Le personnel de la DPJ doit absolument faire l’objet « d’enquêtes de sécurité élargies », a dit lundi en entrevue avec La Presse Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. Il se montre très surpris qu’une cadre en protection de la jeunesse ait pu cacher qu’elle était en couple avec un membre du crime organisé.

En fin de semaine, La Presse a révélé les liens conjugaux entre cette cadre de la DPJ et Frantz Louis, assassiné le 19 novembre à Montréal et soupçonné d’avoir exécuté des contrats pour un membre influent de la mafia montréalaise.

Interrogée à ce propos par Paul Arcand lundi matin, Assunta Gallo, directrice de la protection de la jeunesse du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, s’est dite « bouleversée », tout en soutenant qu’il était impossible de faire plus que de vérifier les seuls antécédents judiciaires de l’employé ou d’un candidat à un poste. Impossible, a-t-elle dit, « d’aller fouiller dans la vie familiale » des employés, qui, a-t-elle dit, ont droit à leur vie privée.

« On ne pose pas de questions sur le conjoint ni les enfants ni les nièces et les neveux », a-t-elle illustré, ajoutant qu’il revient aux employés de divulguer tout potentiel conflit d’intérêts.

En entrevue, Lionel Carmant, ministre responsable de la DPJ, a dit le contraire.

J’ai moi-même été l’objet d’une enquête élargie par la Sécurité publique, tout comme les membres de mon cabinet.

Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Le ministre Carmant ignorait que cela ne se faisait pas pour des postes « aussi critiques qu’en protection de la jeunesse où l’information est particulièrement sensible ».

De fait, lors de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, il a été question du recrutement de jeunes qui se faisait fréquemment dans les centres jeunesse.

Le ministre Carmant a aussi indiqué, à titre d’exemple, qu’à son ministère, des enquêtes serrées devraient aussi être menées dès qu’un employé gravite autour du très confidentiel dossier numérique des patients.

Le ministre Carmant a souligné qu’avec la refonte de la loi sur la DPJ — qui suivra de peu le dépôt du rapport Laurent, attendu en avril —, la question des enquêtes de sécurité pourra être revue.

Des « cotes de sécurité » très répandues ailleurs

Des fonctionnaires provinciaux et fédéraux font déjà l’objet d’enquêtes très serrées et doivent obtenir une « cote de sécurité ». C’est le cas par exemple d’employés de Postes Canada, de ceux qui travaillent en impôts et à plus forte raison de maints employés qui travaillent sur des enjeux de sécurité.

Selon la nature de l’emploi convoité, le candidat à un poste pourra se voir demander quantité de renseignements personnels. De nombreux postulants doivent ainsi divulguer l’identité de leur conjoint actuel et même de leurs conjoints des cinq dernières années.

Les parents, la belle-famille, les frères et sœurs, les enfants de plusieurs postulants et la famille des ex-conjoints doivent souvent aussi être identifiés avant l’embauche pour que les antécédents de chacun soient vérifiés.

En attendant la loi sur la DPJ

Au sujet des améliorations à venir à la DPJ, le ministre Carmant a fait savoir que certains dossiers avançaient particulièrement bien, dont l’avis de grossesse obligatoire qui vise à dépister d’emblée les femmes vulnérables.

Le ministre Carmant dit aussi avoir demandé que « des évaluations soient faites à l’intérieur de 30 jours [par la DPJ] quand des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie » sont en cause dans des familles.

Il explique avoir aussi demandé qu’un enfant en protection de la jeunesse ayant besoin des services d’un professionnel (psychologue, psychiatre, orthophoniste) soit aussi aidé dans les 30 jours. « Ce n’est pas nécessairement d’une travailleuse sociale que l’enfant a besoin », a-t-il fait observer.

Il ne cache pas, cependant, « le gros défi de ressources humaines » que cela représente.

Le ministre Carmant note qu’il a été plus facile de trouver des mentors pour les travailleurs sociaux qui ont besoin de soutien clinique dans leur évaluation des dossiers.

À la commission Laurent, il a été évoqué que ce sont souvent des jeunes employés inexpérimentés et insuffisamment outillés qui se retrouvent en première ligne dans des dossiers familiaux particulièrement compliqués.