Au Québec, pour une grande partie de la population, la consigne est redevenue « plate », contraignante, angoissante : restez chez vous, implore le trio Arruda-Legault-Dubé.

Et au fil des semaines qui passent, le Québec s’est encore une fois démarqué avec un taux de propagation du virus nettement plus grand qu’ailleurs au Canada. Un mystère Québec.

Le printemps dernier, on doutait des chiffres. La date de relâche différente était-elle un facteur ? Le pays de provenance différent des voyageurs pouvait-il jouer ? Nos voisins savaient-ils bien compter ?

Aujourd’hui, peu importe l’angle sous lequel on l’analyse, on ne peut que conclure que le Québec présente bien plus de cas qu’ailleurs. Encore lundi, nous avions 750 nouveaux cas, contre 700 en Ontario, qui est pourtant 75 % plus populeuse.

Oui, mais nous testons comme jamais, me direz-vous. Et plus nous testons, plus nous sommes susceptibles d’identifier de cas. Vous avez raison, mais l’Ontario aussi teste comme jamais, elle est même championne canadienne du testage.

Comment expliquer ce mystère Québec ? Sommes-nous plus nonchalants qu’ailleurs, plus délinquants, plus latins ?

Difficile à dire, mais en analysant les chiffres, on est à même de constater que la deuxième vague de cet automne au Québec apparaît fort différente de la première, le printemps dernier. Et qu’à y regarder de plus près, la rentrée des élèves et des étudiants semble avoir eu un effet non négligeable sur la propagation.

Pour faire ressortir les tendances, j’ai séparé la population en six strates d’âge. J’ai ensuite comparé le taux de cas positifs des derniers jours avec celui du 1er avril, moment où le nombre de cas était semblable, soit environ 6 ou 7 cas par 100 000 habitants, globalement (1). Enfin, j’ai scruté l’évolution quotidienne de la situation depuis juillet.

Premier constat : il appert que le message de discipline auprès des personnes de 60 ans et plus fait son effet. Autant les retraités actifs, comme je les appelle, que les plus vulnérables (90 ans et plus) ont vu leur taux chuter de façon très importante, parfois de moitié.

Ces jours-ci, sur 100 000 personnes de 60 à 79 ans, seulement 4 attrapent la COVID-19 quotidiennement, comparativement à 6 au début d’avril. La baisse est de 40 % chez les 80-89 ans, soit 6 cas par 100 000, contre 10 le printemps dernier.

C’est, dans cet univers gris, une bonne nouvelle, puisque cette clientèle est bien davantage à risque de complications et de décès.

En revanche, la pandémie a bondi chez les enfants, mais surtout chez les jeunes de 10 à 29 ans. Ce dernier groupe a le plus fort taux de cas de COVID-19 quotidien (13 par 100 000), autant que chez les personnes de 90 ans et plus.

Les enfants de moins de 10 ans, à 4 par 100 000, devancent maintenant les 60-79 ans pour le nombre de cas, c’est tout dire (précisément 4,0 contre 3,6).

Cette multiplication de la COVID-19 chez les enfants et les jeunes porte à s’interroger sur l’effet possible de la rentrée scolaire, puisque la progression fulgurante des dernières semaines a débuté vers la fin d’août. Vous me direz que, pour nombre d’entre eux, la rentrée a été virtuelle et non « présentielle », et je concède qu’il faudrait fouiller encore davantage, mais tout de même, les chiffres sont éloquents.

Outre la rentrée, la nonchalance des adolescents et des jeunes adultes y est probablement pour quelque chose, ou encore cette volonté de défier les règles. L’effet somme toute beaucoup moins grave du coronavirus chez les jeunes joue sûrement un rôle. Toujours est-il que les jeunes dominent largement les autres groupes aujourd’hui.

Et qu’en est-il des jeunes en Ontario ? Je n’ai pas été en mesure d’avoir les données pour les mêmes tranches d’âge que j’ai comparées ci-dessus, notamment le taux de COVID-19 pour les 10-29 ans.

Tout de même, en adaptant la comparaison, l’effet des jeunes semble se confirmer au Québec, si je me fie aux données obtenues. En effet, l’écart Québec-Ontario est nettement plus grand chez les jeunes que pour l’ensemble.

Toutes tranches d’âge confondues, donc, le Québec recense 6,4 cas par 100 000 habitants depuis une semaine, contre 3,6 en Ontario, soit 1,8 fois plus.

Chez les moins de 20 ans ? La pandémie frappe actuellement 7,9 personnes de moins de 20 ans par 100 000 habitants au Québec contre 2,4 en Ontario, soit 3,4 fois plus.

Cet écart laisse penser que la rentrée, effectivement, pourrait avoir joué un rôle plus grand ici qu’en Ontario.

1. Je suis bien conscient que la qualité des données du printemps dernier n’est pas du tout la même que celle d’aujourd’hui, mais on peut malgré tout dresser les grandes tendances.