Après un printemps particulièrement difficile, le Québec semble mieux maîtriser sa deuxième vague de COVID-19. La province traverse depuis un mois un long plateau du nombre de nouveaux cas confirmés, alors que la pandémie gagne en intensité dans plusieurs pays et ailleurs au Canada.

Ces dernières semaines, le premier ministre du Québec a fréquemment profité de ses points de presse pour tenter de mettre en perspective le nombre élevé de cas et de décès. François Legault a notamment comparé la situation de la pandémie ici à celle d’autres pays comme la France, les États-Unis et le Royaume-Uni. « Aux États-Unis, ils ont eu, mercredi, 80 000 nouveaux cas, a expliqué M. Legault jeudi. Ça veut dire que c’est deux fois plus, toutes proportions gardées, qu’au Québec. Quand on regarde en France, nos cousins, 36 000 nouveaux cas. C’est cinq fois plus que nous autres, toutes proportions gardées. »

En analysant les données des derniers jours et de la deuxième vague, le bilan du Québec a effectivement meilleure mine que celui d’autres États, tant par le nombre de décès que par celui des nouveaux cas de COVID-19. Chose certaine, la situation est nettement moins mauvaise qu’au printemps dernier. Par exemple, cette semaine, le Québec a enregistré en moyenne 110 nouveaux cas et 2 décès par jour par million d’habitants. En Belgique, les chiffres grimpent à 1522 nouveaux cas et 9 décès par million d’habitants.

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Ailleurs au Canada aussi, la situation se corse. Alors que le Québec se trouve sur un plateau depuis un mois, les cas sont en forte hausse dans certaines provinces canadiennes.

L’Alberta a dépassé le Québec en rapportant 622 cas hier, ce qui est proportionnellement plus. Le Manitoba affiche depuis quelques jours plus de nouveaux cas toutes proportions gardées, soit 140 cas par million d’habitants, tandis que la tendance est résolument à la hausse en Colombie-Britannique et en Ontario.

« En meilleure position »

Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, est d’accord avec le premier ministre quand il souligne que le Québec est « dans une meilleure position » actuellement qu’au printemps. Il est aussi d’accord pour dire que si on compare à la première vague, « on fait mieux qu’ailleurs ».

« Mais les autres pays ont une meilleure capacité hospitalière que la nôtre. Alors, oui, on fait mieux, mais on a moins de ressources. Donc on n’a pas le choix de faire mieux. » D’après lui, si les autres pays avaient une situation comme la nôtre, ils n’auraient pas autant de mesures restrictives que le Québec, car leur système de santé est beaucoup moins fragile.

Je comprends que des Québécois ne comprennent pas qu’on ferme presque tout, alors que notre situation n’est pas si intense en comparaison de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Mais notre problème, c’est la capacité d’hospitalisation.

Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Des comparaisons difficiles

Que ce soit pour le nombre de décès ou de cas de COVID-19 rapportés, l’épidémiologiste Hélène Carabin croit qu’il est difficile, voire impossible, de jouer au jeu des comparaisons avec les autres pays ou provinces. « Il faudrait que tout soit mesuré de façon identique pour comparer », argumente-t-elle. Or, elle estime que ce n’est pas du tout le cas en ce moment. Par exemple, les méthodes d’attribution de la cause d’un décès au virus sont bien différentes d’un pays à l’autre. En outre, ce ne sont pas toutes les personnes décédées qui sont testées pour la COVID-19. D’ailleurs, plusieurs pays rapportent une surmortalité nettement supérieure au nombre de décès attribués au nouveau coronavirus.

Pour ce qui est des nouveaux cas rapportés, Mme Carabin cite l’exemple de l’Ontario, qui ne teste plus les personnes asymptomatiques, contrairement au Québec.

Toutes ces raisons, et plusieurs autres, lui font dire que « ce n’est pas comparer des pommes avec des oranges, c’est comparer des pommes à… une camionnette ! »

Est-ce que le premier ministre devrait arrêter de comparer ? « Oui », dit-elle d’emblée. « Mais je suis épidémiologiste. Lui, politicien. Et je comprends qu’il veut encourager les gens, parce que c’est dur pour tout le monde en ce moment et que ça fait du bien de se faire dire que ça va mieux qu’ailleurs. »

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, partage cet avis. Puisque les pays ne comptent pas les décès liés à la COVID-19 de la même façon, elle croit que François Legault devrait s’abstenir de comparer le Québec à d’autres pays. « En tout cas, moi, je ne le ferais pas. » Elle cite le cas de la France, au début de la pandémie, qui ne comptabilisait pas les décès de la COVID-19 de ses établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l’équivalent français des CHSLD, dans son bilan officiel. « Nous sommes plus honnêtes au Québec. »

Sans se comparer aux autres, le Québec peut toutefois être fier d’avoir été proactif cet automne, ajoute Mme Da Silva Borgès.

Ceux qui prennent les décisions ont été très proactifs à mettre en place des mesures depuis un mois. C’était une bonne chose à faire. Et c’est vrai que lorsqu’on regarde la France, on voit qu’ils ont complètement perdu le contrôle et que ça va être catastrophique.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Légère hausse des décès et plus de rouge

Bien que le nombre de nouveaux cas de COVID-19 soit stable depuis un mois au Québec, le nombre de décès continue à augmenter légèrement. La province a rapporté vendredi 17 nouveaux décès.

De ce nombre, on note que la Capitale-Nationale a enregistré 5 décès, Chaudière-Appalaches et le Saguenay–Lac-Saint-Jean 3, et la Montérégie 2. Montréal et l’Outaouais ont chacun rapporté 1 décès.

Le Québec a ainsi rapporté 952 nouveaux cas vendredi. Devant la hausse de leur bilan, les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de Chaudière-Appalaches passeront au niveau d’alerte rouge.

Le Saguenay avait franchi le cap des 10 cas pour 100 000 habitants depuis 12 jours déjà et la tendance y est résolument à la hausse. Ses bars et restaurants devront ainsi fermer temporairement à partir de lundi.