Quand j’ai entendu parler de cette idée de transformer des locaux commerciaux de la rue Saint-Denis en appartements de type Airbnb, j’avoue que j’ai sauté au plafond. Quoi ? On n’a rien trouvé de mieux pour « redynamiser » cette artère (entre Roy et Gilford) que de favoriser l’hébergement touristique ?

Les gens qui louent des appartements sur Airbnb le font parce qu’ils peuvent jouir d’une certaine autonomie. Ils peuvent cuisiner et faire la fête en toute liberté sans avoir à rendre de comptes à un personnel hôtelier. Les propriétaires de restaurants et de bars de la rue Saint-Denis pourront-ils compter sur la présence de ces touristes temporaires et indépendants pour faire rouler leurs affaires ?

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

La rue Saint-Denis, en janvier 2017

La directrice de la Société de développement commercial (SDC) rue Saint-Denis, Kriss Naveteur, a pris le temps de m’expliquer les bases de ce concept. Ce tronçon grouillant, où le taux de locaux vacants est passé de 23 à 19 % au cours des 12 derniers mois, est en grande partie composé de triplex. Ceux-ci sont la plupart du temps constitués d’un commerce situé au demi-sous-sol ou au rez-de-chaussée, d’un second commerce au premier étage et d’un appartement au deuxième étage.

S’il conserve un local commercial et un logement locatif privé, un propriétaire aura maintenant le droit de transformer son second local commercial (le demi-sous-sol ou le rez-de-chaussée) en hébergement touristique ou résidentiel.

Cette formule peut prendre d’autres formes. Par exemple, la société immobilière MTRPL, nouvelle propriétaire de l’ancienne boutique Mexx (angle Rachel et Saint-Denis), a décidé de transformer l’étage supérieur de ce magnifique édifice (une ancienne banque) en hôtel-appartements de type Airbnb.

Je veux rassurer tout le monde, nous avons ciblé une dizaine de sous-sols qui peuvent être transformés en Airbnb. L’idée n’est pas de faire de la rue Saint-Denis une artère hôtelière.

Kriss Naveteur, directrice de la SDC rue Saint-Denis

Actuellement, 10 % des locaux commerciaux de la rue Saint-Denis ont une vocation d’hébergement touristique. Dans le Plateau-Mont-Royal, deux artères peuvent accueillir des appartements de type Airbnb : Saint-Denis et Saint-Laurent.

Tout en permettant la création d’appartements de type Airbnb, le Plateau-Mont-Royal vient encadrer leur implantation en les circonscrivant. C’est aussi le cas de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie qui, lundi soir, a adopté un projet de règlement confinant l’implantation des résidences de tourisme à la zone commerciale de la Plaza Saint-Hubert.

C’est une bonne chose !

Ces initiatives surviennent alors que Québec s’apprête à appliquer des règles strictes sur les appartements loués à la manière d’Airbnb. On veut ainsi mettre fin aux propriétaires qui agissent illégalement. On veut aussi lutter contre ces entreprises qui louent massivement des appartements (plusieurs dizaines à la fois) sur Airbnb.

C’est une autre bonne chose !

J’ai voulu connaître la réaction de l’industrie hôtelière de Montréal à ce sujet. D’abord, on applaudit l’intervention de Québec. Et on affiche peu d’inquiétude face à l’ouverture qu’offre un arrondissement comme le Plateau-Mont-Royal.

« C’est sûr que la question de la location à court terme est une préoccupation constante chez nos membres, m’a dit Ève Paré, présidente-directrice générale de l’Association des hôtels du Grand Montréal. Mais grâce au resserrement des règles et à l’encadrement qu’on promet de faire, je m’attends à une diminution du nombre d’offres en ligne. Les amendes vont être salées et les conséquences seront drôlement plus graves. »

En effet, le nouveau Règlement sur les établissements d’hébergement touristique prévoit que les inspecteurs donneront un premier avertissement à ceux qui ne sont pas en règle. 

Mais en cas de récidive, les fautifs recevront une amende pouvant aller jusqu’à 25 000 $. 

Pour être en règle, les propriétaires doivent s’enregistrer auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ).

Le plan de relance de la SDC rue Saint-Denis aura également un impact sur les bars. Ceux-ci pourront coexister à une distance de 50 mètres plutôt que 150 mètres. Mais la meilleure mesure demeure, à mon avis, celle d’interdire l’ajout de nouveaux commerces dans certaines rues résidentielles aux alentours de la rue Saint-Denis. À la prolifération d’artères commerciales à Montréal au cours des dernières années s’ajoute le problème de l’éparpillement.

Il faut absolument circonscrire l’activité commerciale de Montréal sur certaines artères. À une époque où le numérique porte un coup dur aux petits commerces, quel que soit leur caractère, la métropole n’a plus les moyens de faire vivre autant de rues ou de zones commerciales. Il est temps que l’on comprenne cela et que l’on travaille en fonction de cela.

Il y a deux ans, je ne donnais pas cher de la rue Saint-Denis. Mais le plan de relance créé par l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, la SDC rue Saint-Denis et les divers acteurs me donne espoir de voir cette artère revivre. Et de voir enfin disparaître les désolantes pancartes « À louer ».

La rue Saint-Denis ne sera pas comme elle l’a déjà été. Elle ne sera pas tout à fait comme on voudrait qu’elle soit. Elle sera comme le XXIsiècle lui dit qu’elle doit être.