Avec un soleil de plomb, un mercure dépassant les 30 oC et un début de déconfinement, les plans d’eau ont rarement été aussi attrayants qu’en ce premier week-end d’été. D’un bout à l’autre du Québec, fleuve, rivières et lacs étaient bondés de Québécois avides de liberté. Or, le drame qui a tué une famille sur le fleuve Saint-Laurent, samedi, est venu rappeler que les sports nautiques ne se pratiquent pas sans risques.

Deux motomarines sont entrées en collision, à la hauteur de Nicolet, dans le Centre-du-Québec, samedi. Alexandre Gauthier, 34 ans, Édith Gélinas, 32 ans, et leur fils de 4 ans ont péri. La famille était sur la même motomarine. Un homme dans la trentaine et une fillette de 8 ans, qui étaient sur l’autre engin, ont été blessés sérieusement, mais sont hors de danger. Plus de 24 heures après l’accident mortel, ses circonstances demeuraient un mystère.

« C’est la Sûreté du Québec qui mène l’enquête, mais il n’y a pas de nouveau. Les reconstitutionnistes sont allés sur place », a informé le sergent Claude Denis, porte-parole de la SQ, dimanche soir, sans donner plus de détails.

PHOTO OLIVIER CROTEAU, LE NOUVELLISTE

Deux motomarines sont entrées en collision, à la hauteur de Nicolet, dans le Centre-du-Québec, samedi, fauchant la vie d’une famille.

Popularité croissante de la motomarine

Honnie de nombreux riverains, interdite par les associations de plusieurs lacs, contrainte de rester éloignée des berges, la motomarine a connu son lot d’obstacles au fil des ans. Ce qui n’a pas empêché ses adeptes de se multiplier depuis sa mise en marché, à la fin des années 60. Entre 2011 et 2016 seulement, les ventes de motomarines ont presque doublé au Québec, passant de 1249 à 2026 unités en cinq ans, selon les plus récents chiffres de la National Marine Manufacturers Association.

Une popularité grandissante dont a été témoin Richard Véronneau, propriétaire de Location motomarine Sport Chambly depuis 25 ans. En autant de saisons, il a été aux premières loges de l’évolution de la pratique, tout comme des limites repoussées d’année en année par les fabricants.

« Ç’a été une ascension constante et régulière. Les motomarines sont rendues très confortables et sécuritaires. Il y a aussi tout le côté performance qui s’améliore sans cesse », explique le propriétaire de l’entreprise située sur les berges du bassin de Chambly.

Le tout premier Sea-Doo 1968 de BRP pouvait atteindre 40 km/h. Aujourd’hui, le Sea-Doo RXP-X 300 2020 passe de 0 à 96 km/h en 3,8 secondes et dépasse largement les 100 km/h.

Ce sont des machines très réactives, que tu ne peux pas battre. Tu ne gagneras jamais contre la machine. Jamais. J’ai essayé assez souvent pour te le dire. Elle va t’éjecter, elle va te blesser, mais jamais tu ne vas gagner.

Richard Véronneau, propriétaire de Location motomarine Sport Chambly

Comme tout le monde, il ignore ce qui a causé l’accident mortel de Nicolet, mais de façon générale, il observe que la manœuvre la plus risquée est de tenter d’arroser une autre machine en donnant un coup de guidon à la dernière minute.

« C’est ce qu’il y a de plus dangereux. Tu ne peux jamais prévoir comment l’autre va réagir. Ça en prend juste un qui fait une fausse manœuvre. Souvent aussi, les gens veulent épater et vont conduire en fou », raconte-t-il. « Mais je dois quand même dire que 98 % du temps, ça va très bien, les gens sont conscients et sont prudents. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Entre 2011 et 2016 seulement, les ventes de motomarines ont presque doublé au Québec.

Sécurité avant tout

Au quai de Chambly, Pascal Brault revenait d’une balade en motomarine avec sa fille de 8 ans, Maélie. L’accident de la veille ne l’inquiétait pas outre mesure.

« Disons que c’est la maman qui était stressée. Elle m’a parlé de l’accident d’hier. Mais personnellement, je me sens plus en sécurité sur l’eau que sur l’autoroute », estime le plaisancier, qui avait loué son engin chez Location motomarine Sport Chambly.

« En 1997, il y avait eu deux morts sur le bassin, et depuis ce temps-là, on a serré la vis », rapporte le propriétaire, Richard Véronneau.

On donne une petite formation à nos clients, et même si ça fait 10 fois qu’ils viennent, on redonne la formation. Et si on trouve qu’ils n’écoutent pas ou ne prennent pas ça au sérieux, on ne loue pas. On est très sévères.

Richard Véronneau, propriétaire de Location motomarine Sport Chambly

À quai, son employé Jonathan Asselin explique en détail le fonctionnement de la motomarine et les règles nautiques à respecter avant le départ de chaque client.

« Il ne faut jamais oublier qu’aucune embarcation n’a de freins, dit-il. Et on n’éteint jamais la motomarine. Sinon, on n’a plus aucun contrôle dessus. »

M. Véronneau observe que des propriétaires manquent aussi de connaissances. Il a vu si souvent de nouveaux acquéreurs arriver à quai sans connaître leur embarcation qu’il songe à offrir des formations d’initiation.

« Il y a des gars qui arrivent et ils ne savent même pas qu’ils ont un mode ralentissement. Ils ont payé 20 000 $ pour une machine, et c’est nous qui leur disons comment elle fonctionne. »

Compétences exigées… sauf en location

Pour conduire une motomarine, il faut avoir plus de 16 ans et détenir une carte de conducteur d’embarcation de plaisance… sauf si vous la louez. Alors, aucune compétence n’est exigée par Transports Canada.

De fait, ni Location motomarine Sport Chambly ni son compétiteur, le Centre nautique Poséidon, ne demandent à leurs clients de posséder une carte de conducteur d’embarcation de plaisance – l’équivalent d’un permis de conduire nautique – avant de louer une de leurs machines.

« On leur donne un permis temporaire qui est valide pour la durée de la location », explique Félix-Antoine Laliberté, employé du Centre nautique Poséidon, en montrant le formulaire que les clients doivent signer.

La feuille contient une liste de « Règles de sécurité nautique » plutôt élémentaires, suffisantes aux yeux de Transports Canada. M. Laliberté travaille depuis trois ans au centre de location. Il confirme que malgré les mises en garde et les explications prédépart données aux clients, les motomarines reviennent régulièrement abîmées.

« Les gens essaient de s’arroser et perdent le contrôle. Des miroirs arrachés, des bouts cassés, ça arrive, oui », a dit le jeune homme avant de répondre au téléphone, qui ne dérougissait pas.