(Toronto) Le site de pornographie Pornhub, établi à Montréal, rejette les allégations selon lesquelles il permettrait la diffusion de vidéos de pornographie juvénile.

« Toute affirmation voulant que nous autorisions (cela) est irresponsable et manifestement fausse », a déclaré vendredi l’entreprise, une filiale de Mindgeek, dans un courriel.

« Nous avons une tolérance zéro pour les contenus d’agressions sexuelles envers des enfants. Pornhub est résolument engagé dans la lutte contre (ces contenus) et a institué une politique de confiance et de sécurité de pointe pour identifier et éliminer les contenus illégaux de notre communauté. »

L’entreprise dit avoir recours à de nombreuses mesures pour empêcher la diffusion de tels contenus sur sa plateforme, notamment « une vaste équipe » de modérateurs humains pour examiner individuellement chaque téléchargement et supprimer le matériel illégal, ainsi que des technologies de détection automatisée.

« Éliminer les contenus illégaux et débarrasser internet des contenus d’agressions sexuelles envers des enfants est l’un des problèmes les plus cruciaux auxquels sont confrontées les plateformes en ligne aujourd’hui, et cela nécessite l’engagement sans faille et l’action collective de toutes les parties. »

Pornhub a fait cette déclaration après la parution d’un article dans le New York Times, qui affirme avoir examiné le populaire site pornographique attirant des milliards de visites par mois. On y trouverait des vidéos montrant des viols et l’exploitation sexuelle d’enfants.

L’article comprend des commentaires de diverses personnes dont la vie a été ruinée après que des images d’elles nues alors qu’elles étaient mineures ont été publiées à leur insu sur Pornhub.

Le journaliste Nicholas Kristof, lauréat de deux prix Pulitzer, s’est demandé dans l’article comment le premier ministre Justin Trudeau, qui se dit féministe, peut accepter que le Canada héberge une entreprise « qui inflige des vidéos de viol au monde ».

Les gouvernements interpellés

M. Trudeau a affirmé vendredi que son gouvernement travaillait avec la police et les différentes autorités concernées pour lutter contre l’exploitation sexuelle et la pornographie juvénile.

« Nous avons toujours été extrêmement préoccupés par la violence fondée sur le genre, l’exploitation des mineurs et la pornographie juvénile, a déclaré M. Trudeau devant sa résidence d’Ottawa. Nous allons continuer à travailler avec les services de police et les agences de sécurité et tous les moyens possibles pour garantir la sécurité de tous les Canadiens. »

Un groupe de parlementaires canadiens a récemment demandé au gouvernement de prendre des mesures contre Pornhub et sa société mère MindGeek, qui tireraient profit de « crimes sexuels de masse ».

La lettre adressée au ministre de la Justice David Lametti faisait suite à une précédente missive au printemps demandant au premier ministre Trudeau de lancer une enquête à ce sujet.

La ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault, s’est dite troublée par les allégations visant Pornhub et a souhaité que la police mène une enquête.

PHOTO SIMON CLARK, LA PRESSE CANADIENNE

L’entreprise dit avoir recours à de nombreuses mesures pour empêcher la diffusion de tels contenus sur sa plateforme, notamment « une vaste équipe » de modérateurs humains

Lorsqu’elle s’est fait demander, lors d’une conférence de presse vendredi après-midi, si le site devrait être contraint de fermer, elle a répondu qu’elle craignait qu’un autre site du genre le remplace rapidement.

Ian Lafrenière, ministre des Affaires autochtones du Québec et ancien policier, a estimé que des changements devaient être apportés pour aider les policiers à enquêter sur les dossiers liés à la pornographie non consensuelle et pour aider les victimes à faire retirer des vidéos d’internet.

Exploitation sexuelle des mineures

Ces mêmes recommandations sont contenues dans un rapport du comité québécois sur l’exploitation sexuelle des mineures publié cette semaine, a souligné vendredi M. Lafrenière, qui est membre du comité.

Le comité a également recommandé au gouvernement du Québec d’apporter les modifications juridiques nécessaires pour forcer les sites web et autres plateformes en ligne à coopérer avec la police et à effacer toutes les données liées aux victimes d’exploitation sexuelle.

Parmi les recommandations figure la modification de la définition d’un « lieu » dans le Code criminel. Il peut être difficile pour la police d’agir si le crime initial s’est produit dans un autre pays ou si les serveurs du site web se trouvent dans un territoire différent.

Mindgeek est une entreprise établie à Montréal, mais elle a des activités dans le monde entier et il est difficile de savoir de quel territoire de compétence elle relève, car elle héberge du contenu à l’extérieur du Canada, a expliqué une porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada, la caporale Caroline Duval.

Elle a indiqué que la GRC avait discuté avec Mindgeek du champ d’application du Code criminel et de la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur l’internet.

Le Centre national contre l’exploitation d’enfants de la GRC reçoit notamment des signalements du Centre américain pour les enfants disparus et exploités. Certains de ces signalements sont liés à Mindgeek et à Pornhub.

Le Centre national contre l’exploitation d’enfants travaille en étroite collaboration avec des partenaires policiers internationaux pour forcer des entreprises américaines et internationales à retirer des contenus lorsque le territoire de compétence duquel elles relèvent peut être établi.

PayPal a suspendu ses services de paiement à Pornhub à la fin de 2019 et les sociétés de cartes de crédit ont été invitées à faire de même. Visa et Mastercard n’ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

« American Express a depuis longtemps une politique mondiale qui interdit l’acceptation de ses cartes sur les sites web de contenu numérique pour adultes », a indiqué l’entreprise dans un courriel.