaume Lavoie jure que s’il se présente, il ne le fera pas pour prendre sa revanche sur Valérie Plante. « Ce n’est pas elle, la femme, le problème. Ce sont les idées qu’elle porte et les choix qu’elle fait. Il y a beaucoup de gens que j’aime à Projet Montréal. Tout cela n’est pas animé par une quelconque animosité. »

Comment ce spécialiste de la rhétorique, de l’économie collaborative et de la visualisation des données pourrait-il alors se démarquer face à son ancien parti ?

Là-dessus, Guillaume Lavoie, qui ne nie pas qu’il a déjà eu le « vent dans le visage » en créant des pistes cyclables, des saillies de trottoirs et des interdictions de stationnement, affirme qu’il a fait ces gestes en rencontrant les citoyens qui étaient en désaccord.

« Les élus de Projet Montréal n’ont pas réformé la ville. Ils ont fait des choses différemment, mais à la pièce. Ça prend quelqu’un qui est animé du désir de réformer la manière dont fonctionne la ville pour vrai, quelqu’un qui va consulter les citoyens pour vrai. Pas un sondage où on demande aux gens s’ils veulent souffrir dans d’atroces douleurs ou s’ils préfèrent qu’on enlève deux stationnements. On me dit souvent sévère et dur, mais je ne bullshite pas. »

Discret au cours des trois premières années au pouvoir de Valérie Plante, Guillaume Lavoie ne se gêne plus pour critiquer le travail de son administration. « Ça fait trois fois qu’on annonce 12 000 nouveaux logements sociaux. C’est comme si on en avait maintenant 36 000. Au début c’était 12 000 de plus, puis c’est devenu 12 000 qu’on construit et rénove. Finalement, c’est devenu 12 000 qu’on doit préserver. Ça ne marche pas. »

L’un des modèles de Guillaume Lavoie en matière de gestion municipale est Michael Bloomberg, ancien maire de New York. « Je défends une modernité absolument agressive sur la manière de repenser le transport, l’urbanisme et la gestion. Je prône une préoccupation de tous les instants pour l’administration et les finances. J’aime beaucoup cette phrase de Bloomberg : In God we trust. Everyone else brings data. Et Montréal est extraordinairement en retard là-dessus. »