Les manifestants qui bloquaient les voies ferrées à Saint-Lambert ont quitté l’endroit vers 22 h, après une courte déclaration appelant à bloquer « ports, ponts, routes et rails ». Un deuxième groupe de protestataires a aussi quitté les lieux.

Les barricades et divers effets sont restés sur place. Les manifestants ont quitté le campement improvisé après une courte déclaration, sans répondre aux questions des médias. « Peu importe si la police coloniale déloge avec mépris cette barricade, d’autres surgiront », a dit un homme au visage couvert.

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Une pelle mécanique s'est déplacée sur place pour ramasser les détritus laissés par les manifestants.

La tension avait monté d’un cran en soirée avec l’arrivée d’un groupe de quelques dizaines de protestataires.

« Tout le monde déteste la police », « anti-impérialisme », avait notamment scandé ce nouveau groupe de manifestants. On distinguait des drapeaux des Jeunes Socialistes pour le Pouvoir Populaire dans la foule. Le groupe Montréal Antifasciste avait lancé une invitation à rejoindre le campement pour 20 h 45.

La situation semblait calme avant leur arrivée. Les manifestants avaient commencé à transporter des sacs de provisions à l’extérieur du campement. Les tentes ont été défaites. Les échanges avec la police s’étaient déroulés dans le calme, selon les constatations de La Presse.

La police de Longueuil a fermé à la circulation la rue Saint-Georges, entre les rues Saint-Gérald et Upper Edison à Saint-Lambert, afin d’assurer la sécurité des citoyens ainsi que celle des manifestants qui circulent dans le secteur en fin d’après-midi.

Les policiers du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) et ceux du CN étaient sur place.

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Certains manifestants ont quitté le campement alors que le soleil se couchait.

Les agents du SPAL étaient sortis de leurs véhicules à 13 h 20 pour s’adresser à la quarantaine de jeunes manifestants. La négociation a duré près de 30 minutes, sans que la situation évolue. Les policiers ont refusé de préciser quoi que ce soit aux médias.

Pendant ce temps, au palais de justice de Montréal, les discussions se poursuivent. Vendredi matin, le Canadien National avait demandé une deuxième injonction pour forcer les policiers à appliquer la première injonction, obtenue jeudi. Cette demande a finalement été retirée par l’avocat du CN en début d’après-midi, puisque la police accepte d’appliquer la première injonction.

À Saint-Lambert, la tension est montée d’un cran plus tôt vendredi matin quand un homme en colère est venu confronter les manifestants.

« Réveillez-vous ! Ils bloquent notre économie. [...] J’ai de la misère à payer mon loyer et eux restent là à rien faire. [...] Ils n’expliquent même pas pourquoi ils sont là », a-t-il crié, le poing levé. Il s’est ensuite lancé dans un discours ponctué de jurons et parfois décousu. Il a même tenté de s’approcher des installations des protestataires. Ces derniers sont restés silencieux, tentant d’empêcher l’homme de traverser la corde qui délimite leur campement.

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Un homme est venu confronter les manifestants et a tenté de défaire leurs cordes.

Brent Walsh comprend les soucis écologiques des opposants au gazoduc, dit-il. Il comprend moins pourquoi ils choisissent d’empêcher les usagers du train de banlieue d’aller travailler et de miner l’économie canadienne. « Je discutais avec un infirmier aujourd’hui qui pleurait. Il ne peut pas aller travailler. C’est assez, sortez-les. »

Pour ce résidant de Saint-Lambert, les opposants présents sur le chemin de fer aujourd’hui ne rendront pas leur cause populaire avec de tels actes.

« C’est toujours les gens ordinaires qui écopent de ces manifestations », se désole Denis Bisson, propriétaire de la compagnie l’Ardoisière située dans les Laurentides.

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Denis Bisson, propriétaire de la compagnie l’Ardoisière, est venu exprimer son désarroi aux manifestants.

Le blocage affecte son entreprise. L’absence de trains l’obligerait à débourser 4800 $, soit quatre fois le prix habituel, afin de transporter la matière première en avion, clame-t-il. « C’est du terrorisme économique, on prend les gens en otage. »

Pancarte à la main, il est venu exprimer son désarroi aux manifestants, qui sont restés muets. Certains réchauffaient leurs mains glacées près du feu, alors que d’autres sirotaient des chocolats chauds.

Depuis jeudi soir, la présence des militants s’est beaucoup réduite. Refroidis par la température peu clémente, ils sont passés d’une trentaine à une dizaine. Plus tard dans l’après-midi, plus de gens se sont joints au rassemblement.

Qui sont les manifestants ? Le peu d’entre eux qui ont voulu s’adresser à La Presse vendredi matin sont des étudiants. Sont-ils autochtones ? « Non, on agit en soutien avec les gens de Kahnawake et la communauté Wet’suwet’en. »

S’ils affirment bloquer les voies ferrées en appui aux membres de la communauté Wet’suwet’en qui contestent le passage de l’oléoduc Coastal GasLink sur leur territoire, ce sont des discours à la portée plus large qui résonnaient au petit matin, vendredi. « Fuck le colonialisme », « Shut down KKKanada », et « Solidarité avec les Wet’suwet’en », pouvait-on lire près du campement de fortune érigé depuis jeudi, où les journalistes ne sont guère les bienvenus.

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Une manifestante tente d’empêcher le photographe de La Presse de prendre des photos des lieux.

Les manifestants s’abstiennent de commentaires, car ils ont peur d’être interprétés de la mauvaise façon par les médias, ont expliqué certains opposants en début d’avant-midi.

Henri-François Girard, un jeune homme natif de Saint-Lambert, s’est joint au groupe pour des raisons écologiques. Le gazoduc, selon lui, aura des répercussions néfastes sur l’environnement. « Nous sommes des gens pacifiques. Personnellement, je vais quitter si un policier se présente ici et me demande de partir », a-t-il ajouté.

Jeudi vers 19 h, un huissier, accompagné de policiers du CN et du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) a remis les copies papiers de l’injonction aux manifestants. Ils avaient alors affirmé qu’ils prendraient connaissance des documents, avant de demander aux médias de s’éloigner.

Aucune intervention policière imminente n’est prévue pour le moment, malgré la présence de quelques voitures du SPAL aux alentours. Le transport sur la ligne exo3 demeure interrompu jusqu’à nouvel ordre.

Les manifestants ont annoncé un point de presse à 22 h.

Legault s’en remet aux policiers

« Une injonction doit être respectée, rapidement. Maintenant c’est aux policiers à décider comment intervenir », a déclaré le premier ministre François Legault vendredi matin à Montréal. Il n’a toutefois pas voulu dire si les barricades seraient démantelées vendredi, ni même durant la fin de semaine. « Je ne veux pas être celui qui dit aux policiers quand et comment faire ça », a-t-il indiqué en point de presse en marge d’une annonce économique au Musée Pointe-à-Callière.

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François Legault

Les policiers de Longueuil et de la Sûreté du Québec « sont en train de décider ensemble comment ils vont intervenir », a-t-il précisé, en déconseillant aux résidants de les devancer.

« Je peux comprendre que des citoyens soient un peu fâchés, que des individus perdent leur emploi au Québec à cause de ces barricades, mais je demande aux citoyens d’être prudents et de laisser les policiers faire leur travail. »

Les pertes financières occasionnées par ce blocage des rails avoisinent la centaine de millions de dollars par jour, a estimé le premier ministre en évoquant les mises à pied au CN et dans des entreprises manufacturières, ainsi que la congestion du Port de Montréal.

« Est-ce que les bateaux vont aller décharger leur marchandise dans les ports de l’Est américain au lieu de venir à Montréal ? C’est pas bon pour l’économie, ce sont des dommages importants », a-t-il fait valoir.

« Nous continuons à collaborer avec les autorités policières locales afin de faire respecter cette injonction », a indiqué pour sa part le directeur principal des affaires publiques du CN, Olivier Quenneville.

– Avec Véronique Lauzon, Ariane Krol et Janie Gosselin