Jean Gérin-Lajoie, le tout premier directeur québécois des Métallos élu au suffrage universel des membres, est mort la semaine dernière à l’âge de 92 ans, a annoncé dimanche le syndicat.

Sa notice biographique sur le site de l’Ordre national du Québec, où il avait été reçu comme chevalier en 1985, rappelle qu’il a participé de façon « directe, intense et soutenue pendant plus de vingt ans à toutes les discussions sur les lois québécoises du travail ».

Né en 1928 à Montréal, il obtient une maîtrise à l’Université de St. Louis, aux États-Unis. Il étudie ensuite de 1948 à 1950 à la prestigieuse Université Oxford, au Royaume-Uni après avoir obtenu une bourse Rhodes. Il obtient un doctorat en économie à l’Université McGill en 1953.

Entre-temps, il aura fait ses premiers pas sur la scène syndicale. Dès 1947, M. Gérin-Lajoie est nommé délégué syndical, secrétaire du syndicat local et membre du comité de négociations à l’usine de Montréal Cottons de Valleyfield.

Il gravit ensuite les échelons. Représentant du Syndicat des Metallos de 1952 à 1965, il devient en 1965 le premier directeur québécois du syndicat à être élu au suffrage universel, poste qu’il conservera jusqu’en 1981. Il organise notamment une marche de solidarité envers les grévistes de Murdochville en 1956.

« Le Syndicat des Métallos est extrêmement privilégié d’avoir pu compter toutes ces années, à une période charnière de notre développement, sur un homme d’une si grande compétence et humanité, a commenté l’actuel directeur québécois des Métallos, Dominic Lemieux dans un communiqué. Il a grandement aidé à structurer notre organisation, le mouvement syndical et le monde du travail dans son ensemble. Il nous a laissé un immense héritage ».

M. Gérin-Lajoie a aussi été vice-président de la Fédération des travailleurs du Québec de 1959 à 1981. Il a siégé à titre de porte-parole de la centrale au Conseil supérieur du travail, à sa Commission permanente et au Conseil consultatif du travail et la main-d’œuvre, de 1960 à 1981.

Les Metallos précisent qu’il a grandement contribué au premier véritable Code du travail, à la création du Tribunal du travail (1969), à diverses mesures législatives importantes sur les relations de travail comme la Loi du salaire minimum, la Loi sur la discrimination dans l’emploi et la Loi sur les normes du travail ainsi qu’aux réformes du Code du travail qui ont instauré des dispositions contre les briseurs de grève et sur les services essentiels en cas de grève.

L’Ordre national des Québécois mentionne aussi qu’il a aussi écrit des livres sur les Metallos : « La Lutte syndicale chez les Métallos » en 1973 et « Les Métallos, 1936-1981 » en 1982.

En 1984, le gouvernement québécois le nommait membre de la Commission consultative sur la réforme du Code du travail. Un an plus tard, il devenait professeur invité à l’École des Hautes études commerciales.

Sur le plan politique, il siège au comité social du Mouvement Souveraineté-Association de René Lévesque, l’ancêtre du Parti québécois, écrit Pierre Godin dans « La Poudrière linguistique ».

En 1970, il condamne sans équivoque les enlèvements de l’attaché commercial britannique James Cross et du ministre québécois du Travail, Pierre Laporte. « On s’en va vers le délire. Le terrorisme risque d’entraîner la perte des libertés fondamentales. On sait que certains moyens nous mènent trop long et qu’ils provoquent un danger de répression », dit-il, cité par l’historien André Lacoursière dans « Alarme citoyens ! ».

Cette prise de position ne l’empêchera pas de siéger au comité formé par l’universitaire Guy Rocher pour réclamer la libération des personnes encore emprisonnées, mais non accusées, et la fin de l’état de siège au Québec, écrivait Pierre Godin dans sa biographie de René Lévesque.