Des dizaines de familles risquent de se retrouver à la rue aujourd’hui. À cause de la COVID-19 et du petit nombre d’appartements en location, des ménages n’ont toujours pas trouvé un endroit où se loger.

Le taux d’inoccupation des logements est aussi faible qu’au début des années 2000, lors de la dernière crise du logement. Ce taux atteint seulement 1,5 % pour le Grand Montréal et 1,8 % pour l’ensemble de la province.

« C’est un taux très bas ! affirme Robert Beaudry, responsable de l’habitation à la Ville de Montréal. On parle d’un équilibre entre l’offre et la demande lorsque le taux d’inoccupation est de 3 %. C’est du jamais-vu depuis le début des années 2000. »

« Si on regarde juste les logements de trois chambres à coucher, on est à 0,7 %, ajoute-t-il. Ça veut dire que du logement familial, c’est très difficile à trouver dans l’île de Montréal. »

Roger Bertrand est l’un de ceux touchés de plein fouet par la crise du logement. À Noël dernier, il a reçu un avis d’éviction de l’appartement qu’il louait depuis 20 ans, dans Verdun. L’homme a contesté cet avis et doit passer devant la Régie du logement le 15 juillet prochain. M. Bertrand estime que ses chances de gagner sont nulles. Il ignore où il déménagera.

Je l’aime, mon appartement. Je n’avais pas l’intention de déménager et là, je ne suis même pas capable de trouver un nouvel appartement dans mon quartier.

Roger Bertrand

« J’ai un 5 ½ et ça me coûte 582 $. Si je déménage dans un 3 ½, ça va me coûter plus cher que ça. C’est sûr que je vais m’appauvrir », dit-il.

Dans les dernières semaines, l’Office municipal d’habitation de Montréal a reçu 455 demandes d’aide. Parmi elles, 171 familles sont toujours à la recherche d’un appartement – comparativement à 68 l’année dernière – et 10 ménages sont hébergés temporairement dans des chambres d’hôtel ou des appartements de dépannage. Les arrondissements du sud-ouest de l’île, tout particulièrement Verdun et LaSalle, affichent des taux d’inoccupation des logements bien en deçà de la moyenne montréalaise.

Constructions en hausse

Paradoxalement, le nombre d’appartements disponibles diminue, mais la construction d’unités locatives bat des records. L’année dernière, 11 000 nouveaux logements ont été mis en chantier dans le Grand Montréal, comparativement à 1800 il y a 10 ans, affirme la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). « Il faut revenir à la fin des années 80 pour avoir autant d’unités locatives sur le marché », dit Francis Cortellino, économiste à la SCHL.

L’immigration a fortement contribué à faire chuter le taux d’inoccupation des logements dans la province et surtout à Montréal. « Depuis 2015, le flot migratoire a littéralement bondi d’année en année. En 2018, 72 000 personnes sont arrivées de l’étranger ou d’une autre province. C’était un record. Puis, en 2019, on a atteint 91 000 personnes. C’est à peu près le triple de 2013. Ça met beaucoup de pression sur la demande locative », indique M. Cortellino.

Avant même la pandémie de COVID-19, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) anticipait un mois de juillet difficile pour les locataires évincés. Le taux d’inoccupation si bas et le confinement sont les principales raisons qui expliquent qu’autant de familles ont demandé de l’aide cette année. L’organisme avance que 333 ménages n’ont d’ailleurs pas trouvé de logement au Québec, à ce jour.

« Ç’a été particulièrement difficile pour les gens qui n’avaient pas internet et qui ne pouvaient pas se tourner vers les bibliothèques ou les centres communautaires. Ces personnes ne pouvaient pas faire de visites virtuelles d’appartements », soulève Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.

Hausse du coût des loyers

En plus du peu d’appartements en location, le FRAPRU se préoccupe de la hausse du coût des loyers. Une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), publiée lundi, révèle d’ailleurs que les promoteurs qui misent sur le logement locatif touchent des rendements mirobolants, et ce, au détriment des locataires qui peinent de plus en plus à joindre les deux bouts.

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Le Front d’action populaire en réaménagement urbain avance que 333 ménages n’ont pas trouvé de logement au Québec, à ce jour.

« On a constaté une hausse des prix de l’immobilier dans les 20 dernières années qui a affecté l’accessibilité du logement, explique la chercheuse de l’IRIS Julia Posca. Pour un ménage qui veut acheter, ça demande un endettement très important. Et pour les locataires, cette augmentation a tiré les loyers à la hausse. »

En entrevue, Mme Posca pose la question : « Est-ce qu’on veut que le logement soit accessible ou on veut seulement une manière pour une minorité de gens de s’enrichir ? Et ce qu’on constate est un trop grand déséquilibre dans tout ça. »

Le député de Québec solidaire Andrés Fontecilla croit pour sa part que le gouvernement doit augmenter la construction de logements sociaux : « Il faut avoir une offre de logements adaptée à l’ensemble des catégories sociales économiques de nos villes. »

Il a déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi demandant la création d’un registre de loyers, qui permettrait aux citoyens de connaître le prix que payaient les anciens locataires.

> Lisez l’étude de l’IRIS