Le retrait d’Air Canada de plusieurs aéroports régionaux compromet les retombées attendues du programme de développement touristique Explore Québec, dénoncent des régions touchées.

En novembre dernier, le premier ministre François Legault était à Val-d’Or pour annoncer, avec sa ministre du Tourisme, Caroline Proulx, et son ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, un investissement de près de 10 millions de dollars pour amener les touristes dans les régions éloignées. Le programme, appelé Explore Québec, couvre environ la moitié du coût des billets d’avion inclus dans des forfaits touristiques, pour rendre de tels forfaits plus abordables.

Moins de huit mois plus tard, Air Canada vient de jeter une douche froide sur les ambitions touristiques de Val-d’Or en annonçant, le 30 juin dernier, qu’elle ne desservirait plus cette ville.

« Ce sont les possibilité de développement du tourisme d’agrément à long terme qui viennent d’être extrêmement diminuées pour nous », a déploré la directrice générale de l’Office du tourisme et des congrès de Val-d’Or, Nancy Arpin, en entrevue avec La Presse.

Le retrait d’Air Canada des aéroports de Mont-Joli et de Gaspé est aussi décrié. « Les conséquences de cette fermeture sont énormes pour la région », a dénoncé le président de Tourisme Gaspésie, David Dubreuil.

Cette décision est totalement contraire aux efforts de développement et de promotion consentis par Tourisme Gaspésie depuis quelques années et appuyés par le ministère du Tourisme via son programme Explore Québec.

Tourisme Gaspésie dans un communiqué

Pandémie oblige, Explore Québec a été modifié et rebaptisé « Explore Québec sur la route » cet été. Hormis quelques exceptions, comme aux Îles-de-la-Madeleine, les forfaits n’incluent pas de vol. Mais le programme original, et son budget de 9,5 millions sur quatre ans, demeurent. Dans des régions comme la Gaspésie, l’Abitibi-Témiscamingue ou la Côte-Nord, l’aide gouvernementale couvrirait environ 250 $ du coût du billet d’avion. L’objectif n’est pas seulement d’augmenter le nombre de visiteurs et les retombées, mais de prolonger la saison.

Pour une région comme la Gaspésie, très fréquentée durant deux mois d’été, c’est tentant. Mais le retrait d’Air Canada a laissé Gaspé sans liaison aérienne. « Ça nous touche directement parce que notre clientèle touristique ne pourra plus se prévaloir de ces forfaits si on n’a pas d’avion », expose la porte-parole de Tourisme Gaspésie, Christine St-Pierre, en entrevue téléphonique.

L’intérêt est là, puisque, avant l’arrivée de la pandémie, une cinquantaine de forfaits avec liaison aérienne étaient déjà prêts à être lancés, dont douze en Gaspésie. Explore Québec a même été cité en exemple dans le rapport Tendances et politiques du tourisme de l’OCDE 2020, publié en mai dernier.

À la recherche de remplaçants

Avec la décision d’Air Canada, « il y a un impact au niveau d’Explore Québec, c’est certain », reconnaît l’Association professionnelle des réceptifs et des forfaitistes du Québec (ARF-Québec), qui gère le programme pour le gouvernement.

L’initiative visant beaucoup la clientèle internationale, le problème se posera davantage à la réouverture des frontières. Mais il pourrait se faire sentir dès l’automne, avec la tendance des Québécois à déplacer leurs vacances durant cette période où ils ont moins de temps. « Il va falloir développer des forfaits peut-être plus courts où l’avion va être important pour les régions éloignées », explique la directrice générale de l’ARF-Québec, Marilyn Désy.

Elle espère que des transporteurs régionaux québécois prendront le relais d’Air Canada.

On sent déjà que certaines compagnies aériennes autres sont en train de s’organiser pour, peut-être, prendre la balle au bond.

Marilyn Désy, directrice générale de l’ARF-Québec

C’est ce qu’on espère aussi au bureau de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx.

« Ça peut même être bénéfique pour ces autres transporteurs », suggère son porte-parole, Jonathan Guay. « C’est sûr qu’on va devoir revoir le portrait », admet cependant M.  Guay.

Des transporteurs comme Air Creebec et Pascan desservent déjà les régions touchées. « Air Creebec nous dessert très bien », témoigne la directrice générale de l’Office du tourisme et des congrès de Val-d’Or, Nancy Arpin. Mais contrairement à Air Canada, elle ne va ni à Québec ni à Rouyn-Noranda, fait-elle valoir.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Des transporteurs comme Air Creebec et Pascan desservent déjà les régions touchées par le retrait dAir Canada.

« S’il y a des demandes spéciales ou spécifiques pour des projets touristiques en vertu du programme Explore Québec dans le giron qu’on dessert présentement, ça va nous faire plaisir de les étudier et d’y participer, le cas échéant », indique le vice-président et chef de la direction financière de Pascan, Yani Gagnon. « Je n’ai pas eu de demande récente en ce sens », dit-il toutefois.

Projet Régionair

Air Canada a annoncé la fermeture de 8 escales et la « suspension indéfinie » de 30 vols intérieurs au Canada. La moitié de ces escales et huit de ces liaisons touchent des aéroports québécois (Gaspé, Mont-Joli, Val-d’Or, Rouyn-Noranda, Baie-Comeau, Sept-Îles, les Îles-de-la-Madeleine).

Cette décision suscite de vives inquiétudes. Lundi, le préfet de la MRC de La Mitis et la directrice générale de l’Aéroport de Mont-Joli ont lancé le projet Régionair, qui ne vise rien de moins que la création d’un nouveau transporteur dans l’est du Québec (Gaspésie, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord).

« Le marché en général, les villes surtout, sont en mode panique », commente le vice-président de Pascan. Il donne l’exemple de Gaspé, où Pascan pourrait faire escale durant l’une de ses liaisons quotidiennes avec les Îles-de-la-Madeleine, au lieu de toujours arrêter à Bonaventure. « Relier la région de Gaspé dans notre réseau, ce n’est pas quelque chose de très compliqué. En deux jours, je suis capable de faire ça », affirme M. Gagnon.