(Ottawa) Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a des réserves au sujet de la volonté de Québec et de trois partis fédéraux d’élargir l’application de la Charte de la langue française, communément appelée la Loi 101, aux entreprises de juridiction fédérale au Québec.

« La question que moi, je me pose, c’est : quel sera l’impact de cette décision ? » s’est demandé le commissaire lors d’une récente entrevue avec La Presse Canadienne.

Le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique et, plus récemment, le Parti conservateur ont tous manifesté leur accord avec l’intention du gouvernement du Québec d’assujettir les entreprises de juridiction fédérale — comme les banques ou VIA Rail — à la Loi 101.

Cet aspect doit notamment se retrouver dans le plan d’action à venir du ministre responsable de la Langue française au Québec, Simon Jolin-Barrette, visant à renforcer la position du français dans la Belle Province.

Si ce plan va de l’avant, le français deviendrait la langue d’usage au sein de toutes les entreprises sur le territoire québécois comptant plus de 50 employés.

M. Théberge dit qu’il attendra de voir le produit final avant de se prononcer, mais il a servi une mise en garde au gouvernement du Québec.

« C’est important de reconnaître qu’on a deux langues officielles et qu’on a besoin de communautés fortes, que ce soit les communautés de langues officielles à l’extérieur du Québec ou au Québec », a déclaré le commissaire aux langues officielles en entrevue.

Craint-il que d’autres provinces décident de suivre l’exemple de Québec et imposent l’anglais uniquement dans les entreprises de juridiction fédérale chez elles ? « Je pense que c’est ça qu’on doit étudier », a laissé tomber M. Théberge, pesant ses mots.

Le Bloc québécois a déjà indiqué qu’il fera écho à cette initiative à Ottawa en déposant son propre projet de loi. Le seul parti indépendantiste à Ottawa l’a déjà fait à quelques reprises par le passé, sans succès. Mais cette fois-ci, tout indique qu’il aurait l’appui d’une majorité de parlementaires.

Cela place le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau dans une situation particulière.

Dans le discours du Trône lu à la fin septembre, on y indiquait que la défense des droits des minorités francophones à l’extérieur du Québec et des droits de la minorité anglophone au Québec est une « priorité pour le gouvernement ».

« Mais le gouvernement du Canada doit également reconnaître que la situation du français est particulière. […] Le gouvernement a donc la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec », peut-on lire après coup.

Au bureau du lieutenant politique de M. Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, on s’est contenté de répéter sensiblement ces mêmes lignes.

« On continue de regarder la meilleure façon de protéger le français dans les entreprises sous juridiction fédérale », a déclaré Simon Ross, porte-parole de M. Rodriguez, dans une déclaration écrite envoyée à La Presse Canadienne.