(Ottawa) Alors que les besoins en matière de logements abordables sont plus criants que jamais dans certaines villes du Québec, des dizaines de millions de dollars destinés à cette fin dorment encore dans les coffres du gouvernement fédéral parce qu’Ottawa et Québec sont incapables d’en arriver à une entente.

Cette situation est d’autant plus inacceptable, déplorent les maires des 10 grandes villes du Québec dans une lettre envoyée récemment au premier ministre Justin Trudeau et à son homologue québécois François Legault, que la crise de la COVID-19 risque de rendre encore plus difficile l’accès à des logements abordables pour de nombreuses familles.

Pis encore, le gouvernement Trudeau a réussi à conclure une entente bilatérale avec l’ensemble de neuf autres provinces au cours des deux dernières années. Mais les négociations entre Québec et Ottawa traînent en longueur depuis plus d’un an, le gouvernement Legault tenant à avoir la maîtrise d’œuvre de la planification et de la gestion des services de logement en utilisant les cadres existants, alors que le gouvernement Trudeau juge que les investissements qu’il compte effectuer dans le cadre de sa stratégie nationale sur le logement sont si importants qu’ils doivent impérativement respecter des critères nationaux.

« Nous sommes extrêmement inquiets de constater que cette entente n’est toujours pas signée. Avant la crise de la COVID-19, l’absence de signature était dérangeante. Aujourd’hui, la situation est carrément inacceptable », affirment les maires dans leur lettre aux premiers ministres.

[La situation] l’est d’autant plus que nous avons déjà dans nos communautés, chaque jour, plus de gens économiquement vulnérables et que de nombreux chantiers ont été compromis alors que nous manquions déjà d’unités de logements abordables.

Extrait d’une lettre signée par les maires des 10 grandes villes du Québec

La Presse a obtenu une copie de cette lettre, datée du 22 avril, qui se veut un véritable cri du cœur des élus municipaux. La lettre a été signée par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, le maire de Laval, Marc Demers, le maire de Québec, Régis Labeaume, et le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, qui est aussi le président du caucus des grandes villes de l’Union des municipalités du Québec.

C’est d’ailleurs la deuxième missive qu’envoie l’Union des municipalités du Québec au gouvernement Trudeau dans ce dossier en 11 mois.

Stratégie nationale ?

Lancée en 2017, la Stratégie nationale sur le logement prévoit des investissements combinés du gouvernement fédéral et des provinces de quelque 55 milliards de dollars sur une période de 10 ans afin d’améliorer l’accès à des loyers abordables. En principe, le Québec devrait obtenir l’équivalent d’environ 1,5 milliard de dollars du gouvernement fédéral.

Cette initiative vise à créer 100 000 nouveaux logements, combler les besoins en logement de 530 000 familles en plus de réparer et de renouveler plus de 300 000 logements communautaires. On vise aussi à réduire de moitié l’itinérance chronique.

Quand la stratégie nationale a été lancée, le gouvernement Trudeau s’était engagé à conclure une entente asymétrique avec le Québec. Mais il se trouve que les négociateurs d’Ottawa ont malgré tout continué d’utiliser l’entente générique qui a été acceptée par les neuf autres provinces et territoires comme point de départ des négociations. Mais pour Québec, cela est loin d’être « une base de négociation acceptable ».

« Carrément inacceptable »

Dans une entrevue accordée à La Presse mardi, le maire Maxime Pedneaud-Jobin a exhorté le gouvernement fédéral à utiliser les mécanismes existants, notamment Accès logis, afin d’accélérer la construction de logements abordables.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

La situation carrément inacceptable. C’est au moins 1,5 milliard de dollars de manque à gagner au moment où toutes les villes ont besoin de logements.

Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

« Les grandes villes comme Gatineau et Montréal sont aux prises avec une pénurie de logements qui est assez aiguë. Cela fait déjà deux ans que nous attendons cela. Cela n’a aucun sens. Il faut signer au plus vite », a dit le premier magistrat de Gatineau.

M. Pedneaud-Jobin a souligné que la crise actuelle frappe déjà de plein fouet des gens qui sont « économiquement vulnérables » et que déjà, des chantiers ont été retardés à la suite de la décision des gouvernements de mettre l’économie sur pause.

« Les projets d’habitation, ce sont des projets qui pourraient déjà contribuer à la relance économique. Et quand on parle de 1,5 milliard de dollars, ce n’est pas une petite somme. Le système actuel fonctionne. J’ignore ce que veut faire le gouvernement fédéral ou ce que veut le gouvernement du Québec, mais ce que je sais, c’est que le programme actuel fonctionne. Accès logis est un bon programme qui est connu par les partenaires, qui fait consensus sur le terrain. »

« Notre message : signez au plus vite une entente qui ne fait que mettre de l’argent dans les programmes actuels. Nul besoin de réinventer la roue ! », a lancé le maire de Gatineau.

Au bureau du ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Ahmed Hussen, on soutient que les négociations ont été ralenties en raison des efforts qu’ont dû déployer tous les gouvernements afin de contrer la propagation du nouveau coronavirus.

On soutient aussi que les canaux de communications demeurent ouverts entre Ottawa et Québec, mais on refuse d’établir un échéancier.