(Percé) L’été commence à fléchir, le soir venu, en apportant « une petite fraîche » qui n’y était pas voici une quinzaine de jours, et les restaurateurs, aubergistes et autres hôtes gaspésiens en profitent bien.

Les foules et les malotrus qui ont fait la manchette durant les vacances de la construction sont repartis de la péninsule. Les plages sont propres. Le soleil est au poste. Les visiteurs sont de joyeuse humeur. Il fait bon se baigner dans des eaux frisant les 16 degrés. La saison du homard, du crabe, est finie depuis un moment, mais le thon québécois est sur quelques cartes.

« C’est maintenant qu’il faut venir en Gaspésie », lance Jean-François Tapp, copropriétaire de l’auberge Camp de base, au Coin-du-Banc, près de Percé. « Vraiment pas pendant les vacances de la construction. »

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Pascale Deschamps et Jean-François Tapp, copropriétaires du Camp de Base Coin-du-Banc, non loin de Percé

À éviter ces deux dernières semaines de juillet où, traditionnellement, les chantiers s’arrêtent. Où, cet été, les touristes sont arrivés en très grand nombre dans une région aux capacités d’accueil limitées, comme partout ailleurs, par le virus. Où on a dû improviser des terrains de camping, trouver in extremis des solutions au manque de toilettes, bloquer les accès de plusieurs zones aux visiteurs irrespectueux de la nature.

En conversant avec ce jeune entrepreneur, spécialiste du plein air, qui a fait de son auberge un centre de villégiature anti-tourisme de masse, celui-ci lance une idée iconoclaste : en finir avec cette tradition.

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Les foules et les malotrus qui ont fait la manchette durant les vacances de la construction sont repartis de la péninsule.

C’est parce que trop de gens prennent leurs vacances en même temps que la Gaspésie a connu certaines difficultés cet été, croit-il. Et de façon plus générale, cette façon d’organiser l’horaire de la province encourage une certaine industrialisation des vacances.

Tout le monde remplit les infrastructures en même temps, donc tout doit être gros, efficace, prêt à accueillir un grand nombre de touristes.

L’avenir, croit Tapp, n’est pas là.

Il est dans les petits groupes qui partent découvrir le territoire, qui ont des contacts personnalisés avec leurs hôtes, qui ne changent pas le paysage, qu’il soit géographique ou culturel, mais s’y intègrent.

Étaler les vacanciers pendant tout l’été serait mieux pour l’environnement, pour les infrastructures, pour les parcs, pour tout.

« Arsou en Gaspésie », dirait-on. Mais pas tous ensemble, tout d’un coup.

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Étaler les vacanciers pendant tout l’été serait mieux pour l’environnement, pour les infrastructures, pour les parcs, pour tout.

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De façon générale, en Gaspésie où je suis en reportage depuis jeudi, tous ceux que j’ai croisés dans les infrastructures touristiques m’ont beaucoup plus parlé des problèmes de main-d’œuvre causés par la Prestation canadienne d’urgence (PCU) que des touristes malpropres qui ont envahi momentanément certaines plages accessibles en voiture près de Gaspé, Haldimand et Douglastown.

Ce fut un mauvais moment, auquel bien des autorités et bien des entrepreneurs ont réagi rapidement, malgré ce qu’on a lu et entendu en manchette, en aménageant notamment très spontanément de nouveaux terrains de camping.

Des questions au sujet de quelques aberrations demeurent, notamment la diminution de la capacité d’accueil des parcs sous prétexte du virus et la fermeture des installations sanitaires, comme si la nécessité de ces équipements allait s’effacer par magie. Deuh…

Mais pour le reste, c’est de l’histoire presque ancienne.

Simon Poirier, propriétaire du restaurant Le Brise Bise, une institution à Gaspé, croit comme tous que la PCU, nécessaire au pire de la crise, aurait pu et dû prendre fin beaucoup plus tôt, pour que les jeunes retournent travailler. Comme bien des propriétaires, il a mis la main à la pâte comme jamais. Lavé de la vaisselle. Cuisiné. Servi. (Claudine Roy, propriétaire de l’Auberge sous les arbres, présidente de l’Association Restauration Québec, s’est mise au ménage dans son hôtel.)

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Simon Poirier, propriétaire du restaurant Le Brise Bise, à Gaspé

Cela dit, Poirier ne garde aucun mauvais souvenir de cet été qui se termine.

« Tout le monde a fait de son mieux. Dans les circonstances. Et on ne va quand même pas chialer parce qu’on a eu du monde ! » lance-t-il.

À son restaurant, les visiteurs ont été très patients, dit le Gaspésien. Ils ont fait la file sagement. Ont porté leurs masques. « On a été de 85 % à 90 % de notre capacité », affirme-t-il. De quoi assurer un automne financièrement viable.

Propos semblables au restaurant La Révolte, à Rivière-au-Renard, où le propriétaire de cette table et du motel Le Caribou, Mathieu Samuel, a vu son chiffre d’affaires estival grimper d’environ 20 % comparativement à l’an dernier côté resto, pendant que l’hôtellerie roulait au maximum de sa capacité.

« Il y a eu beaucoup de monde sur les plages. La clientèle était différente. Juste des Québécois. Mais pour vrai, on était juste contents d’avoir des gens. »