La rentrée ! La rentrée ! C’est déjà la rentrée. La rentrée ? Quelle rentrée ? On n’est pas sortis. On n’est jamais sortis. Non, mais c’est vrai, comment peut-on rentrer si on n’est pas sortis ?

Je sais, il y en a qui pensent qu’ils sont sortis parce qu’ils sont allés en vacances. Vous êtes allés où, en vacances, les grands voyageurs, les grands aventuriers ? Au Québec. Le Québec, c’est pas une sortie. C’est chez nous. On ne sort pas quand on reste chez nous. Pour sortir, faut sortir du pays. L’Italie, la France, le Japon, ça, c’est une sortie. Les Laurentides, l’Estrie, le Saguenay, la Gaspésie, c’est beau, c’est super beau, mais c’est pas sortir. C’est se promener. C’est se promener dans sa maison. Dans sa belle grande maison. De la chambre au salon. Partout, on peut regarder nos émissions, Bonsoir bonsoir !, Sucré salé, pis jaser de la game à Carey. On est dans notre monde.

Rappelez-vous le temps où on pouvait aller aux États-Unis, pis qu’on passait nos vacances dans le Maine. Sur la plage, quand la serviette à ta droite arrêtait pas de sacrer, pis que la serviette à ta gauche écoutait le match des Expos, ça nous fatiguait un peu. On n’avait pas l’impression d’être en voyage. De se dépayser. On avait l’impression d’être encore à la maison. Ben, ç’a été ça, cette année, nos vacances d’été. Sauf qu’il n’y avait pas seulement, autour de nous, deux serviettes de Québécois, y avait juste ça, des serviettes de Québécois.

Partout où on allait, on rencontrait du monde qu’on connaissait. Même qu’il n’y avait que ça, du monde qu’on connaissait ou qui connaissait quelqu’un qu’on connaissait. C’est agréable. On s’aime bien. Mais c’est pas des vacances. On ne s’est pas reposés les uns des autres. On s’est reposés les uns avec les autres. Et c’est pas toujours reposant.

En voyage, tu peux faire des folies, personne te connaît, personne le sait. Au Québec, tu peux faire des folies, mais fais attention à ton Facebook après. Ça va commenter en s’il vous plaît !

Normalement, à la rentrée, t’es excité de retrouver ta gang. Là, notre gang, on l’a pas lâchée. C’est pas une rentrée, on n’a pas bougé. Ça fait des mois qu’on est où on est nés.

Y a peut-être des enthousiastes qui vont dire : « Oui, je suis sorti ! Je suis allé à l’épicerie ! » Aller à l’épicerie avec un masque dans la face, c’est pas une sortie, c’est un cambriolage. On est tellement stressés, on est tellement pressés, on veut tellement que personne vienne nous éternuer dans le cou qu’on n’a pas le temps de sortir, qu’on est déjà revenus.

Je vous le confirme, depuis mars, personne n’est sorti. Ni de corps ni d’esprit.

Normalement, l’été, tu te changes les idées. T’aères ton cerveau. Tu te sors de tes préoccupations quotidiennes. On arrête de parler de politique. On arrête de parler de hockey. On arrête de parler de scandales, de fléaux. Les nouvelles font des topos sur la météo. On lit des articles sur les oiseaux. On se vide la tête.

Cet été, on a juste fait ça, parler de politique. On a vu Trudeau et Legault tous les jours. Cet été, on a juste fait ça, parler de hockey. On a vu Price et Weber tous les jours. On a juste fait ça, parler de scandales, de fléaux.

Fin août, d’habitude, les journalistes ont hâte que l’actualité se remette à foisonner. En ce moment, les journalistes sont brûlés. Ils espèrent qu’en septembre, ça va se calmer.

Vous me direz que c’est la rentrée parce que c’est la rentrée scolaire. Si on veut, quoique… y a déjà eu une rentrée. Rappelez-vous, y a eu les vacances de Noël, puis les enfants sont retournés à l’école, puis y a eu la relâche, les enfants sont sortis de l’école, puis après la relâche, ils sont rentrés, puis y a eu le confinement, ils sont sortis, puis y a eu le déconfinement, ils sont rentrés encore. Puis y a eu les vacances, ils sont sortis. Puis là, c’est le retour en classe, ils vont rentrer à nouveau. Et s’il y a une deuxième vague, ils vont sortir, avant de rentrer, quand ça ira mieux. Ce n’est plus une rentrée scolaire, c’est un va-et-vient scolaire. Des portes tournantes ! C’est sans parler des plus vieux qui, eux, vont suivre leurs cours à la maison. La rentrée, pour eux, c’est rentrer dans sa chambre.

Tout cela étant dit, il va quand même falloir trouver une façon de rentrer, même si on n’est pas sortis. Il nous faut un second souffle. Une nouvelle énergie pour nous rendre jusqu’à la fin de l’année.

Et c’est le changement de saison qui va nous le donner.

On n’a pas pu changer de décor. On n’a pas pu changer d’entourage. On n’a pas pu changer les manchettes. Mais quelque chose va changer. Le temps. Déjà, le vent s’est levé. Les soirées sont plus fraîches. Les nuits plus longues. La fin de l’été, le début de l’automne vont nous revigorer. On l’oublie trop souvent, nous ne sommes que des feuilles au vent.

C’est le printemps qui nous a aidés à passer à travers le confinement. C’est l’été qui nous a permis de nous sentir en vacances. Et c’est l’automne qui va nous motiver à retourner au travail. Il suffit de mettre un manteau pour que nos jambes prennent le chemin du boulot.

Bonne rentrée !

Le seul bonheur, aussi grand que le commencement, est le recommencement.