L’oratoire Saint-Joseph a un nouveau recteur… américain. Aucun frère de Sainte-Croix au Québec ne pouvait se charger de ce haut lieu du catholicisme montréalais, parce que seule une demi-douzaine de la centaine de membres au Québec ont moins de 70 ans. Michael Delaney est polyglotte et s’est mis au français dès son arrivée à l’Oratoire, en mars. Il a pu donner une entrevue en français à La Presse.

Étiez-vous surpris d’être nommé à l’Oratoire ?

Dans un sens, oui. Mon travail en Amérique du Sud était très intéressant et très important, alors quand on m’a approché en 2018, j’étais sûr qu’on trouverait quelqu’un d’autre. Une recherche avait été faite dans la province du Québec des frères de Sainte-Croix, puis élargie aux autres provinces de l’ordre. Après qu’ils ont parlé avec moi, ils me voulaient comme recteur de l’Oratoire.

Vous étiez auparavant établi au Chili et responsable de projets éducatifs dans ce pays, au Brésil et au Pérou. N’est-ce pas une descente sur le plan hiérarchique que de s’occuper d’un seul sanctuaire ?

J’avais aussi quelques projets en Haïti. Non, pas du tout, parce que l’Oratoire est l’un des deux seuls ministères patrimoniaux de la congrégation, avec l’église de notre fondateur au Mans, en France.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

L’oratoire Saint-Joseph, sur le mont Royal, à Montréal

Vous êtes polyglotte.

Je peux communiquer en six langues : l’anglais, l’espagnol, le portugais, l’italien, aussi un peu l’allemand et maintenant le français. J’avais appris le français dans ma jeunesse, mais je ne pouvais que le lire.

Votre expérience latino-américaine vous aidera-t-elle à servir les catholiques montréalais pratiquants, qui sont de plus en plus issus de l’immigration ?

Je fais la messe en espagnol à l’Oratoire et je vois beaucoup de familles. Avant la pandémie, il y avait de 60 à 100 personnes à chaque messe. Dans les messes en français, il y a beaucoup de fidèles issus de l’immigration, Haïti, le Sénégal, le Cameroun. En anglais aussi ; aujourd’hui à la messe, parmi les 25 personnes, il y avait probablement 10 pays d’immigration. Je crois que peut-être, chez les Québécois dont la famille est ici depuis la Nouvelle-France, la vie catholique est peut-être moins sacramentelle, mais je suis convaincu que l’action sociale de l’Église, son engagement, est importante pour les Québécois et pour les jeunes. Je pense que l’action sociale, au service des pauvres par exemple, est une avenue à privilégier pour accompagner les familles et les jeunes dans leur foi. Et en plus, il est important pour l’Église d’aider les pauvres.

Est-ce que l’action sociale de l’Église pourrait être une manière de faire la « nouvelle évangélisation » de l’Occident proposée par le pape François ?

Oui, si on offre toujours l’invitation de participer aux projets sociaux de l’Église, d’aider avec nous les personnes vulnérables et les pauvres, peut-être qu’un jour, les Québécois vont répondre. Je veux que les gens sachent que tout le monde est invité, que nos portes sont ouvertes, que nous accueillerons avec plaisir ceux qui voudront participer à notre action sociale.

Y a-t-il de la relève chez les frères de Sainte-Croix au Québec ?

Actuellement, il y a 100 frères dans notre province du Québec, dont fait partie l’Acadie. De ce nombre, de 12 à 15 proviennent d’autres pays, surtout Haïti, le Bangladesh et l’Inde. À notre maison de formation à Saint-Laurent, qui existe depuis 1857, il y a six candidats, dont quatre du Bangladesh, un d’Haïti et un Franco-Manitobain.

Étiez-vous déjà venu à l’Oratoire ?

Je suis né il y a 62 ans dans l’État de New York, à quatre heures de voiture d’ici. À la fin des années 60, mes parents m’avaient amené voir Expo 67, et on avait été voir l’Oratoire. Le jour de mon installation, le 22 novembre, mon oncle m’a envoyé une photo de mes grands-parents devant l’Oratoire, prise il y a 80 ans. L’un de mes oncles avait eu la polio et un autre ait été blessé à la guerre. Mes grands-parents ont prié le frère André pour qu’ils guérissent.