Ce sont désormais 32 passagers canadiens du Diamond Princess qui sont porteurs du coronavirus, selon ce qu’a rapporté Ottawa dans un communiqué publié lundi soir. 

Alors que le nombre de croisiéristes infectés continue de grimper, l’avion nolisé par le gouvernement fédéral devrait se poser à Tokyo mardi matin, heure de Montréal, pour rapatrier les ressortissants qui ont échappé à la contagion.

Au total, 256 Canadiens voyageaient à bord du navire. Seront rapatriés uniquement ceux qui n’ont pas été infectés. De nouvelles évaluations médicales seront nécessaires avant le décollage. L’embarquement est prévu mardi, a annoncé le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne.

Une fois de retour au pays, les Canadiens seront évalués une nouvelle fois à la base aérienne de Trenton, puis déplacés en quarantaine pour une durée de 14 jours à Cornwall.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Bernard et Diane Ménard

Parmi les Canadiens infectés se trouvent les Québécois Bernard et Diane Ménard, alités depuis deux jours dans un hôpital militaire japonais, le Japan Self-Defense Forces Hospital. Ceux-ci ont contracté le coronavirus alors qu’ils étaient en quarantaine sur le Diamond Princess.

« Ils vont très mal. Ils pleurent à longueur de journée. Ma mère fait une grave dépression », a raconté à La Presse leur fille, Chantal Ménard. Les médecins qui s’occupent de leur cas les rencontrent une fois par jour et il leur est impossible de communiquer à cause de la barrière de la langue, a rapporté Mme Ménard.

En matinée lundi, le ministre Champagne est entré en communication avec le couple. « J’ai pu m’entretenir avec Monsieur et Madame Ménard au Japon ce matin. Nous continuons de suivre la situation de près et nous resterons en contact pendant cette période difficile », a-t-il écrit sur Twitter.

Bernard Ménard est atteint d’une pneumonie légère. Ses enfants demandent depuis des jours au gouvernement canadien de le rapatrier avec leur mère, mais cela restera impossible tant et aussi longtemps qu’ils portent le coronavirus.

« Mon père a dit qu’il allait mourir, a déclaré Chantal Ménard. Il a dit ça devant toute notre famille ce soir. Il nous a dit qu’il n’était plus capable d’endurer la situation une journée de plus. »

Un casse-tête pour les autorités

La gestion des passagers de deux bateaux de croisière touchés par la crise du coronavirus demeure un casse-tête pour les autorités de plusieurs pays qui cherchent, dans l’urgence, la meilleure marche à suivre pour venir en aide à leurs ressortissants tout en minimisant les risques de propagation.

Les États-Unis ont terminé lundi l’évacuation de 300 citoyens du Diamond Princess. Cependant, malgré des mesures sanitaires importantes, 14 passagers américains qui ont pris l’avion pour regagner leur pays sont porteurs du virus, selon le Washington Post.

Leur arrivée au pays a fait doubler le nombre de personnes infectées sur le sol américain, portant le chiffre à 29.

Les personnes évacuées ont été acheminées vers des bases militaires au Texas et en Californie, où elles devront subir une nouvelle quarantaine de 14 jours après avoir été confinées dans leurs cabines pendant près de deux semaines.

D’autres pays ont annoncé leur volonté d’évacuer leurs ressortissants du bateau, qui a confirmé lundi 99 cas de contamination additionnels, faisant passer le total à 454 parmi les 3700 passagers et membres d’équipage.

Lenteur des autorités ?

La Dre Anne Gatignol, professeure de microbiologie à l’Université McGill, estime que les autorités n’ont pas le choix d’imposer une nouvelle période d’isolement aux Canadiens qui reviennent au pays après avoir séjourné sur le bateau.

Les exploitants du Diamond Princess ont tenté, sur ordre des autorités japonaises, de faire la quarantaine à bord, mais le nombre de cas confirmés de contamination démontre clairement que cela n’a pas fonctionné.

La chercheuse pense que la circulation même limitée des passagers, les contacts avec le personnel lors de la distribution des repas ou la circulation d’air vicié ont pu contribuer à la détérioration de la situation.

Les autorités, souligne la Dre Gatignol, auraient « peut-être dû » envisager plus rapidement de procéder à des rapatriements comme ce fut le cas pour les gens pris à Wuhan, épicentre de la crise.

Le gouvernement japonais aurait pu décider initialement de mettre les gens en quarantaine sur la terre ferme, mais il aurait fallu de vastes infrastructures en raison du nombre élevé de passagers, relève la spécialiste.

Inquiétude pour le MS Westerdam

Le sort des passagers du MS Westerdam, un autre imposant navire de croisière qui avait accosté à la fin de la semaine dernière à Sihanoukville, au Cambodge, suscite aussi de vives préoccupations.

Les autorités locales avaient accueilli le navire et permis le débarquement de plus de 1000 passagers jeudi après qu’il a été refoulé par quatre pays craignant la présence à bord de personnes porteuses du coronavirus.

Le scénario a pris une tournure problématique lorsqu’une femme ayant quitté le bateau a été interceptée samedi dans un aéroport de Malaisie avec des symptômes de fièvre et qu’un test a confirmé la présence du virus.

La firme propriétaire du bateau, Holland America, a indiqué que des efforts étaient en cours pour retrouver les passagers retournés à terre afin de les aviser des risques et de la marche à suivre pour éviter la propagation du coronavirus.

Selon la Dre Gatignol, le scénario paraît extrêmement problématique puisque la plupart d’entre eux sont repartis vers leur pays respectif à bord d’avions sans savoir qu’ils pouvaient constituer un risque.

« Beaucoup de personnes peuvent avoir été contaminées », relève la spécialiste, qui se serait attendue à ce que les exploitants du bateau fassent preuve de plus de prudence avant de permettre un débarquement.

Selon un communiqué de Holland America, une vingtaine de passagers parmi les 1455 présents avaient présenté des symptômes suspects et été testés, négativement, pour le coronavirus. Des contrôles de température ont été pratiqués sur les autres.

« Tous les navires de croisière devraient redoubler de prudence, surtout s’ils ont circulé en Asie », dit la Dre Gatignol.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué lundi qu’il n’y avait pas lieu d’envisager de restrictions sur les croisières à la lumière des difficultés rencontrées avec le Diamond Princess et le MS Westerdam.

Le Dr Michael Ryan, directeur des urgences sanitaires de l’organisation, a souligné que le nombre de cas à l’extérieur de la Chine demeurait « très, très petit  » et ne justifiait pas de mesures draconiennes dans ce domaine.

« Si on interrompt toutes les croisières sous prétexte qu’il y a un risque de contact avec un agent pathogène, où s’arrêtera-t-on  ? », a-t-il demandé après avoir relevé que le « risque zéro » n’existe pas.

La vaste majorité des 71 500 cas de coronavirus recensés depuis le début de la crise, et la quasi-totalité des 1800 morts, sont survenus en Chine. Environ 900 cas ont été relevés dans une trentaine de pays.