(Québec) Le mot « N », qui soulève la controverse depuis qu’il eut été prononcé par une professeure de l’Université d’Ottawa pour expliquer un concept théorique, peut être utilisé dans un cadre académique « avec parcimonie » et seulement si « c’est vraiment nécessaire » de le faire, estime Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).

Mme Pierre, qui est sociologue, a été interpellée sur le sujet mercredi alors que la Commission présentait un bilan de la mise en oeuvre des recommandations d’un rapport sur le profilage racial.

« [Il s’agit d’un] sujet très sensible et on le voit de la manière dont on discute de ces questions. Ça devient quelque part polarisant », a d’abord signalé Mme Pierre avant de lire sa réponse sur le sujet.

La vice-présidente de la CDPDJ a d’abord rappelé que « les mots sont porteurs de sens » et que le mot N « a été utilisé pour dénigrer, déshumaniser [et] humilier. »

« Il y a irrémédiablement une charge négative, je dirais même une violence symbolique qui vient avec ce mot, et ça, on ne peut pas l’occulter », a-t-elle dit.

Ce mot « ne devient pas subitement plus vertueux parce qu’il est utilisé dans un contexte académique », a poursuivi la sociologue, précisant qu’il « faut vraiment contextualiser [ce mot] s’il doit être utilisé parce que c’est vraiment nécessaire », et le faire dans ce cas « avec parcimonie ». Mme Pierre a ainsi donné la réplique au recteur de l'Université d'Ottawa, Jacques Frémont, qui a condamné l'utilisation du mot N par la professeure Verushka Lieutenant-Duval. M. Frémont est un ancien président de la CDPDJ.

L'exemple de Césaire

Pour illustrer son propos, Myrlande Pierre a donné en exemple l’oeuvre de Aimé Césaire, écrivain et homme politique français (de la Martinique), considéré comme le fondateur du mouvement littéraire de la « négritude ».

« Est-ce qu’on peut y faire référence pour comprendre par exemple un récit historique, une œuvre ? […] Bien sûr qu’on peut s’y référer. Ça fait partie de la démarche [de Aimé Césaire]. Il s’agira de bien contextualiser », a dit la vice-présidente de la CDPDJ.

« Dans l’oeuvre de Césaire, ce mot a été repris comme symbole d’affirmation et d’émancipation en réaction à l’oppression. Ça, il ne faut pas l’occulter non plus », a-t-elle poursuivi.

« Alors même dans un contexte académique, il est important de garder cela en perspective et l’utiliser dans une perspective critique pour amener à une compréhension, pour amener à un dialogue nécessaire », a conclu Mme Pierre.