(Ottawa) La GRC assure qu’elle tient compte des « leçons tirées » du traitement des plaintes déposées par des employés contre un directeur jugé tyrannique – et aujourd’hui accusé d’être une taupe.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait demandé au consultant Alphonse MacNeil d’examiner la réponse de la police fédérale aux allégations selon lesquelles Cameron Jay Ortis, qui dirigeait le Centre national de coordination du renseignement de la GRC, s’était livré à un comportement dégradant et abusif à partir de 2016.

M. Ortis, âgé de 47 ans, a été depuis arrêté, le 12 septembre 2019 ; selon la Couronne, il aurait tenté de divulguer des informations secrètes à « une entité étrangère ou à un groupe terroriste ». Il est actuellement détenu à Ottawa en attendant la suite des procédures.

L’examen du comportement de M. Ortis, terminé plus tôt cette année, est cité dans une poursuite au civil intentée par trois employés, qui décrivent leur expérience misérable sous les ordres de leur directeur. Or, ces employés s’étaient plaints sans succès auprès de la GRC que M. Ortis les dénigrait, qu’il dévalorisait leur valeur et leur travail, et qu’il leur avait causé une détresse et des souffrances psychologiques importantes.

Dans le cadre de son examen, l’ancien officier de la GRC Alphonse MacNeil avait interrogé près de 60 personnes, y compris des hauts dirigeants de la GRC, actuels et anciens, et il avait examiné les politiques et procédures pour déterminer si elles étaient adéquates, a assuré mardi Catherine Fortin, porte-parole de la GRC. « L’objectif était de documenter les résultats et d’identifier les leçons apprises pour éclairer les politiques et les pratiques à venir », a-t-elle indiqué en réponse aux questions de La Presse Canadienne.

Manque de leadership

La GRC n’a jamais rendu public le rapport de M. MacNeil. Mais dans un document judiciaire déposé à la Cour supérieure de l’Ontario par les trois plaignants, on apprend que M. MacNeil avait conclu à un manque de leadership à tous les niveaux de la hiérarchie à la GRC dans le traitement des plaintes concernant M. Ortis. La demande d’instance au civil, citant une version expurgée du rapport MacNeil fourni aux plaignants fin juin, énumère d’autres conclusions :

— le manque de leadership de la direction reflétait un manque d’intérêt ou de considération pour les expériences et les impacts potentiels à long terme sur les employés ;

— la direction générale n’a pas agi alors qu’elle avait été mise au courant du comportement de M. Ortis ;

— il faudrait sélectionner plus soigneusement les personnes qui occupent des postes de direction ;

— le système de traitement des plaintes de harcèlement est très imparfait, inefficace et « ne sert pas bien la GRC » ;

— le système interne de règlement des griefs ne fonctionne pas pour l’employé ou pour l’organisation, et crée « un sentiment d’insécurité et de manque de confiance dans l’organisation » ;

— les employés du centre de renseignement touchés par la conduite de M. Ortis ont subi et continuent de subir des préjudices et dommages résultant de son comportement et de l’inaction de la GRC.

Et ensuite ?

Mme Fortin a déclaré que la GRC ne pouvait pas commenter les affaires devant les tribunaux, mais elle assure qu’il n’y a pas de place pour le harcèlement au sein de la police fédérale et qu’« un plan d’action » est en cours d’élaboration pour répondre aux conclusions de M. MacNeil.

Or, la demande d’instance déposée au tribunal indique que la GRC continue de ne pas donner suite aux préoccupations des employés. « À l’exception de vagues références à une formation future mal définie pour les employés concernés, la GRC n’a pris aucune mesure ni fourni de détails sur les mesures prévues, pour faire suite aux conclusions et recommandations concrètes du rapport MacNeil. »

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré lundi que le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, responsable de la GRC, « examinait » la question. Le cabinet de M. Blair a déclaré qu’il n’était pas disponible pour une entrevue et n’a fourni aucune information sur ce qu’il faisait à propos de ce dossier. « Nous restons déterminés à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que la GRC est exempte de harcèlement et de discrimination au travail », a déclaré Craig MacBride, un porte-parole de M. Blair.