Si les barricades sont levées, les négociations ne sont pas terminées. Les 634 Premières Nations du Canada ont souvent fait les manchettes, au cours des dernières années. Accords pour le développement des ressources naturelles ou opposition à ces projets, problèmes sociaux divers, relations tendues avec les corps policiers, sur fond de renaissance de certaines pratiques culturelles immémoriales, notamment les 50 langues autochtones distinctes. Pour y voir plus clair, La Presse vous propose ce court portrait de certains aspects des premiers habitants du pays.

L’exemple des Cris

En 2013, la communauté crie d’Attawapiskat, sur la rive ouest de la baie James en Ontario, a fait les manchettes avec une vague de suicides, un problème de logements insalubres et d’eau potable et un blocus sur une route menant à une mine. Les médias ontariens ont immédiatement comparé cette situation avec les meilleures conditions de vie des Cris de l’autre côté de la baie, qui ont signé la Convention de la Baie James en 1977. « Nous sommes impliqué dans le développement », avait indiqué celui qui était alors grand chef du Grand conseil des Cris, Matthew Coon-Come. L’année suivante, à un symposium sur les baies James et d’Hudson à Montréal, Brian Craik, directeur des relations fédérales au Grand conseil, avait célébré les « nouvelles possibilités de développement » minier tout en expliquant l’importance de préserver la chasse et la pêche traditionnelles.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Matthew Coon-Come, ancien grand chef du Grand conseil des Cris

Les 20 ans du Nunavut

Deux fois plus de fonctionnaires inuits. Mille neuf cents logements sociaux de plus. Des augmentations faibles mais constantes du taux de diplomation et du produit intérieur brut (PIB). Et quatre nouvelles mines. Tel était le constat l’an dernier de Joe Savikataaq, premier ministre du Nunavut, dans un dossier sur les 20 ans du territoire créé en 1999 publié par la chaîne médiatique autochtone APTN. Les problèmes sociaux et de transition à une économie moderne sont toujours criants, avait conclu M. Savikataaq, mais la fierté de l’autogouvernance permet d’envisager qu’ils seront un jour en bonne voie d’être réglés. Une analyse des indicateurs du ministère fédéral des Services aux Autochtones permet de constater que les quatre régions inuits du pays (Inuvialuit au Labrador, Nunavik, Nunavut et Nunatsiavut dans l’Ouest) ont des parcours similaires depuis 40 ans, avec de très lentes améliorations en ce qui concerne l’éducation, l’emploi et le logement.

PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Assemblée législative du Nunavut, à Iqaluit

Des autochtones en faveur du développement

Depuis quelques années, un nombre croissant d’organismes autochtones font la promotion de l’exploitation des ressources naturelles. Dale Swampy, président de la Coalition nationale des chefs, a envoyé à La Presse une liste d’une quarantaine de projets miniers, hydroélectriques et d’oléoducs dont les actionnaires sont en tout ou en partie autochtones. « C’est la seule façon de sortir nos communautés de la pauvreté », affirme M. Swampy, qui dénombre 12 000 autochtones parmi les 173 000 employés du secteur des hydrocarbures au pays. M. Swampy dénonce par ailleurs l’instrumentalisation des Premières Nations par certaines ONG écologistes. La Coalition a été formée par 80 conseils de bande pour promouvoir l’exploitation des ressources naturelles.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

44 %

Pourcentage d’autochtones canadiens qui vivaient dans des réserves en 2016 Source : Statistique Canada

Les générations futures

Le jugement Delgamuukw de la Cour suprême qui a consacré l’autorité des chefs héréditaires wet’suwet’en sur leur « territoire traditionnel » n’était pas très précis en ce qui concerne les limites exactes de cette autorité et des pouvoirs des conseils de bande des réserves, selon Douglas Sanderson, un professeur de droit autochtone d’origine crie de l’Université de Toronto. « Si on le prend au sens littéral, le jugement interdit tout développement, parce qu’il dit que les usages traditionnels du territoire traditionnel doivent être conservés pour les générations futures, dit Me Sanderson. S’il y a déjà eu de la chasse à un endroit, on ne peut rien y construire qui entraverait la chasse. Même pas un hôtel de tourisme écoresponsable. La même approche de geler toute possibilité de développement a aussi été retenue dans l’autre jugement similaire, pour la Première Nation tsilhquot’in en Colombie-Britannique. La seule manière de permettre aux Wet’suwet’en qui le désireraient de développer leur territoire serait de céder leur territoire à la Couronne, un peu comme ç’a été fait en pratique par les Nisga’a en 1998. » Ce dernier traité est comparable à celui qui permet le développement du Grand Nord conjointement avec les Cris, selon Me Sanderson.

Au fil du temps

1701 : Grande Paix de Montréal, traité entre autochtones et la Nouvelle-France

1830 : Premières réserves autochtones dans la colonie britannique de Nouvelle-Écosse

1871 : Une douzaine de « traités numérotés » avec des autochtones établissent l’autorité de la Couronne sur la grande partie du futur territoire canadien, sauf la Colombie-Britannique et l’Arctique

1885 : La Loi sur les Indiens est amendée pour interdire les cérémonies traditionnelles, puis en 1914 pour limiter le port des habits traditionnels

1920 : Premières élections dans les conseils de bande dans les années 20

1968 : Élection du premier autochtone au Parlement fédéral, Len Marchand, à Kamloops. Il était de la Première Nation Okanagan.

1973 : Première reconnaissance par la Cour suprême de la validité des revendications territoriales autochtones

Sources : L’Encyclopédie canadienne, Université de Calgary

Cinq jugements marquants

Voici cinq des jugements les plus marquants de la Cour suprême du Canada quant au droit des autochtones, selon Alan Hanna, professeur de droit autochtone de l’Université de Victoria.

1973

L’arrêt Calder reconnaît que la plupart des autochtones de Colombie-Britannique ont des revendications territoriales légitimes parce qu’ils n’ont jamais signé de traité avec les Britanniques ou le Canada ; ce jugement de la Cour suprême renforce les revendications ailleurs au pays.

1984

L’arrêt Guérin, qui porte sur des terres autochtones louées à rabais à un club de golf de Vancouver, oblige le gouvernement fédéral à considérer avant tout l’intérêt des Premières Nations.

1990

L’arrêt Sparrow, qui porte sur une histoire de pêche autochtone en Colombie-Britannique, fournit un test permettant de déterminer si un droit historique autochtone a toujours cours.

1997

L’arrêt Delgamuukw reconnaît pour la première fois un territoire traditionnel autochtone et l’autorité des chefs héréditaires sur ce territoire ; ce jugement portant sur les Premières Nations Gitxsan et Wet’suwet’en en Colombie-Britannique s’appuie sur un test culturel établi l’année précédente par l’arrêt Van der Peet.

2014

L’arrêt Tsilhqot’in applique l’arrêt Delgammukw pour une autre Première Nation de Colombie-Britannique.