(Montréal) Le fait d’avoir des images filmées « qui parlent d’elles-mêmes », et le visage d’une femme bien réelle, celui de Joyce Echaquan — illustrant maintenant les mauvais traitements dont sont victimes les Autochtones — devraient aider à obtenir des changements nécessaires, estime l’avocat de cette famille de la Nation Atikamekw, MJean-François Bertrand.

Avant, cela restait dans l’ombre. Aujourd’hui, on a des images, a déclaré MBertrand, en entrevue avec La Presse Canadienne lundi matin.

« Cela a mobilisé l’opinion publique et cela a sensibilisé. Je pense que ce dossier peut être le point de rupture, le point de contact, qui fait en sorte que cela va opérer un changement. »

L’avocat a expliqué avoir reçu les témoignages de plusieurs personnes qui lui ont confié savoir que les Premières Nations étaient victimes de discrimination, mais que cela restait un concept vague.

Le fait d’avoir vu de leurs yeux la vidéo que la mère de famille de Manawan a filmée elle-même de son lit d’hôpital, et d’avoir entendu les propos dégradants tenus par le personnel hospitalier, a amené chez eux une prise de conscience, a-t-il relaté. « Cela m’a ouvert les yeux », ont-ils dit, rapporte l’avocat.

Il espère donc que cette triste histoire fera bouger les choses après de nombreuses enquêtes et rapports au fil des ans, sans que les Autochtones ne constatent de réelles améliorations — mais voient les mêmes situations ressurgir d’un rapport à l’autre, d’une commission d’enquête à l’autre.

« Cela atténue à chaque fois le lien de confiance qui doit exister entre les deux peuples. »

La commission d’enquête publique

Me Bertrand salue le lancement d’une commission d’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan, annoncée samedi par la vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault.

« C’est une étape très importante », dit-il. Il l’avait d’ailleurs publiquement demandée, au nom de la famille.

L’avocat va s’assurer que la famille de Mme Echaquan obtienne le statut de « partie intéressée » dans le cadre de cette enquête publique, afin de pouvoir appeler des témoins et déposer des éléments de preuve.

« C’est aussi très important car la famille et les membres de la communauté de Manawan veulent savoir ce qui s’est passé. Ça fait plusieurs années qu’il y a une situation malsaine à l’hôpital de Joliette : les gens ne sont pas bien reçus. Des gens ont même dit qu’ils ne voulaient pas aller dans cet hôpital même s’ils ont des problèmes de santé. Ce n’est pas normal. »

Vendredi, en conférence de presse, il avait annoncé une série de recours qu’il entend entreprendre : une poursuite en dommages contre le centre hospitalier de Joliette et son personnel, le dépôt de plaintes à la police, à l’Ordre des infirmières et à la Commission des droits de la personne, ainsi qu’une réclamation à l’IVAC (Indemnisation des victimes d’actes criminels).

Lundi, l’avocat a confié qu’il demandait aussi une enquête publique spécifique sur l’hôpital de Joliette, où Mme Echaquan a été admise et où elle est décédée.

Me Bertrand ne sait pas encore s’il va alléguer dans l’action en dommages et intérêts une négligence dans les soins ou une erreur médicale : il a souligné ne pas encore avoir eu accès au dossier médical de Mme Echaquan. Pour l’instant, il envisage la poursuite sous l’angle de la discrimination et l’atteinte à la dignité. « Mais s’il y en a une, on va déployer le recours en conséquence. »

Le CISSS de Lanaudière, qui est responsable de cet hôpital, avait déjà fait savoir qu’il effectuait une enquête interne. L’infirmière et la préposée aux bénéficiaires que l’on entend insulter Mme Echaquan dans la vidéo ont été congédiées.