Le plan vert déposé lundi est à l’image des Québécois : ambivalent.

Pas mauvais, ni très bon. Un mélange d’ambition et de contradictions, de gestes concrets et de déni.

Face à une urgence, le gouvernement caquiste propose des solutions pragmatiques. Il promet une révolution dans le confort.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le premier ministre François Legault

En fait, ce n’est pas tout à fait un plan vert que le gouvernement Legault a présenté lundi. C’est surtout un excellent plan d’électrification des transports.

Le gouvernement caquiste ne croit pas que notre façon de consommer, de nous alimenter et d’occuper le territoire pose fondamentalement problème. Il y voit un défi technologique, alors il accélère le virage vers l’électrification en espérant que cela suffise.

Mais ça ne suffira pas. Le verre d’eau est encore à 42 % vide.

Pour atteindre sa cible de réduction de gaz à effet de serre (GES) en 2030, le Québec doit réduire ses émissions de 25 mégatonnes. Ce qui a été présenté lundi ne les réduit que de 12,4 mégatonnes.

À titre de comparaison, de 1990 à aujourd’hui, les émissions n’ont baissé que de 7 mégatonnes. Il faudra donc réduire les émissions deux fois plus, en deux fois moins de temps.

Bonne chance…

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Je ne veux pas être trop négatif.

À la décharge de François Legault, il hérite de l’échec libéral. La cible de réduction des GES pour 2020 sera ratée, ce qui fait que le Québec commence avec un retard additionnel. Il reste plus de chemin à parcourir que prévu pour atteindre la cible de 2030.

M. Legault a aussi raison de rappeler que le Québec est l’État en Amérique du Nord avec les plus faibles émissions par habitant. Vrai, c’est moins une question de vertu que de géographie, avec notre potentiel hydroélectrique. Reste que cela rend bel et bien les nouvelles réductions plus difficiles à obtenir. Par exemple, le Québec n’a pas de grandes centrales au charbon à fermer pour faire chuter facilement ses émissions.

Il faut aussi souligner le chemin parcouru. Dans l’opposition, la Coalition avenir Québec se fichait de l’environnement. Depuis son élection, M. Legault a fait son mea culpa et il s’est approprié le dossier.

Le plan présenté lundi par Benoit Charette, ministre de l’Environnement, est plus détaillé que ceux de ses prédécesseurs. Il chiffre précisément chaque mesure. Une obsession imposée, me dit-on, par M. Legault lui-même.

Autre mérite, le plan caquiste sera réévalué chaque année, pour vérifier l’effet des mesures et les ajuster au besoin.

Au Québec, la hausse des émissions de GES vient des transports. C’est un problème environnemental, mais aussi économique – pour importer du pétrole, le Québec se creuse chaque année un déficit commercial de plus de 8 milliards avec l’Ouest canadien et les États-Unis.

M. Legault y a vu une occasion pour développer une filière d’électrification des transports au Québec. Le plan présenté lundi le fait bien.

Il a aussi la transparence de montrer les réductions qui restent encore à obtenir. Mais on le constate, elles demeurent immenses.

Il est normal qu’une partie des réductions ne soient pas encore connues. Cela dépend d’innovations technologiques futures que personne ne connaît encore. Et cela dépend aussi de ce que feront le fédéral et les municipalités.

Le problème, c’est l’ampleur du retard, et le refus obstiné de M. Legault d’adopter des solutions qui ont pourtant prouvé leur efficacité.

Par exemple, il n’y a rien encore sur l’aménagement du territoire. Québec promet de tenir une consultation, qui sera suivie par une politique nationale. Difficile d’être optimiste après avoir vu comment la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a ignoré les nombreux avis de son ministère afin d’accélérer l’étalement urbain coûte que coûte dans la MRC de Montcalm. Comment lui faire confiance ?

Il n’y a rien non plus pour changer les comportements des individus. Aucune mesure d’écofiscalité n’est ajoutée. Les Québécois ne veulent pas de nouvelles taxes, dit M. Legault. Ce n’est pas une façon honnête de présenter les choses… L’écofiscalité pourrait modifier la façon de taxer sans hausser le fardeau fiscal. Certains payeraient plus, mais d’autres économiseraient. C’est un outil éprouvé pour inciter les gens à choisir des véhicules moins énergivores et à les conduire moins souvent seuls.

M. Legault semble croire que notre mode de vie est soutenable à long terme, tant que les bâtiments seront mieux isolés et que les moteurs rouleront avec des batteries électriques. Si seulement c’était si facile…

L’environnement est devenu une nouvelle priorité caquiste, à condition de ne pas perturber les habitudes de son électorat et de ne pas nuire au rendement économique à court terme.

Cette approche ne suffira pas à atteindre les cibles de réduction de GES. Et puisque cet échec rendrait nécessaire l’achat de crédits de carbone en Californie, le déficit commercial ne disparaîtrait pas. Un déficit que le projet GNL ne ferait que creuser, d’ailleurs.

M. Legault a raison de dire que le Québec reste un petit pollueur avec un impact marginal sur le climat mondial. Mais il y a une excellente question qu’il ne se pose pas : si tout le monde se contentait de la moitié des efforts requis pour freiner le réchauffement climatique, quel serait le résultat ?

En un mot : mauvais. Et dangereux aussi.