Dinu Bumbaru a une curieuse habitude. Il ne se déplace jamais sans un petit carnet à dessin et un crayon. Depuis 25 ans, cet infatigable défenseur du patrimoine montréalais griffonne ce qu’il voit, ce qu’il juge être une « montréalité ».

Le directeur des politiques d’Héritage Montréal a appris à dessiner à « la petite école ». Ses études en architecture ont fait le reste. « Quand on dessine, on reste encore un peu enfant », m’a-t-il confié vendredi dernier lors d’un entretien où il a été question de l’ouvrage Carnet d’un promeneur dans Montréal qu’il lance ces jours-ci.

Ce livre rassemble quelques dessins parmi les milliers que Dinu Bumbaru a exécutés au fil des années. Ils sont accompagnés de textes qui montrent que son auteur est sans doute l’un des plus fins et des plus passionnés observateurs de la métropole.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal

Ces carnets sont ceux d’un promeneur, mais ils sont également ceux d’un homme qui voyage beaucoup en autobus, celui de la ligne 80, notamment. Partant de la Place des Arts, ce circuit menant vers le nord offre l’échantillonnage sans doute le plus riche et le plus diversifié de Montréal.

« Revoir des lieux à bord d’un autobus, c’est un peu comme le canari dans une mine ou les enfants dans une ville, explique Dinu Bumbaru. Le canari nous avertit d’un grave danger et les enfants nous indiquent si la ville est vraiment vivable. Quand on est assis dans un autobus, on voit tout de suite si on entretient bien l’espace public. »

Dinu Bumbaru aurait pu choisir la photographie, un moyen plus techno, plus rapide, plus efficace. Mais le dessin lui permet d’arrêter le temps, de s’imprégner de ce qu’il voit. « La photographie est un art merveilleux, mais le crayon force l’écoute. Avec la photographie, on peut tout prendre. Le dessin nous force à faire des choix. »

Carnet d'un promeneur dans Montréal (extraits)
  • IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

  • Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

    Appuyez longuement pour accéder au mode plein écran

1/8
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Il y a peu de présence humaine dans les dessins de Dinu Bumbaru. L’auteur fait un parallèle avec les débuts du confinement alors que la ville était complètement coupée de ses habitants. « On est tellement centrés sur les activités, sur l’évènementiel et sur l’expérience qu’on en vient à oublier que Montréal est génial grâce à sa montréalité. Celle-ci passe par ses bâtiments, ses clochers qui s’engueulent les uns les autres, ses gratte-ciel commerciaux. Il y a un dialogue assez remarquable entre tous ces éléments. »

La pire chose qui puisse arriver à une ville est que ses habitants en viennent, avec le temps, à ne plus la regarder, à ne plus voir ses particularités. C’est ce qui arrive avec Montréal dont les habitants ont un rythme de vie de plus en plus pressé. « Pour regarder quelque chose, il faut bien regarder cette chose. Mon ancien professeur Melvin Charney aimait à dire qu’il faut rendre évident ce qui est évident. Les gens ne voient pas les évidences. »

Voir, regarder, scruter… Ces mots reviennent souvent dans la bouche de Dinu Bumbaru. Et il les utilise autant pour parler d’une perspective majestueuse que d’un salon de barbier datant des années 50.

« Je sais qu’on regarde beaucoup les trottoirs en marchant, car on ne veut pas se casser la gueule. Mais j’aimerais que les gens marchent en levant le nez. Pas en levant le nez sur Montréal, en levant le nez pour voir Montréal. Ils vont découvrir Montréal comme on découvre un arbre. »

On entend souvent parler de Dinu Bumbaru lorsqu’il est question d’un bâtiment patrimonial en péril. Mais pour lui, il faut aussi savoir défendre les panoramas de notre ville. Ceux-ci participent à l’identité montréalaise tout autant qu’à ses architectures. Comment embrasser toutes ces composantes, comment voir Montréal dans son intégralité ?

« J’inviterais les gens à passer une heure à regarder mon livre, une heure à regarder les vieux plans qui se trouvent à Bibliothèque et Archives nationales, et ensuite deux heures à se promener dehors. On ne peut pas rentrer Montréal dans une clé USB. Il faut aller dedans. »

Dinu Bumbaru fait partie de l’équipe d’Héritage Montréal depuis 1982. Je lui ai demandé s’il croyait y rester encore longtemps. « Il est important qu’Héritage Montréal ne soit pas juste Dinu Bumbaru. Nous sommes en train de développer une équipe. Je serai heureux de continuer à en faire partie. »

Avant de le quitter, je lui parle de l’état actuel de la ville. Pour toutes sortes de bonnes (ou de mauvaises) raisons, la métropole est actuellement défigurée. Elle a rarement été aussi peu attrayante. Certaines de ses plus belles rues sont devenues moches. Je pense à l’avenue du Parc-La Fontaine qui, à cause de la présence de bollards et d’innombrables panneaux, a complètement perdu son charme.

Comment le promeneur et dessinateur vit-il avec cette transfiguration ? « Disons que j’ai commencé à pratiquer ma couleur orange pour mes aquarelles, dit-il en éclatant de rire. Ça peut paraître niaiseux, mais créer de l’orange, ce n’est pas si simple que ça. Il faut trouver le bon ton. »

Carnet d’un promeneur dans Montréal
Dinu Bumbaru
Éditions La Presse