(Téhéran) Téhéran a promis lundi la transparence sur le nouveau coronavirus en Iran, démentant catégoriquement que l’épidémie ait pu faire une cinquantaine de morts, comme l’affirme un député ultraconservateur accusant le gouvernement du président modéré Hassan Rohani de « mentir au peuple ».

Les autorités ont annoncé lundi la mort de quatre nouvelles personnes infectées par le virus COVID-19 en Iran. Ces décès portent à 12 le nombre de personnes tuées en Iran par l’épidémie de pneumonie virale, sur un total de 61 personnes contaminées, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé.

PHOTO ATTA KENARE, AFP

Des Iraniennes dans un quartier commercial de Téhéran ce matin.

Ce bilan place l’Iran au premier rang des pays touchés par la maladie en dehors de Chine, d’où est parti le virus et où l’on recense presque 2600 morts.

Ahmad Amirabadi Farahani, élu de Qom – où ont été annoncés, le 19 février, les premiers cas et décès liés au nouveau coronavirus – avait indiqué que le nombre de morts s’élevait dimanche soir à « environ 50 personnes » pour cette ville sainte à 150 km au sud de Téhéran et dont la province est la plus touchée.

« Je nie catégoriquement cette information », a réagi le vice-ministre de la Santé, Iraj Harirtchi.

« Nous annoncerons tout chiffre concernant le nombre de morts sur l’ensemble du pays », a pour sa part promis le porte-parole du gouvernement Ali Rabii.

L’agence Ilna, proche des réformateurs, a été la première à publier les accusations du député Farahani. « Nous préférons ne pas censurer ce qui concerne le coronavirus, car la vie des gens est en danger », a déclaré à l’AFP Fatemeh Mahdiani, rédactrice en chef d’Ilna.

Annonce tardive ?

L’agence Fars, proche des ultraconservateurs, a par la suite nuancé les propos du député Farahani, rapportant que l’élu de Qom avait parlé d’un bilan « inférieur à 50 » morts dans sa ville. « Malheureusement, le coronavirus est arrivé à Qom depuis trois semaines et cela a été annoncé (trop) tard », a-t-elle ajouté en citant le député.

Après la province de Qom, où 34 cas de contamination ont été recensés, suivent celles de Téhéran avec 13 cas, Gilan (nord, 6 cas), Markazi (centre, 4 cas), Ispahan (centre, 2 cas), et les provinces de Hamédan (ouest) et Mazandaran (nord), avec un cas chacune, selon le ministère de la Santé.

Hormis pour les deux premiers décès à Qom, les autorités ne précisent plus le lieu des nouveaux cas mortels.

« La télévision nous donne des chiffres, mais quand on va dans les hôpitaux on voit autre chose. Le nombre de morts (du virus) est bien supérieur », affirme Elahe Zarabi, une femme de 56 faisant des courses à Téhéran.

Choaib, employé dans une pharmacie âgé de 24 ans, explique qu’ils n’ont presque plus de stocks de masques. Ils en vendaient 500 par jour et aujourd’hui ils en vendent 10 000 par jour.

« Les dirigeants disent que les musulmans sont protégés grâce à leur foi », dit-il. « Comment envisagent-ils de mettre une énorme ville comme Téhéran en quarantaine, s’ils ne sont même pas capables de le faire pour un hôpital ».

Mais tout n’est pas sombre : une vidéo devenue virale montre des jeunes gens se saluant en tapant des pieds au lieu de le faire en se serrant la main, par mesure de précaution pour se protéger d’une infection potentielle.

Inquiets de la multiplication des infections en Iran, l’Arménie, la Turquie, la Jordanie, le Pakistan et l’Afghanistan ont fermé dimanche leur frontière ou restreint les échanges avec ce pays.

Commerçant ou clandestins ?

Lundi, le Koweït, Bahreïn et Oman ont annoncé avoir détecté leurs premiers cas de personnes infectées par le nouveau coronavirus, précisant qu’elles revenaient d’Iran, pays riverain situé sur la rive opposée du Golfe. Oman a en outre annoncé la suspension de ses vols avec l’Iran.

Le ministère de la Santé de Koweït a précisé que trois personnes revenant de Machhad, la deuxième ville d’Iran et centre de pèlerinage chiite, avaient été testées positives au virus.  

De son côté, l’Irak a annoncé son premier cas de contamination, un étudiant en religion iranien dans la ville chiite de Najaf.

Le porte-parole du bureau du Parlement iranien, Assadollah Abbassi, a déclaré que le ministre de la Santé, Saïd Namaki, avait pointé, comme « cause de l’infection au coronavirus en Iran », « des personnes entrées illégalement depuis le Pakistan, l’Afghanistan et la Chine », selon Isna.

La veille, le ministre avait pourtant déclaré que l’un des décès à Qom était celui d’« un commerçant (local) ayant effectué plusieurs voyages en Chine ».

Les vols entre l’Iran et la Chine ont été suspendus, a-t-il affirmé assurant toutefois que le commerçant de Qom n’avait pas pris de vol direct.

La compagnie iranienne Mahan Air a de son côté dit avoir stoppé ses vols pour la Chine en février, sauf dans huit occasions, notamment pour le retour d’Iraniens sous la supervision du ministère de la Santé.